de PEB » 04/02/2022 12:38
Maintenant que le débat semble se dépassionner quelque peu, voici mes propres réflexions sur le sujet...
Concernant le problème ontarien, la démarche destructrice se voulait constructive, puisque réalisée "dans un but de réconciliation avec les Premières Nations". Bon, j'imagine que ça leur fait une belle jambe aux première nations. Plus surprenant, les livres bannis ont été brûlés "dans un but éducatif". Autrement dit, brûler des livres est une démarche positive enseignée aux enfants. Là, c'est carrément flippant.
Enfin, les livres concernés sont associés à des stéréotypes racistes. Ce n'est pas complètement faux; sauf que les promoteurs de cette action stupide font l'amalgame entre des bouquins assez peu comparables (dont on n'a pas la liste complète, soit dit en passant...). Sont mentionnés Tintin, Lucky Luke et "Astérix et les Indiens".
Premièrement, je n'ai trouvé aucune trace de cet Astérix (à ma connaissance, ce n'est pas un livre mais un dessin animé). Plus important, et c'est là ou le bât blesse, la démarche met sur le même plan une bande dessinée d'aventures des années 30 et un western parodique des années 70.
Ce n'est une nouvelle pour personne que Tintin véhicule des stéréotypes racistes: franchement colonialistes dans Tintin au Congo, peu favorables aux Amérindiens dans Tintin an Amérique, anti-Japonais et paternalistes (vis-à-vis des Chinois) dans Le Lotus bleu, et j'en passe (Tintin au pays des Soviets étant un pamphlet anticommuniste frisant le ridicule tant il est caricatural). Tintin est le produit de son temps. Faut-il le brûler pour autant? Évidemment, non; même si une contextualisation peut être la bienvenue pour les enfants.
De l'autre côté, Lucky Luke est une bande dessinée parodique qui se moque de tout et de tout le monde, sans véhiculer le moindre stéréotype raciste. C'est un western caricaturant l'époque (les années 70-80) de sa création. Bref rien à voir.
En conclusion, l'initiative isolée de ce conseil éducatif canadien est stupide sur le fond comme sur la forme. Elle ne fait que témoigner de l'ignorance stupide de ses auteurs et leur incapacité à prendre du recul.
Le bannissement de Maus dans un comté étasunien est autrement plus grave. Sous des prétextes fallacieux et pudibonds, fréquemment brandis par la frange conservatrice de l'Amérique WASP, elle exclut une œuvre importante de la bande dessinée américaine. Je crois que tout le monde s'accordera à y voir que le but inavoué de cette démarche est de freiner la diffusion de la mémoire de la Shoah. C'est une entreprise que l'on peut qualifier de négationniste, voire d'antisémite.
Au final, il semble difficile de mettre sur le même plan une initiative de com stupide, émanant de personnes qui ne le sont pas moins, et dont la seule conséquence sera de priver de bandes dessinées ludiques quelques gamins, avec la décision d'une instance politique dont la conséquence sera de priver un certain nombre d'enseignants d'un instrument éducatif concernant le pire massacre raciste du XXe siècle...
Bon, au final les gamins liront d'autres BD, et les enseignants utiliseront d'autres supports pédagogiques, donc le monde ne s'effondrera pas à cause de ces nuisibles...