Le bilan
Enfin, en 2022, la première saison était arrivée, sans parvenir à mettre tout le monde d’accord.
Beaucoup a été dit et écrit sur les infidélités à l’univers de Tolkien, les facilités scénaristiques, le faux suspense autour de l’identité de Sauron. Les showrunners, Patrick McKay et John D. Payne, contraints de bâtir leur intrigue à partir d’appendices du Seigneur des Anneaux pour raconter de manière accessible et digeste des événements du Second Âge censés s’étaler sur plusieurs siècles mais ici ramassés sur un laps de temps beaucoup plus court, semblaient totalement dépassés par l’ampleur de la tâche. Surnageaient tout de même de beaux décors et costumes, le budget conséquent alloué n’ayant pas été jeté par les fenêtres. Les acteurs, tributaires des intrigues et des dialogues, s’en sortaient inégalement mais Owain Arthur en prince Durin et Sophia Nomvete dans le rôle de son épouse tiraient leur épingle du jeu tandis qu’Ismael Cruz Cordova faisait preuve d’un certain charisme dans celui d’Arondir.
Avec quelques changements, Sam Hazeldine remplaçant Joseph Mawle dans le rôle du mystérieux Adar, la saison 2 diffusée deux ans après la première allait-elle gommer les imperfections de la précédente et monter en gamme ? Peut-être parce que les attentes étaient moindres, les libertés prises avec ce que l’on connait de la période traitée peuvent paraître moins choquantes. Néanmoins, les difficultés pour les scénaristes de traiter les différentes sous-intrigues sont toujours aussi perceptibles.
Certaines avancent rapidement, parfois trop. En Eregion, Celebrimbor passe pour un benêt qui accepte sans se méfier l’aide du pourtant très louche Halbrand/Annatar (ce que l’on essaiera de justifier en une réplique quelques épisodes plus tard) mais on ne pourra pas lui reprocher de s’être tourné les pouces puisqu’il conçoit les Anneaux des Nains et des Hommes avant de réaliser qu’il a été manipulé. On progresse également du côté d’Adar et des Elfes qui se mettent tous en mouvement. Les passages les plus réussis sont encore une fois probablement à Khazad-Dum où l’on parvient à instaurer une ambiance inquiétante entre un mal ancien qui se réveille dans les mines et un nouveau qui est introduit et corrompt Durin III.
En contrepartie, Numénor est décidément le gros point faible de la série. Les intrigues de palais sont enfantines et guère passionnantes, ce qui est d’autant plus gênant qu’elles concernent des personnages majeurs dans l’univers créé par Tolkien. On ne progresse pas beaucoup en huit épisodes. En Rhûn, où l’on suit l’Étranger et ses comparses Pieds-Velus Nori et Poppy, les protagonistes sont plus sympathiques mais on avance à peine plus. On rencontre Tom Bombadil joué par Rory Kinnear, excellent acteur mais ici un peu trop sobre pour ce personnage. Cet arc scénaristique s’achèvera sur une révélation attendue mais tout de même importante. Paradoxalement, peu semble avoir été accompli sur ce front. Enfin peut-être parce que sa sous-intrigue a dû être réécrite suite au départ de Nazanin Boniadi, l’interprète de Bronwyn qui a mis sa carrière d’actrice à l’arrêt afin de se consacrer à la cause des femmes iraniennes, Arondir/Ismael Cruz Cordova a peu à faire cette saison si ce n’est prendre des poses héroïques.
Dans l’ensemble, plus d’une fois, les idées ne semblent pas mauvaises sur le papier, comme l’aveuglement de Celebrimbor sur la vraie nature d’Annatar parce qu’il est séduit par ses belles promesses ou le parcours d’Adar, qui veut protéger les Orcs de Sauron mais finit par les utiliser comme chair à canons dans son obsession de détruire ce dernier. Malheureusement, le traitement se révèle bien trop maladroit. De ce fait, des dénouements qui devraient être poignants n’ont pas l’impact voulu car construits sur des bases trop branlantes. Si cette deuxième saison a toujours autant de mal à convaincre d’un point de vue scénaristique et prête parfois à sourire devant la naïveté de certaines scènes, la direction artistique reste un de ses points forts. Charlie Vickers négocie aussi très bien le changement radical de style de son personnage.
Cela risque de ne pas suffire.
Les spectateurs qui n’ont pas été convaincus par la première saison ne le seront pas davantage par celle-ci et il serait très improbable que la suivante amorce un changement de cap. Si l’on parvient à se montrer indulgent voire à oublier que l’on a affaire à une adaptation de la création de J.R.R Tolkien, cette nouvelle salve d’épisodes de The Rings of Power peut toutefois s’apprécier comme ces mini-séries de fantasy des années 90 que l’on aurait dotées d’un budget considérable.