Cabarezalonzo a écrit:zourbi le grec a écrit: Au commencement était le verbe chez Tardi
christophe6788 a écrit:Il n'est pas tendre avec PIF, Tardi ! C'est à prendre au premier degré ? On parle tout de même d'un journal qui a, entre autres, publié Alexis, Cézard, Chéret, Forest, Gillon, Juillard, Mandryka, Poïvet, Pratt ; excusez du peu !
zourbi le grec a écrit:L'époque était très clivée et il était de bon ton pour un anar' comme Tardi de descendre un journal grand public comme Pif même s'il était lié au parti communiste.
Je le trouve injuste avec Charlier car il était effectivement à ses débuts un dessinateur médiocre qui a fait de gros progrès par la suite pour forger son style.
@ chirstophe6788
Oui, c'est en effet du second degré. Comme le rappelle Jopo, c'est un vieillard scrofuleux qui s'adresse au lecteur (une caricature extrême d'Oncle Paul, série d'ailleurs évoquée avec malice). C'est un personnage dont l'intérieur est censé être à l'image de l'extérieur, un type à la mémoire sélective et trouée comme l'Emmenthal, aigri et de mauvaise foi. Il est là pour faire marrer le lecteur sur les petites difficultés (surmontées) de Tardi à ses débuts dans la profession.
La tenue vestimentaire de l'énergumène achèverait, si besoin était, de dissiper les derniers doutes.
Tardi voulait intégrer
Pif, donc il ne pouvait mépriser cet hebdomadaire comme le fait son "faux double" devenu un vrai débris capable de travestir la réalité.
Mais son amour propre avait dû en prendre un petit coup à la suite du manque d'intérêt de la rédaction pour ses travaux.
Et vis-à-vis de Charlier, aujourd'hui, dans les interviewes, Tardi en parle quand même différemment, sans amertume particulière. Mais il se serait vite trouvé dans une impasse.
La vieille baderne, lorsqu'elle dit
"une dure école, que tous les jeunes ont eu la chance de ne pas connaître", ça peut aussi signifier que certains auteurs, en 1979, n'ont pas la rigueur ni la discipline que le métier exige (Il suffisait d'ouvrir Circus, Métal Hurlant, L'Echo et d'autres publications de l'époque pour prendre conscience du fossé qui séparait certains consciencieux de débutants fantaisistes qui avaient à peine le niveau fanzine). Et lorsque le vieillard poursuit par :
"Charlier me dit qu'il est déçu", tombe aussitôt après un :
"Y'a de quoi !..." plein d'autodérision. Une bonne dose d'humour pince-sans-rire.
Second degré, assurément, bien que fondé sur une part de vérité, sur ces petites blessures occasionnées par les difficultés rencontrées par chacun à ses débuts !
Là où le narrateur "double de Tardi" est sincère, c'est quand il avoue, moins de dix ans après avoir intégré Pilote (ça date de 1979,
Mouh Mouh) qu'il aurait dessiné 98 albums si la série avec Charlier avait vu le jour. C'est encore très exagéré, histoire de rester dans un ton humoristique, mais aujourd'hui, Tardi répète régulièrement qu'il n'aurait pas été le dessinateur qui convient pour ce type de collaboration dans la durée. Son manque d'enthousiasme à boucler sa propre série Adèle Blanc-Sec en témoigne.
Pardeilhan a écrit:-- je l'avais oubliée, cette Torpedo-là !... Goscinny obligeant De Beketch et Tardi à travailler de concert !
Oui, nous réagissons ainsi, en nous gaussant de cette union qui apparaît a posteriori plutôt contre-nature.
Mais il faut tenir compte du contexte. Tardi est alors un jeune débutant. Et de Beketch, loin d'être un vieillard cacochyme ni même un type qui eût l'âge d'être le père de Tardi. C'était un jeune auteur cultivé, doué, cadet de Jean Giraud de huit années. Il était tout bonnement de la même génération que Tardi (né quelques mois plus tard), ce qui peut créer une camaraderie qui rapproche, quand on débute. Le tutoiement a dû s'imposer d'emblée avec le rapport d'âge, alors que Tardi devait vouvoyer Charlier et Goscinny ou encore plus Pradal, le "juteux" de service.
Il serait intéressant de savoir comment de Beketch se comportait dans le travail avec ses collègues ? L'esprit du journal
Pilote, en 1970, s'inspirait carrément de celui de Mad selon le vœu de Goscinny, et beaucoup d'auteurs étaient finalement sur la même longueur d'onde, là-dessus, car ça innovait. Et graphiquement comme scénaristiquement, il y avait de grandes et réelles libertés.
De Beketch fut en effet, assez curieusement, recruté par Goscinny (Où avait-il déniché ce jeune homme ? La maçonnerie aurait-elle pu les rapprocher ?) pour venir renforcer l'équipe initiale de scénaristes (Lob, Pélaprat et quelques autres, occasionnels) animant ces fameuses pages d'actualité dont on parle encore. Ces pages traitant de manière humoristique, en noir et blanc
(à l'instar de la télé), des thèmes de société jusque-là considérés comme l'apanage des autres médias (radio, télévision, presse "sérieuse").
Hara-Kiri abordait aussi ces questions, mais avec un traitement moins rond, sans concession, plus dans la provocation et l'affrontement politique brutal.
Sous la plume de SdB,
Jacques Tardi aura produit des planches de 1970 à 1971. Ce sont véritablement ses débuts à
Pilote.