Il n'y a quasiment plus de journaux de BDs (Tintin, Vaillant, Pilote, etc) à part Spirou qui a survécu mais est devenu assez médiocre. Or c'est bien LE support qui était accessible financièrement aux plus jeunes, maintenant que tout ne sort qu'en album ce sont les ados et jeunes adultes qui achètent, public différent donc et goûts différents. Autre point : ces journaux permettaient de découvrir facilement de nouvelles séries et même des très anciennes qui étaient rééditées, tandis que la consommation de BDs en album favorise l'isolement dans un style particulier ou une époque particulière.
Je me suis demandé pourquoi, lorsque j'étais une "jeune génération", je n'avais pas aimé la BD "classique".
J'ai retrouvé un carton de mes hebdomadaires d'enfance : "Fripounet" (primaire), "Formule 1" (collège). Or, en 1979, "Formule 1" décida d'inclure un cahier de 8 pages format tabloïd, durant 14 semaines, résumant les
50 ANS D'HISTOIRE de la BD de cette maison d'édition, depuis les premiers "Coeur Vaillant" de 1929 aux très "récentes" BD de 1979 ! Cette période qu'ils appelaient leur "âge d'or".
J'ai collectionné ces encarts et les ai réuni pour voir ce que donnait cette BD ancienne que je ne connaissais pas.
Pour tout vous dire, moi le jeunot de l'époque, je n'avais pas vraiment aimé ces vieilleries et j'étais bien content de voir que la BD avait évolué !
Il y avait 2 BD comiques en couleur et 2 BD réalistes en noir et blanc :
- "Le Mystère de Ker Polik" de F-A Breysse (un héros accompagné du comique de service et de deux animaux, un singe et un boule-dogue, enquêtent sur la disparition du diamant d'une "castafiore" vivant dans un château breton. Des centaines de petits robots téléguidés inventés par un savant fou compliquent la tâche.)
- "Sandal et Cataral" : "Le trésor du pirate" (Le vieux capitaine Sandal et le gros intello Cataral recherchent le trésor de l'ancêtre de Cataral. Course-poursuites avec le méchant Barbecrane pour récupérer le coffret qu'ils se disputent, pour s'apercevoir qu'il ne contient pas grand chose...)
- "Frédéri le gardian" dans "Signé Makoba" (2 gardians camarguais, c'est à dire des "cowboys européens", le héros et le comique marseillais, partent en Arizona pour faire un reportage pour "Coeur Vaillant", suivis par un journaliste trop curieux qui ressemble à Charles Trenet : exploits du genre incendies et poursuites à cheval)
- "Yann le Vaillant" : le "Chrysanthème de Jade" (2 pilotes d'avion, un héros et un comique, sont interceptés dans une île indonésienne à cause de leur chargement. Ils libèrent une jeune fille malmenée par une mafia locale et récupèrent un trésor de guerre de pirates modernes)
Vous aurez remarqué que ces thèmes se retrouvent souvent dans Tintin et Milou ou d'autres BD de l'époque, sans qu'on puisse réellement deviner lequel a copié sur qui (antériorité ?)... Quoiqu'il en soit, les scénarios suivaient presque toujours une constante sur les bases desquelles les Charliers et autres Hergé se sont mieux débrouillé que les autres, principalement par recherche d'originalité et une documentation plus fouillée.
Déjà, à cette époque, la BD était réellement un produit de consommation banalisé et standardisé qui fonctionnait toujours quelle que soit la qualité, à l'image des "Petits formats". On ne la regrette donc absolument pas.
Je précise que "Ker Polik" était mon préféré, les histoires étant dans la veine "Bibi Fricotin" avec un quelque chose d'Arsène Lupin... mais que j'ai toujours adoré le dessinateur Noël Gloësener (l'histoire d'aviation), un génie du Noir et Blanc réaliste, du niveau d'Alex Raymond ou de Milton Caniff.
Pour finir avec ces très vieilles BD européennes, voici un autre exemple de BD qui a commencé dans les années 50 pour se terminer dans les années 80 : "Moky et Poupy" (une tribu d'indiens-gamins façon vllage d'Astérix, un garçon et une fille comme héros, et un ours jouant à la fois le rôle d'Obélix et de Spip. Ces indiens vivaient dans une réserve moderne et étaient parfois confrontés aux autorités locales avec motards et skippers de trimarans).
Cette BD a évolué avec les époques (3 décénies, tout de même !) et, de naïve et enfantine au tout début, elle était devenu, dans le milieu des années 70 d'une excellente qualité comique et graphique, proche des Astérix, à mon sens (bien que moins "adulte"). Juste pour dire qu'une même BD avait pu être appréciée par plusieurs générations, en évoluant avec elles, pour peu qu'elle continue à être présente dans un magazine.
Mais globalement, j'abonde dans le sens que les BD humoristiques ont mieux vieillies que les réalistes, bien que les schémas comiques puissent aussi dater un peu (Pifou qui glisse sur une banane pour tomber dans une bouche d'égout devant un décors de terrain vague entouré de pallissades...)