Ayé ! Tout lu !
Moi qui était toujours resté sur la partie base de données de BDgest, j'ignorais que le site puisse contenir un aussi fourni forum.
Le débat du beau moche (ou du moche beau) est très intéressant, et par là, tout ce qui touche à la critique, la façon de critiquer, la façon de réagir aux critiques, la différence entre opinion et jugement objectif etc.
Sans oublier la confrontation entre populeux-bouseux et intellos-bourges, sans lesquels il ne serait pas de bonheur terrestre possible (ceci étant un odieux copiage desprogiens).
Bref, une discussion que j'ai pris beaucoup de plaisir à lire.
Pour mon petit cas perso très égocentré, j?ai appris en vous lisant que je lisais déjà de la BD underground (blabla pas le bon terme mais vous voyiez le sens). Moi qui pensais hésiter depuis de nombreux mois devant les étagères remplies de choses bizarres même pas cartonnées avec des dessins même pas en couleur, j?ai été agréablement surpris. En fait d'underground, je me suis inconsciemment limité actuellement à Larcenet et Trondheim (j'ai été quand même surpris que certains d'entre-vous considèrent ça comme de l?underground, mais cela vient d'un a priori personnel voyant l'underground comme nécessairement noir, sombre, triste et avec des dessins torturés qui font peur).
Mais à y réfléchir, il est vrai qu'il y a peu, je regardais Lapinot ou, pire, Donjons, avec un regard circonspect, pour ne pas dire légèrement moqueur. Heureusement, en ces temps intellectuellement moyenâgeux (je rigole), je colocatais avec un ami qui m'a prêté ce genre de lectures subversives. J'ai dû m'habituer au dessin, mais je suis devenu maintenant un grand fan du genre (en gros, du genre dessins bizarres, du moins c?est le qualificatif que j'aurais avancé il y a peu).
Par là je voulais aussi réagir à la personne (désolé, j'ai oublié son nom, pardon, mais il y a tellement de pages...) qui feuilletait les BD et les reposait si le dessin ne lui plaisait pas. Je plussoie, j'agis de la même façon, j'ai du mal à acheter (actuellement je reste sur ce mode primitif de découverte culturelle) une BD dont le dessin ne m'accroche pas. Erreur : il faut essayer et, finalement, s'habituer. Ça vient progressivement... et en ça je rejoins les adeptes du passage « doux » de la BD conventionnelle à la BD underground. Cela dit j'aime bien l'idée de Dan (je crois) qui voit en la BD underground une porte d'accès à la BD elle-même. Personnellement j'ai commencé il y a longtemps (20 ans c'est longtemps ?) avec des séries comme Les tuniques bleues, Ric Hochet, Agent 212, Lucky Luke, Astérix... toutes séries que j'ai dévorées à coups de 5 francs belges la semaine de location. Puis j'ai un peu végété avant de bouffer de la BD « adulte », « réaliste » genre tout ce qui se fait chez Glénat / Delcourt / plein d'autres (Soleil aussi, sisi
). Là je commence à tourner en rond donc... vues sur l'alternatif, même si j'ai donc commencé avec des Trondheim ou des Larcenet. J'ai même commencé le Chat du rabbin, c'est dire
Bref, tout ça a déjà été dit ou presque.
Une chose qui n'a pas été abordée je pense dans le débat, et qui sort un peu de la question initiale (pourquoi le moche est beau ?) mais qui rejoint ce qui a déjà été abordé dans ce (long) sujet. Parce qu'en fait les réflexions faites ici ont été miennes il n?y a pas longtemps (les grands lignes... rien à voir avec le détail exposés dans ces pages-ci évidemment), à force de lire les fights forumiens sur le thème « t'aimes pas ça t'es nul ».
Je me demande donc (on y arrive...) si vous pensez qu'il puisse exister de la BD objectivement mauvaise. Je m'explique.
