Elle est un rien chouettos, ta collec Spirou, pompo. Et complète, à mes yeux...
Sinon, je viens sur ce fil pour discuter le bout de gras à propos de LL.
Pendant que l'intégrale Dupuis est au point mort (momentanément, espérons-le...), Hachette vient de sortir une intégrale qui sera des plus exhaustives — puisque incluant les albums de Ran Tan Plan et ceux du môme Lucky — jusqu'à la parution du prochain chef d'oeuvre d'Achdé et Jul.
Je viens livrer quelques remarques ici à propos de cette collection. Je préfère ne pas poster mes réflexions sur le topic spécialement dédié aux collections à frise d'Hachette, Altaya et compagnie pour ne pas doucher l'optimisme et l'enthousiasme de ceux qui ne jurent que par ces collections. Notamment, par ailleurs, mes arguments auront peu de poids vis-à-vis de ceux pour qui l'essentiel reste la frise visible depuis le canapé du salon.
Je n'ai rien contre ce type de collection (dans ma jeunesse, sur le principe du prélèvement mensuel, j'avais souscrit aux intégrales Hergé et Franquin de Rombaldi. Pas de frise, mais à peu de choses près, un fonctionnement identique sur le plan financier, avec étalement de la dépense.
En fonction de son âge, si on veut des albums neufs, on n'a d'autre choix que de se procurer ce qui se présente en librairie ou en kiosque.
Il n'y a aucun mérite pour des septuagénaires ou des octogénaires à posséder des eo de Tintin ou Franquin de la fin des années 40. Ils ne les ont pas achetés au prix fort : c'est ce qu'ils trouvaient alors — les veinards — en librairie.
Commençons par les points positifs de cette collection :
Je relève que le format agréable permet de proposer les dessins à une taille parfaite.
Ceux qui possèdent d'anciennes eo savent que le format des albums souples de Dupuis et ceux de Lucky Luke en particulier, ont vu leur taille diminuer au cours des années 60. Il était initialement plus proche de celui-ci.
Donc, ce format légèrement plus grand que celui des albums ordinaires (je ne parle que de la taille des vignettes et des dessins, pas des dimensions de l'album lui-même) est un retour aux sources heureux, dirais-je.
La qualité et certains détails des planches de Morris plaident pour un format de ce type.
Un point fait débat : la présence des séries annexes développées autour de l'univers Lucky Luke. Personnellement, elles ne m'intéressent pas (comme d'ailleurs la majeure partie de la période post Goscinny) mais je comprends que certains y trouvent satisfaction. Le hic c'est que l'intégration de ces dérivés à la collection de base grèvera le budget de ceux qui se seraient contenté des aventures du cow-boy adulte. Il aurait été plus avantageux pour tout le monde qu'elles fassent partie de collections jumelles pouvant s'empiler comme des étages supplémentaires mais indépendants. Mais bon, on je ne vais pas s'étendre sur ce sujet qui a déjà fait polémique (je comprends qu'il fasse polémique) car tel n'est pas l'objet de mon propos.
Je veux surtout m'attarder sur l'aspect "artistique" et le respect (ou non respect) dû à l'oeuvre de Morris (respect qui s'étend forcément à Goscinny pour un nombre non négligeable d'albums).
Sur la forme :
Le cartonnage solide, les cahiers cousus et le dos carré toilé sont de nature à rassurer les collectionneurs qui, comme moi, déplorent et enragent lorsqu'un album part en brioche après seulement quelques lectures (c'est le pb des cahiers collés de certains albums souples ou cartonnés).
De ce point de vue, Hachette fait du bon travail.
Sur le fond :
Passons sur l'esthétique de la frise qui me semble plus que correcte (c'est un lecteur qui n'a aucune collection "frisée" qui le dit
). Les amateurs ne devraient pas être déçus.
En revanche, j'ai relevé des points négatifs que je tiens à signaler pour que les amateurs fassent leur choix en pleine connaissance de cause.
Je vais les énoncer dans un ordre croissant de gravité (tout au moins à mes yeux, tout le monde ne sera pas du même avis).
1./ La solidité procurée par un dos toilé bleu (c'est un plus, je l'ai dit) a son corollaire du côté des inconvénients : en débordant d'un bon centimètre au niveau du mors, dans la partie gauche du premier plat, cette bande bleue foncée créée un contraste marqué et une légère dissymétrie qui affectera l'ensemble des couvertures avec plus ou moins d'impact en fonction des teintes dominantes en fond d'image.
Dupuis, lorsque cet éditeur avait décidé dans les années 80 d'abandonner la formule des albums à couverture souple au profit d'un cartonnage dur, avait résolu à sa manière le problème esthétique consistant à dénaturer le moins possible les couvertures de Morris. La solution avait consisté à créer une bordure blanche entourant le dessin d'origine. La largeur de cette bordure, pour un même album, pouvait varier de 4 à 7 mm (la plus grande largeur étant celle au niveau du mors). Ainsi, l'équilibre de l'ensemble se trouvait assez respecté ; l'album se trouvait traité comme un tableau ou une estampe paré d'un cadre discret.
