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Can we speak about Watchmen?

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Re: Can we speak about Watchmen?

Messagede Jimbolaine » 05/03/2012 01:21

Message précédent :
Genug a écrit:Dites, est-ce que chez vous aussi, quand on ouvre la Urban Comics à la double page de la postface de Gibbons (traduite, comme celle de Moore -- et le reste des annexes pour ce que j'en ai lu -- avec des pieds calamiteux), le bouquin se casse en deux ?



Sans doute localisé sur quelques exemplaires, pas sur l'ensemble du tirage.
La colle, dans l'édition, c'est un truc fragile et inconstant, parfois on a de mauvaises surprises.



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Re: Can we speak about Watchmen?

Messagede CaptainL » 09/03/2012 22:17

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Ooohhhhhhhhhhhh!
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Re: Can we speak about Watchmen?

Messagede Jimbolaine » 09/03/2012 22:24

steph.crety a écrit:je me suis offert le Supreme, et meme si cela n'est pas à la mesure, je retrouve cet esprit "ozymandiesque."



En même temps, ce qui est intéressant avec Supreme, c'est que c'est la réponse de Moore à son Watchmen.
Dans Watchmen, il pointait du doigt les dérives "grim & gritty" du comic book américain.
Et dans Supreme, il renoue avec le "sense of wonder" des vieux Superman, pour dire que justement, Watchmen n'était pas la voie à suivre.
Les deux côte à côte, c'est l'exploration de tout un imaginaire, un discours sur la société et ses fictions.



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Re: Can we speak about Watchmen?

Messagede Jimbolaine » 09/03/2012 22:38

wvp a écrit:Watchmen avec toutes ses qualités (et ses couleurs sous acide) demeure malgré tout une histoire de super-héros.


Et en tant que tel, c'est aussi une réflexion sur un genre primordial qui a marqué l'imaginaire américain. C'est donc aussi une évocation de l'histoire américaine (le carrefour comme métaphore du melting pot social est assez hallucinante, à ce niveau…), à travers ses figures et ses représentations.


wvp a écrit:A partir de ce moment, V for Vendetta peut se lire comme une puissante réflexion sur le pouvoir, sur le totalitarisme, sur la liberté de chacun de choisir.


Ce qui est le sujet de fond de Watchmen, aussi.
Et là aussi, sans vouloir spoiler, le rapport au pouvoir (y accéder ou pas, s'en servir ou pas) passe par les héros.

La grosse différence, c'est que V pare d'abord de politique. Alors que Watchmen parle d'abord de héros.
Mais les deux mettent en avant les convictions anarchistes de Moore (le pouvoir à l'imagination du peuple). C'est sans doute pour cela que ça les rend inadaptable dans une pensée hollywoodienne.



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Re: Can we speak about Watchmen?