Il y a, pour moi (attention, avis, pas affirmation
), essentiellement trois types de réactions face à une BD (ou d?autres expressions culturelles, mais j'y reviendrai).
- l'avis, éminemment subjectif, qui n'engage que son auteur, qui est simplement la réaction d?un être humain avec toute sa subjectivité (son caractère, son éducation, ses expériences...) et dans lequel tout est permis, ou presque (disons que les insultes ne sont pas nécessaires
) ;
- la critique qui se veut objective, qui argumente son discours non pas pour expliquer son avis, mais pour affirmer telle ou telle chose ;
- la vérité, qui permettrait de rendre le point 2 (ou le 1...) universel.
La limite entre le point 1 et le point 2 est évidemment extrêmement ténue. Parfois cela se joue à l'utilisation d'un vocabulaire expressément nuancé (« je trouve que », « je pense que », « je n'ai pas aimé parce que »?). Mais le passage de l'avis à l'affirmation est rapidement fait, parfois dans le chef du rédacteur de la réaction, parfois dans celui du lecteur.
Mais c'est le point 3 qui m'intéresse le plus dans ce message. Je n'ai pas beaucoup d'exemples en tête, mais il m'est déjà arrivé de dire : « ça, c'est mauvais ». Pas « je trouve ça mauvais », non, C'EST mauvais. Je pense qu'en BD il est possible de dire ça. En effet, la BD se base sur des codes, qu'ils soient conventionnels ou underground (ce qui est dans ce dernier cas un peu paradoxal parfois). Le non-respect de ces codes peut mener à un essai raté : on ne raconte pas une histoire n'importe comment, ça doit rester compréhensible, que cela soit par le plus grand nombre ou pas. De même, si les personnages changent de tête ou sont trop semblables au point qu'on les confond, je trouve (:mrgreen:) que la BD passe alors à côté de quelque chose.
Il existerait donc une forme de vérité, du moins par genre (évitons de comparer Lanfeust et M. O par exemple, c'est très différent), qui voudrait que telle BD est réussie et telle autre ratée. J'ai eu cette impression avec, par exemple, le tome 2 de Mister Georges (Lombard) ou le 3 d'Exit (Albin Michel). Il n'est même pas question ici - pour moi toujours - de codes éculés que le lecteur (« initié ») aurait marre de voir, mais de fautes permettant de dire : ça c'est mauvais.
Evidemment c'est un discours qui peut se révéler affreusement puant, tout dépend aussi de ce que l'on recherche, si l'on considère la BD comme une façon de raconter une histoire ou, de manière plus large, un art qui, finalement, ne répond à aucune norme. Il me serait difficile par exemple de trouver une « vérité » (aka ceci est bon, ceci est mauvais) dans une peinture. Une peinture, je trouve, est une image qui n'a pas la prétention de raconter quelque chose (raconter au sens histoire? pas sentiment que l'on a en la voyant), disons qu'on y trouve un peu ce que l'on veut, même si l'image en question représente un tableau blanc avec de fins lisérés blancs.
Que l'on ne s'y trompe pas, je n'affirme pas qu'il y a une vérité du bon/mauvais dans la BD, du moins de manière générale, mais, simplement, que je trouve certains albums suffisamment ratés que pour les classer (aaaaaargh quelle horreur à écrire, classer, juger une oeuvre !).
Evidemment, si l'on adore les histoires qui se terminent d'une manière « bateau », le bateau en question étant universel tellement il a déjà été utilisé, il n'y a pas de mauvais qui compte. Si l'on adore confondre les personnes tellement ils sont mal dessinés, il est plus difficile d'affirmer quoi que ce soit. Certes... C'est lié à l'époque aussi, combien de créateurs honnis à leur époque qui sont devenus des génies deux générations plus tard ?
Zut, j'ai fait très long...
En résumé, je me demande ce que vous penser de l'existence d'une éventuelle vérité « cette BD n'est - objectivement - pas bonne » ?
Merci à ceux qui ont eu le courage de tout lire...