Moore parle de
Watchmen (en v.o.). Et ça saigne pas mal.
Pour ceux que ça intéresse mais qui ne lisent pas l'anglais, voici les grandes lignes :
- le contrat qu'on leur a offert pour
Watchmen était une première ; avant ça il n'y avait pas de contrats, en empochant l'argent les auteurs signaient un abandon de tout droit, et c'était plié
- Moore est persuadé que DC a toujours su que l'album
Watchmen serait
toujours disponible, et que donc les deux auteurs ne récupéreraient
jamais leurs droits, tel que c'était convenu entre les deux parties ; il estime donc qu'on lui a menti, depuis le début
- selon lui DC a non seulement exploité mais surexploité
Watchmen jusqu'à le vider de sa substance
- les éditeurs n'ont aucun respect pour les auteurs, ils créent même des contrats qu'un avocat (de l'éditeur) peut signer à la place de l'auteur si celui-ci s'y refuse ("The contracts actually are some of the most anti-creator contracts imaginable. They've got clauses such as, if I refuse to sign for any reason any agreements in the future, DC can appoint an attorney to sign them instead of me.")
- du coup il ne voit pas l'intérêt de se battre sur le terrain légal ("If they've got clauses in the contract that say that they can actually get an attorney to sign contracts--that the comics company has got power of attorney--then there's not much chance.")
- c'est quand DC s'est mis à commercialiser les pin's
Watchmen en déclarant ne rien devoir aux auteurs (même pas demander leur accord) que Moore a compris qu'ils s'étaient fait baiser, et aussitôt décidé de couper les ponts avec DC
- quand DC a racheté WildStorm, c'était pour récupérer Moore contre son gré ("So, it seemed that they'd bought a whole company just to have me working for them again.") ; désormais il fait noter dans ses contrats que si la boîte où il publie est rachetée par DC, alors il reprend ses droits de facto !
- il ne parle plus à Dave Gibbons -- ni à grand monde dans le milieu manifestement ("Yeah. I really don't feel that I have any friends in the comic industry--certainly none that I would be seeking out.")
- les auteurs qui ont bossé avec Moore sur America's Best Comics ont été tricards chez leurs éditeurs habituels
- DC a essayé de manœuvrer le scénariste et grand pote de Moore, Steve Moore
- il est fâché avec Dave Lloyd aussi car, comme Gibbons, il a pris l'oseille que Moore leur faisait reverser (refusant de toucher sa part), et non seulement il n'a jamais dit merci mais en plus il a débiné Moore publiquement
- Moore n'a plus un seul exemplaire de
Watchmen chez lui
- il estime que Gibbons est passé de l'autre côté, qu'il est contre lui, et qu'il a contribué à aider DC à tenter d'acheter son accord pour les spin-offs de
Watchmen- quand on lui a dit que seuls des auteurs de talent allaient travailler sur
Before Watchmen, il a répondu que si ces gens avaient du talent ils auraient fait leurs propres équivalents de
Watchmen, et qu'il n'a rien lu de tel nulle part depuis la sortie de
Watchmen, qui selon lui montrait pourtant la voie
- il considère que depuis toujours les vrais créateurs ont été abusés par les éditeurs, que seuls les tâcherons restent et font tourner la boutique, à vide, éternellement, en ne produisant rien qui vaille d'être lu
- selon lui DC -- poussé par Warner Bros. -- ne s'intéresse pas aux 35 titres prévus car ça n'est pas ça qui rapporte mais tout ce qui peut en être dérivé : jeux, films, etc. Il est persuadé que l'édition de comic books est condamnée ; il continue à adorer le médium mais il conchie l'industrie
- selon lui les personnages de
Watchmen ne sont pas conçus pour évoluer en solo, ils ne fonctionnent qu'en relation les uns aux autres; de plus
Watchmen est un tout, avec un début, un milieu et une fin, et pas un truc conçu pour tirer sur la corde et le porte-monnaie pour aussi longtemps qu'il se trouvera une jauge d'acheteurs suffisante pour rentabiliser le truc
- il respecte son public, donc si les gens qui le lisent sont assez cons pour acheter
Before Watchmen, il leur demande de cesser d'acheter ses trucs à lui, avec tout son mépris, merci ("I would hope that you wouldn't want to buy a book knowing that its author actually had complete contempt for you. So, I'm hoping that will be enough.")
- la seule liberté qu'il lui reste, c'est de dire ce qu'il pense, alors que s'il tentait un procès il lui serait interdit de commenter l'affaire en cours, or l'affaire durerait des décennies, et il ne veut pas s'infliger ça, ni à lui ni à ses descendants ayants droit.
On aime ou on n'aime pas mais d'une manière générale, comme d'hab, Moore apparaît lucide, déterminé, et pas du tout imbu de sa personne, contrairement à ce que certains laissent parfois croire -- impression qui ne m'a d'ailleurs
jamais été confirmée chaque fois que j'ai pu voir, lire ou entendre Moore s'exprimer
lui-même.