Messagede Genug » 21/03/2012 17:17

Moore parle de Watchmen (en v.o.). Et ça saigne pas mal.
Pour ceux que ça intéresse mais qui ne lisent pas l'anglais, voici les grandes lignes :
- le contrat qu'on leur a offert pour Watchmen était une première ; avant ça il n'y avait pas de contrats, en empochant l'argent les auteurs signaient un abandon de tout droit, et c'était plié
- Moore est persuadé que DC a toujours su que l'album Watchmen serait toujours disponible, et que donc les deux auteurs ne récupéreraient jamais leurs droits, tel que c'était convenu entre les deux parties ; il estime donc qu'on lui a menti, depuis le début
- selon lui DC a non seulement exploité mais surexploité Watchmen jusqu'à le vider de sa substance
- les éditeurs n'ont aucun respect pour les auteurs, ils créent même des contrats qu'un avocat (de l'éditeur) peut signer à la place de l'auteur si celui-ci s'y refuse ("The contracts actually are some of the most anti-creator contracts imaginable. They've got clauses such as, if I refuse to sign for any reason any agreements in the future, DC can appoint an attorney to sign them instead of me.")
- du coup il ne voit pas l'intérêt de se battre sur le terrain légal ("If they've got clauses in the contract that say that they can actually get an attorney to sign contracts--that the comics company has got power of attorney--then there's not much chance.")
- c'est quand DC s'est mis à commercialiser les pin's Watchmen en déclarant ne rien devoir aux auteurs (même pas demander leur accord) que Moore a compris qu'ils s'étaient fait baiser, et aussitôt décidé de couper les ponts avec DC
- quand DC a racheté WildStorm, c'était pour récupérer Moore contre son gré ("So, it seemed that they'd bought a whole company just to have me working for them again.") ; désormais il fait noter dans ses contrats que si la boîte où il publie est rachetée par DC, alors il reprend ses droits de facto !
- il ne parle plus à Dave Gibbons -- ni à grand monde dans le milieu manifestement ("Yeah. I really don't feel that I have any friends in the comic industry--certainly none that I would be seeking out.")
- les auteurs qui ont bossé avec Moore sur America's Best Comics ont été tricards chez leurs éditeurs habituels
- DC a essayé de manœuvrer le scénariste et grand pote de Moore, Steve Moore
- il est fâché avec Dave Lloyd aussi car, comme Gibbons, il a pris l'oseille que Moore leur faisait reverser (refusant de toucher sa part), et non seulement il n'a jamais dit merci mais en plus il a débiné Moore publiquement
- Moore n'a plus un seul exemplaire de Watchmen chez lui
- il estime que Gibbons est passé de l'autre côté, qu'il est contre lui, et qu'il a contribué à aider DC à tenter d'acheter son accord pour les spin-offs de Watchmen
- quand on lui a dit que seuls des auteurs de talent allaient travailler sur Before Watchmen, il a répondu que si ces gens avaient du talent ils auraient fait leurs propres équivalents de Watchmen, et qu'il n'a rien lu de tel nulle part depuis la sortie de Watchmen, qui selon lui montrait pourtant la voie
- il considère que depuis toujours les vrais créateurs ont été abusés par les éditeurs, que seuls les tâcherons restent et font tourner la boutique, à vide, éternellement, en ne produisant rien qui vaille d'être lu
- selon lui DC -- poussé par Warner Bros. -- ne s'intéresse pas aux 35 titres prévus car ça n'est pas ça qui rapporte mais tout ce qui peut en être dérivé : jeux, films, etc. Il est persuadé que l'édition de comic books est condamnée ; il continue à adorer le médium mais il conchie l'industrie
- selon lui les personnages de Watchmen ne sont pas conçus pour évoluer en solo, ils ne fonctionnent qu'en relation les uns aux autres; de plus Watchmen est un tout, avec un début, un milieu et une fin, et pas un truc conçu pour tirer sur la corde et le porte-monnaie pour aussi longtemps qu'il se trouvera une jauge d'acheteurs suffisante pour rentabiliser le truc
- il respecte son public, donc si les gens qui le lisent sont assez cons pour acheter Before Watchmen, il leur demande de cesser d'acheter ses trucs à lui, avec tout son mépris, merci ("I would hope that you wouldn't want to buy a book knowing that its author actually had complete contempt for you. So, I'm hoping that will be enough.")
- la seule liberté qu'il lui reste, c'est de dire ce qu'il pense, alors que s'il tentait un procès il lui serait interdit de commenter l'affaire en cours, or l'affaire durerait des décennies, et il ne veut pas s'infliger ça, ni à lui ni à ses descendants ayants droit.

On aime ou on n'aime pas mais d'une manière générale, comme d'hab, Moore apparaît lucide, déterminé, et pas du tout imbu de sa personne, contrairement à ce que certains laissent parfois croire -- impression qui ne m'a d'ailleurs jamais été confirmée chaque fois que j'ai pu voir, lire ou entendre Moore s'exprimer lui-même.
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Re: Can we speak about Watchmen?

Messagede rahoul » 21/03/2012 18:08

Merci Genug, de nous éclairer sur l'avis du principal intéressé sur la question ( et accessoirement par le tien :ok: ;) ).

Sinon, au delà de cette polémique, pour l'analyse de l'auteur sur son oeuvre,Il y a juste un détail mais de taille qui me chiffonne, c'est ça:
Genug a écrit:- selon lui les personnages de Watchmen ne sont pas conçus pour évoluer en solo, ils ne fonctionnent qu'en relation les uns aux autres.

[Révéler] Spoiler:
J'étais persuadé du fait que ce qui était démontré dans Watchmen, c' était exactement le contraire. [:lega]
Personne ne t'y oblige.
Personne ne t'en empêche non plus.
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Re: Can we speak about Watchmen?

Messagede Genug » 21/03/2012 18:43

...Attends, quitte pas, je te passe Alan :D :

KA: Selon toi les personnages ne fonctionnent pas de façon indépendante dans Watchmen ?

