Je me pose la question, figure-toi, parce que dans mon souvenir (il faudrait que je ressorte l'album Glénat ou le volume des archives Goscinny qui va bien), c'est avec Tromblon et Bottaclou que Godard est entré dans une sorte d'état de grâce sur le plan graphique (Rhââ, cette couverture !).
Et cet état de grâce a perduré jusqu'au début (le premier quart) des années 70, permettant à Norbert et Kari et Martin Milan d'en profiter, le temps de quelques albums.
J'imagine qu'il avait déjà comme modèles les meilleurs de ses aînés, Franquin et Uderzo (et peut-être bien des gars comme Cézard ou Claude Marin ?) et forcément quelques grosses pointures américaines. Et pour ces derniers, s'il avait des lacunes, je veux croire que Goscinny s'est chargé de les combler.
Tu sais que quand des dessinateurs réalistes du début des années 50 intégraient l'agence de Georges Troisfontaine, Charlier leur collait illico sous le nez des planches de Milton Caniff au sommet de son art (période 1944-1950) ? Les gars avaient tout de suite une idée de la perfection en matière d'encrage et de mouvements de caméra (si je puis dire).
Eh bien, je crois que quand un dessinateur humoristique ou semi-réaliste débarquait au journal Pilote, RG faisait de même en tournant les pages des revues où sévissaient ses petits copains new-yorkais (la bande à Kurtzmann, quoi...), Mad and co.
De temps en temps, il avait en face de lui des énergumènes qui connaissaient déjà tout cela sur le bout des doigts (Gotlib, Mandryka qui avaient commencé à mettre en pratique leur talent "madesque" chez Vaillant-Pif) mais sinon, ça devait bien l'aider pour faire comprendre aux autres ce qu'il attendait d'eux.
Godard devait être du genre à piger vite, à comprendre à demi-mots, et à devancer les attentes puisque ce fut un des premiers complices de Goscinny dans les débuts de Pilote. Sa propre culture, son sens de l'observation, son travail, tout cela combiné aux idées précises et arrêtées de Goscinny a débouché sur ces planches très abouties, très soignées. Sans compter que parler boutique avec Uderzo et Greg, en plus de Goscinny (déjà une cour des grands), ça devait aider pas mal.
Il faudrait que je retrouve les deux CdBD consacrés à Godard. Peut-être y est-il explicite sur ses influences ? Il doit bien y en être question, à un moment donné ou à un autre. C'est le genre de sujet qui revenait systématiquement dans les interviewes.