Bonjour.
Je suis Bruno, le scénariste de "Lucas".
Chère Fleur, de mon point de vue, vous seriez la très bienvenue, et j'aurais plaisir à échanger avec vous.
Sinon, ayant pris connaissance de votre lettre ouverte à Carine Ménage par le biais d'un habitué de ce forum, je me permets, étant concerné au premier chef, de vous apporter quelques éléments de réponse.
Tout d'abord, je tiens à préciser un premier point : il ne s'agit surtout pas d'une BD didactique, mais plutôt d'un ouvrage ludique de sensibilisation s'appuyant sur des informations avérées. Ce qui était un des axes du cahier des charges. Une promenade dans l'histoire qu'on espère sympa, évoquant les lieux-clés de cette ville, à la rencontre de quelques personnages historiques locaux... Aucune prétention à l'exhaustivité, et surtout pas fondée sur une démarche sociologique approfondie - on n'aurait de toute façon eu ni le temps ni le budget !
Ensuite, pour répondre à votre questionnement, totalement légitime, et à votre courroux, qui m'étonne un peu plus mais que je peux comprendre :
Oui, je me suis posé la question, et elle a été évoquée lors de nos échanges avec Sophie (notre référente directe) et Carine. Bien évidemment. Impossible de ne pas se la poser. Et les choix, qui conditionnaient un certain nombre de ressorts scénaristiques, n'ont pas été simples à opérer.
La réponse tient à quelques entrées principales :
1. La "Grande Histoire" de la Flèche au XVIIème siècle a pour l'essentiel été écrite par des hommes. La plupart des personnages du projet ont réellement existé (hormis Lucas, bien sûr, son prof d'histoire et aussi le régisseur travaillant sur l'organisation de la recrue) ; or nous n'avons pas trouvé, dans notre riche documentation - certes écrite par des hommes - de personnage féminin ayant contribué notablement au remarquable essor de la ville propre à cette période.
2. De nombreux personnages féminins ont marqué l'Histoire de cette ville, mais à d'autres époques, et nous espérons pouvoir les évoquer dans des ouvrages ultérieurs... Mais c'est déjà une autre histoire. Or, nous sommes dans une fiction sur base historique réelle (et non réaliste), pas dans une uchronie.
3. Pourquoi notre protagoniste est-il "un Lucas" et non "une Louise" ? C'est une vraie question, je le répète. Pour ce que nous savons du fonctionnement de la société de l'époque - et n'étant pas socio-historien de profession j'assume de pouvoir me tromper - il était tout simplement plus facile - et plausible - à un jeune garçon d'aborder des personnages-clés ou des notabilités,surtout avec le naturel qui caractérise le rapport aux autres de notre protagoniste...
Et puis... Comment aurions-nous pu justifier la présence d'une adolescente dans le collège royal ? Je crains que les réponses plausibles (novice ou servante) ne vous satisfassent guère plus.
En revanche, mon idée de départ était de disposer d'une paire de protagonistes : une fille et un garçon. Mais alors on se heurtait, principalement, à un mur technique : la pagination. Parce qu'il aurait alors fallu une exposition renforcée (voire duelle), et aussi renforcer les enjeux et la narration... Alors que nous ne disposions que de 32 pages... Et qu'il était déjà extrêmement ardu de faire entrer nos 5 chapitres+prologue dans cet espace-là...
Ce qui est certain, c'est que si un deuxième opus devait voir le jour, nous pourrions avancer dans ce sens. Nous seulement nous y avons pensé (nous vivons avec notre temps, voyez-vous
), mais nous en avons parlé avec Carine le jour de la présentation du projet à la presse.
En effet, Lucas étant déjà implanté, l'adjonction d'une partenaire - à parité d'importance dans l'intrigue, cela va de soi - est assez simple à opérer... Et nous enrichirions en plus notre "champ des possibles dramatiques".
Bref, loin de nous des intentions sexistes... Les choix - discutables comme tout choix, et merci d'avoir levé la question - ont pour l'essentiel été conditionnés par nos contraintes techniques et nos références historiques.
Voilà. J'espère que ces éléments vous apportent des bribes de réponse.
En espérant le plaisir de futurs échanges avec vous, bien cordialement.
Bruno"
PS : pour info, j'ai passé des années à essayer de vendre un scénario sur Jeanne Barré... En vain.