AM : Je ne crois pas que ça marchera. Ils n'ont pas été conçus pour opérer comme ça, et c'est moi qui les ai créés. Ils sont conçus pour fonctionner comme un tout. D'une certaine façon ce sont des personnages génériques -- et c'est voulu. C'étaient des archétypes de personnages de BD, ou du moins c'était mon intention. Donc, non, je ne crois pas que ça peut fonctionner, d'un point du vue créatif. Je veux dire, pour moi ça fonctionne jusqu'à un certain point. Tous les commentaires teigneux que j'ai faits quand j'étais en colère -- à propos de l'industrie du comic book qui n'a pas généré une seule idée qui lui soit propre dans les quarante dernières années et qui ne dispose plus des talents nécessaires pour engendrer des idées neuves --, tout ça c'est pas très sympa quand on parle de l'ensemble du milieu, mais il semblerait que DC fait tout ce qu'il faut pour prouver que j'ai indéniablement raison. Et je pense que ces prequels, ça s'explique exactement comme ça.

KA : Dans Watchmen, tout le passé dans la vie des personnages, dont rien n'est dévoilé, c'est fait exprès : il y est seulement fait allusion. Ça fait partie de l'histoire. On n'est pas censé tout savoir de ce qui leur est arrivé avant.

AM : Vous savez tout ce que vous devez savoir, et c'est d'ailleurs tout ce qui existe.

...Un peu à l'arrache, hein, mais grosso modo ça tombe comme ça de sa bouche.
Désolé d'avoir contribué à ta déception... :?
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Re: Can we speak about Watchmen?

Messagede Baltimore » 21/03/2012 22:01

Je ne savais pas qu'il était aussi faché avec Gibbons et Loyd...au moins il ne risque pas de se facher avec la dessinatrice de Filles perdues :D
Si je comprend bien je n'aurai plus le "droit" d'acheter du Moore vu que je prendrai Before Watchmen par curiosité...:D
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Re: Can we speak about Watchmen?

Messagede FrancoisG » 21/03/2012 23:39

Baltimore a écrit:Si je comprend bien je n'aurai plus le "droit" d'acheter du Moore vu que je prendrai Before Watchmen par curiosité...:D

Ah ben tu peux, tu seras juste un con à ses yeux :D

Quel personnage quand même...

Moi je trouve ça très bien que d'autres artistes se réapproprient le truc, qu'il y ait du fric ou pas à faire au final.
Que Moore tourne définitivement la page Watchmen et nous fasse d'autres chefs d’œuvres. Il a montré la voie avec son taf ? Et bien qu'il continue à tracer sa route sans s’emmerder, sans ressasser, c'est tout ce qu'on lui demande !
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Re: Can we speak about Watchmen?

Messagede Genug » 22/03/2012 09:00

Chacun voit le truc comme il veut, mais on ne peut pas ne pas s'arrêter sur le fait qu'il s'est fait piquer sa création, et comprendre qu'il l'ait un peu raide de voir d'autres en profiter en dénaturant l'œuvre. Je sais bien qu'en ces temps modernes le droit d'auteur, la propriété intellectuelle et consorts sont de plus en plus vus comme des principes réacs, mais bon...
En tout cas bien sûr je souhaite qu'il continue à aller de l'avant et nous surprenne comme il l'a toujours fait.
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Re: Can we speak about Watchmen?

Messagede FrancoisG » 22/03/2012 09:41

Genug a écrit:Chacun voit le truc comme il veut, mais on ne peut pas ne pas s'arrêter sur le fait qu'il s'est fait piquer sa création, et comprendre qu'il l'ait un peu raide de voir d'autres en profiter en dénaturant l'œuvre. Je sais bien qu'en ces temps modernes le droit d'auteur, la propriété intellectuelle et consorts sont de plus en plus vus comme des principes réacs, mais bon...

Et je ne nie d'ailleurs pas le fait qu'il ce soit fait avoir dans les grandes largeurs, sauf que bon, vient un moment, faut savoir tourner la page, surtout si on n'a aucune suite à en attendre... Sauf que là, il n'a pas l'air de vouloir arrêter d'en parler, visiblement (cf sa réflexion sur les conséquences d'un procès) !

Bref. J'attends d'un œil curieux et critique ces préquelles :D
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Re: Can we speak about Watchmen?

