Hé oui, tout ça donne l'impression qu'il y a moins de "passion" dans l'élaboration de l'hebdomadaire...
Et bien vois-tu, pour moi, il y a encore une certaine "passion" dans l'équipe qui conçoit ce magazine. On sent bien qu'ils sont tout le temps à la recherche de nouveautés, d'animations, de gags originaux, d'articles bien ciblés, etc... Ils ont réellement envie de se faire rire (et le public avec eux). Non, véritablement, je ne pense pas qu'on puisse leur reprocher ça.
En fait, ce qui cloche, c'est que cette passion est beaucoup trop "adulte".
L'humour qui les anime est beaucoup trop décalé, cynique, x-ième degrés, critique, pince sans rire, allusif, x-ième vague, noir, non-sens, etc... Bref, toute la partie de l'humour qui ne s'adresse qu'à l'adulte. Prenez Astérix, par exemple, on sait tous que cette BD comporte les deux types d'humour (et au-delà : de centres d'intérêts) : le volet "guignol" pour les enfants, qui domine nettement, et le volet "clins d'oeils" pour les adultes... Et bien l'esprit qui emplit Spirou, depuis Thinlot, c'est celui-là : celui du "Pilote 2ème version", celui de "Fluide" et de "l'Echo des Savanes", etc... Ce n'est pas un mauvais humour, bien sûr, mais ce n'est pas celui qu'attendent les lecteurs d'un magazine grand-public qui réunit à la fois les jeunes et leurs parents.
Il y manque donc une certaine fraîcheur, une certaine application (dessins), une bouffée d'air frais, de grands rires bien francs, une certaine exigeance, des couleurs chaudes et ensoleillées (au lieu de ces ambiances sinistres monochromes qui prolifèrent)...
Il y manque cette bonne humeur enfantine destinée à tous les grands enfants de 7 à 77 ans et que l'on retrouve dans les plus grands succès actuels de Spirou : Petit Spirou, Parker et Badger, Jojo, Kid Paddle, Tamara, Zappeurs, Nombrils, etc... dignes représentants des valeureux anciens : Franquin, Peyo, Morris, Goscinny, Will, Greg, etc...
En fait, ce qui manque à Spirou, c'est un... MONSIEUR DUPUIS !
... quelqu'un d'un peu coincé, pénétré d'une certaine exigeance enfantine sans pour autant philosopher à tout bout de champ (on oublie un peu les Lacan et Dolto qui hantaient Capsule Cosmique), quelqu'un capable de freiner cette orientation du "grand public" vers "l'adolescent/adulte" qui menace Spirou et qu'avait connu le journal Pilote aux alentours de 1968 (à cette époque on avait une excuse : il n'y avait pas encore de mags pour ados, aujourd'hui il y a pléthore).
Bref, il faudrait une rédaction qui retrouve un peu cette âme de grands enfants simples et rigolards, capable de se mettre à la place des gosses et pas de leurs parents ou de leurs grands frères. Un âme telle qu'en ont ces parents ou grand-parents qui lisent Spirou en même temps que leur progéniture et qui rigolent des mêmes choses (peu ou prou).