Pour s'inspirer de ce choix, il aurait fallu opter pour un dos toilé blanc mais par nature très salissant.
Evidemment, cet épais trait bleu foncé se combinera mieux avec nombre d'albums dont le premier plat possède des couleurs qui seront davantage en harmonie avec cette bande. Ce sera le cas pour la couverture de
Ma Dalton (dominante de verts, pâle ou foncé) ou sur celle d'
En remontant le Mississippi (dominante de bleus divers), de
Ruée sur l'Oklahoma,
La ville fantôme,
Le fil qui chante qui devraient être moins dénaturés,
Billy the Kid (fond rouge) est un des albums où ce contraste des couleurs semble atteindre une apogée criarde (on retrouvera ce problème avec
Les Dalton se rachètent,
Le bandit manchot et
Tortillas pour les Dalton.).
2./ Plus regrettable pour moi est l'abandon de la calligraphie d'origine dans le titre lui-même.
Ici, je choisis à dessein une édition courante de 1985 (mais j'aurais pu prendre l'eo) :
Non seulement le titre, originellement sur deux lignes se retrouve désormais tracé dans le bandeau jaune sur une seule ligne... Mais en outre, le lettrage n'est plus celui effectué à l'origine de la main de Morris !!!... On peut faire le même constat, d'ailleurs, concernant la page de titre...
A partir du moment où l'éditeur prend cette liberté, peut-on lui reprocher d'avoir créé une maquette discutable non validée par Morris ? Voyez les mots "Lucky Luke" désormais non centrés en haut de couverture pour caser la mention "La collection" ainsi qu'une tête de profil malvenue d'un LL suceur de brin de paille... Brin de paille qui, rappelons-le au passage, ne fait pas partie de l'ADN ou de l'essence de la série... (aucun album Dupuis et aucun album scénarisé par Goscinny ne possèdent à l'origine un LL avec paille aux lèvres en couverture, LL avait encore un clope au bec sur l'eo de Sarah Bernhardt en 1982. Ce qui était alors cocasse, c'esst que malgré cette paille ridicule apparaissant sur le premier plat de
Fingers et de
Le Daily Star, le lonesome cowboy conservait son mégot allumé sur le quatrième plat !
)
Bien évidemment, le nom des auteurs qui apparaissait sur les couvertures sous la forme élégante d'une signature de la main de Morris (il signait pour les deux, de sa belle écriture) est ici remplacé par des caractères d'imprimerie d'une froideur polaire qui altèrent le bandeau jaune.
3./ Nous arrivons au principal grief.
Que diriez-vous si on vous déclarait que les silhouettes en noir de Lucky Luke et du colonel de cavalerie (page 15 case n°7) de ce
Dalton courent toujours ainsi que les éléments de décor sont en réalité parfaitement visibles avec les traits des visages, les plis des vêtements et tous les détails de la lampe à pétrole dans d'autres éditions et notamment l'eo ? Mais pas dans la vôtre, évidemment.
Considéreriez-vous que la mauvaise qualité des films autorise l'éditeur et l'imprimeur à prendre l'initiative de noircir un dessin pour ne garder que le contour des formes, substituant à un dessin détaillé un simple contraste de masses noires sur un fond jaune ? Vous pourriez dire que le rendu est excellent (et vous n'auriez pas tort parce que l'élégance du dessin de Morris le permet). Mais on peut être choqué que l'éditeur, de sa seule autorité, prive le lecteur de la graphie d'origine, celle visible sur la planche originale.
Eh bien, c'est exactement ce qu'il se passe à la planche 17 (page 19) aux cases 1 et 3 du Billy the Kid d'Hachette. Dans l'album Hachette, je vous mets au défi de voir le dessin des poignées et des clous du coffre entreposé sur une caisse en bois devant le dépôt du relais de diligences. Revenez éventuellement à la planche 15 (page 17) pour les apercevoir, tels que Morris les a également dessinés à la planche 17. Ne cherchez pas davantage à repérer les plis de pantalon ou ceux de la chemise de Lucky Luke ni les coutures de son chapeau. Contentez-vous de savoir que ces traits existent, sont parfaitement dessinés par un Morris en pleine maîtrise de son art, mais qu'ils ne seront pas visibles, malgré une dépense de 1300 euros pour la collection complète. Toutes ces fioritures dessinées par Morris sont désormais noircies intégralement, comme si l'ancien pote de Morris, l'auteur des Idées Noires, en pleine déprime, était entre-temps passé par là avec son pot d'encre de Chine.
Tout cela ne gênera peut être pas ceux qui attendent avant tout de cette collection une belle frise dans leur salon. Pour ceux qui s'intéressent également ou en premier lieu au contenu des albums, je tenais à le leur signaler.