Messagede GolgoMan » 22/03/2012 10:03

Du Moore pur et dur :-D .
Tout son venin craché sur DC, avec son habituelle ironie.
En gros il somme les auteurs de faire leurs propres oeuvres (leurs "watchmen" à eux), ce qui ferait énormément souffrir DC (vu qu'ils récupèrent tous les grands noms), plutôt que d'exploiter son watchmen jusqu'à la corde.
Entre les lignes: "mes amis auteurs, pour le bien de la création, faites vos propres bouquins" :D
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Re: Can we speak about Watchmen?

Messagede FrancoisG » 22/03/2012 10:15

GolgoMan a écrit:Entre les lignes: "mes amis auteurs, pour le bien de la création, faites vos propres bouquins" :D

Sous entendu : "Si vous en êtes capables, ce dont je doute !" :siffle:
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Re: Can we speak about Watchmen?

Messagede Genug » 22/03/2012 12:05

C'est vrai, résumé comme ça, on pourrait penser que c'est d'un gros con, or d'une part Moore peut se permettre d'être exigeant parce qu'il a montré qu'il avait charitablement commencé par lui-même, et d'autre part parce que quand on le voit, l'écoute et le lit, on sent bien qu'il n'a pas la grosse tête, il parle en valeur absolue, et c'est assez inattaquable. C'est exigeant mais c'est costaud.
La critique qui lui est faite le plus souvent, c'est justement que Moore lui-même a beaucoup travaillé sur les persos d'autres auteurs, mais lui explique que chaque fois qu'il a pris un superhéros tout moisi (Marvelman, Swamp Thing, etc.), il avait le projet d'en faire quelque chose, de ne pas les rendre dans l'état où ils lui avaient été confiés, et on ne peut que constater que les faits lui ont donné raison, que ses apports ont non seulement été marquants mais que d'une certaine façon ils pèsent toujours sur la production actuelle. Ce qu'il reproche aux tâcherons qui vont bosser sur les 35 (trente-cinq !) volumes autour de son Watchmen, c'est qu'ils vont piller sans rien apporter. C'est évidemment un procès d'intention, à ce stade, mais à mon avis il ne prend pas un bien grand risque en prophétisant sinon des daubes, du moins des ressucées qui n'apporteront rien à rien...
Par ailleurs, quand il a enfin compris que Marvelman n'appartenait pas à son éditeur mais bel et bien toujours à son créateur, il a passé la main en prévenant ses successeurs qu'ils allaient en chier, ce que les longs procès entre Neil Gaiman et McFarlane ont amplement démontré. De plus Moore abandonne ses droits pour qu'ils soient reversés à l'auteur originel.
Beaucoup d'auteurs ont une grande bouche, quelques-uns ont vraiment les moyens de l'ouvrir, et il me semble que Moore met ses (nombreuses) paroles en accord avec ses actes.
Cela dit, tout le monde ne partage pas cette appréciation...
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Re: Can we speak about Watchmen?

Messagede GolgoMan » 22/03/2012 14:41

J'avais lu ça: http://inkd.eu/Go-Fuck-Yourself-Alan-Moore-ou-la au moment des faits, et je trouve que l'analyse de la pensée de Moore est bien retranscrite.
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Re: Can we speak about Watchmen?

Messagede Baltimore » 22/03/2012 14:57

Genug a écrit:La critique qui lui est faite le plus souvent, c'est justement que Moore lui-même a beaucoup travaillé sur les persos d'autres auteurs, mais lui explique que chaque fois qu'il a pris un superhéros tout moisi (Marvelman, Swamp Thing, etc.), il avait le projet d'en faire quelque chose, de ne pas les rendre dans l'état où ils lui avaient été confiés, et on ne peut que constater que les faits lui ont donné raison, que ses apports ont non seulement été marquants mais que d'une certaine façon ils pèsent toujours sur la production actuelle


C'est exactement ce à quoi je pensais, perso j'ai découvert avec les bonus de Watchmen que les perso était des "reprises", je croyais que Moore avait tout créé.

Si lui a repris d'autres perso pour en faire quelque chose de mieux, c'est qu'il a eu la possibilité de le faire. Il peut laisser cette possibilité aux autres mais non il joue aux vieux réac.

Bref au départ j'étais contre Before watchmen, pour moi l'oeuvre se suffisait à elle-même et Before ne peut qu'être moins bien. Mais bon, pourquoi pas finalement.
Même si je comprend ce qu'il veut dire lorsqu'il dit que ça va vider la substance de l'oeuvre
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Re: Can we speak about Watchmen?

Messagede Genug » 24/03/2012 09:06

Un autre point intéressant selon moi, et que j'avais omis de relever, c'est quand Moore rappelle que jusqu'aux années 60 le comics n'était pas un genre autoréférentiel, il avait assez peu de "background", tout était à défricher, les auteurs se servaient de leur imagination. Puis, au milieu des années 60, un phénomène est arrivé : des fans sont devenus auteurs (aussi bons qu'ils aient pu être). Là a commencé un processus "incestueux" d'anciens fans qui produisaient pour des fans d'où allait sortir la prochaine génération d'auteurs. Du coup le genre a beaucoup perdu en matière de plaisir, d'invention. Lui, quand il a commencé chez DC, il adorait utiliser les personnages anciens, ceux de l'Âge d'or et ses concepts un peu crétins. Plus tard, avec ABC entre autres, il a tenté, tout en essayant de faire progresser le genre, de retrouver en partie l'esprit de cet Âge d'or, qui avait été abandonné entre-temps.
Il regrette (une nouvelle fois) que tant d'auteurs (et leurs éditeurs) aient pris Marvelman et Watchmen comme des "bibles", alors que selon lui c'étaient des poteaux indicateurs de directions, pas des panneaux "stop". il évoque souvent le fait que les héros de comics sont tous "prise de tête", et que le "fun" ait à peu près totalement disparu, qu'on ne sente pas que les auteurs, avant tout, s'amusent.

Moore connaît l'univers du comic book anglosaxon passé et contemporain autrement mieux que moi, donc je suppose que les bases historiques sur lesquelles il s'appuie sont authentiques, en tout cas les conclusions qu'il tire me paraissent assez justes. Aujourd'hui tous les superhéros sont des êtres polytraumatisés et/ou des sociapathes. Moore fait (systématiquement ou presque) l'impasse sur Miller, mais il me semble qu'après Miller aussi tout un tas de séries ont été construites sur les questions que lui-même avait déjà soulevées, principalement avec son Dark Night.

Il me semble que la production européenne (pour ce que j'en connais, disons au moins francobelge) échappe très largement à ce syndrome d'autocitation ; certes il y a plusieurs lignes très référentielles (Jijé-Chaland-Schwartz et consorts, etc.), certes il y a un tas de médiocrité, certes il n'est pas rare de voir des nouveautés tenter de s'emparer d'une partie du succès inventé (ou réinventé) par une autre, mais on ne peut pas dire que la BD européenne ait cette dimension "incestueuse" que Moore trouve dans le comics. Pas à mes yeux en tout cas...
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Re: Can we speak about Watchmen?

Messagede Jimbolaine » 24/03/2012 11:12

En fait, je crois que l'aspect référenciel (ce que Thomas Schatz appelle "l'âge baroque", qu'on pourrait également voir comme une approche post-moderne) vient du fait que le genre super-héros (et pas le "genre comics" : les comics, c'est le support BD, c'est pas un genre en soi) est d'une part le genre dominant depuis de longues décennies, d'autre part l'endroit où se développe une mythologie et des archétypes qui n'appartiennent pas à leurs auteurs, mais qui voient une succession de scénaristes et de dessinateurs qui laissent, plus ou moins, chacun leur patte. Le jeu de références et de citations est donc facilité.
En franco-belge, c'est différent. On n'a guère d'univers partagés (Johan et Pirlouit dans le même univers que les Schtroumpfs, Spirou et Fantasio un temps dans le même univers que Gaston et le Marsupilami - mais est-ce encore le cas ? - des univers autocontenus mais tentaculaires comme ceux d'Aquablue ou de Lanfeust, des univers à spin-off comme ceux de XIII ou de Thorgal…). Ça demeure isolé et rare. C'est souvent lié à l'idée d'auteur, et au principe juridique de propriété intellectuelle (ceci dit, on pourrait imaginer que Largo Wich, XIII, Histoire sans héros, Arlequin et les Maîtres de l'orge se situent dans le même univers, et qu'un jour, Van Hamme écrive une histoire où XIII, Largo et un héritier Steenfort partagent une aventure commune…). Mais tout ça démontre bien que l'environnement éditorial et culturel n'est pas le même, et ne développe donc pas les mêmes structures narratives.
Un récent contre-exemple, c'est celui du dernier album de Spirou par Morvan (le seul que j'aime bien, pour ma part, dans sa tétralogie), qui joue à fond la carte de la citation. À la fois la citation intra-diégétique (voyage dans le temps qui permet de croiser des aventures passées, comme La Mauvaise Tête…) et citation extra-diégétique (clin d'œil à des auteurs ou des thèmes passés). Force est de reconnaître que cette tentative d'induire une continuité (avec ses évolutions visuelles et thématiques…) dans une série franco-belge n'a pas rencontré l'adhésion du public.
Ce qui était déjà le cas dans Machine qui rêve, qui était également une tentative de jouer sur les codes et de faire des clins d'œil, notamment en créant une version alternative du héros, ce qui implique une relation distanciée avec le matériau de base.
Cela témoigne aussi du fait que le lectorat franco-belge n'est pas dans la même perspective que le lectorat américain. Le rapport au personnage est différent. Dans les comic books de super-héros, les personnages sont des archétypes, des figures presque légendaires, que les lecteurs sont habitués à voir déclinées en plusieurs versions (selon les supports, les publics visés…) parfois contradictoires. Et l'approche post-moderne consiste à avoir un regard critique, au sein même du récit, et à montrer une volonté de faire cohabiter toutes les versions.
En France, c'est quand même pas pareil, la perception qu'a le public des héros, des séries et de l'industrie de l'édition n'est pas la même. Et indépendamment de ça, une telle approche (que commente et critique Moore, mais qui n'est pas aussi stérile qu'il le dit : voir notamment ce que Morrison fait sur Batman) n'est à mon sens envisageable que sur des séries au long cours qui ont développé leur propre mythologie et leur propre aura auprès d'un grand public (ce qui passe souvent par l'accès à d'autres médias, comme c'est le cas de Spirou ou de Largo Winch…).



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Re: Can we speak about Watchmen?

Messagede Jimbolaine » 24/03/2012 11:16

FrancoisG a écrit:
GolgoMan a écrit:Entre les lignes: "mes amis auteurs, pour le bien de la création, faites vos propres bouquins" :D

Sous entendu : "Si vous en êtes capables, ce dont je doute !" :siffle:



J'en suis même pas sûr.
Je pense qu'il est toujours dans la logique d'un créateur indépendant (qui est celle qui l'a mené à écrire pour McFarlane ou Lee, vers le milieu des années 1990), qui cherche à proposer autre chose.



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Re: Can we speak about Watchmen?

Messagede FrancoisG » 24/03/2012 12:06

Jimbolaine a écrit:J'en suis même pas sûr.
Je pense qu'il est toujours dans la logique d'un créateur indépendant (qui est celle qui l'a mené à écrire pour McFarlane ou Lee, vers le milieu des années 1990), qui cherche à proposer autre chose.


Oui, sans doute...
Toujours est-il qu'on ne peut faire un reset de la production de plusieurs décennies et repartir à zéro, il devient difficile à un moment de proposer autre chose ou en tout cas sans aucune influence.

Je suis taquin avec Moore mais pas en total désaccord avec sa façon de penser, faut dire aussi que j'aime bien égratigner les "monuments" :D
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Re: Can we speak about Watchmen?

Messagede Genug » 24/03/2012 12:09

C'est vrai que Moore pourrait quand même citer quelques noms, il y en a, mais je suppose qu'il rejette tout en bloc parce que ça traduit son état d'esprit après les nombreuses galères dans lesquelles il s'est vu poussé (la réédition de Marvelman sans son nom "par erreur" étant un genre de sommet). À rapprocher de sa déclaration : il n'a plus aucun ami dans le milieu (même plus Steve Moore ? non, je suppose que Steve Moore est d'abord son pote avant d'être un auteur). Ce qui reste touchant c'est qu'il déclare encore et toujours sa flamme pour le comic book et le superhéros. On ne peut pas considérer qu'il est simplement aigri. Il refuse d'écrire pour le cinéma (qui contitue à l'en supplier), il ne s'intéresse fondamentalement qu'au comic book (la musique, les performances, etc., étant apparemment plutôt des dérivatifs).
Passionnant bonhomme tout de même (à côté de ce qu'est devenu Miller, du moins de ce qu'il a choisi de montrer de lui-même)... :D
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