de edgarmint » 31/01/2011 23:07
En bon parisien qui se respecte, je dois dire que ce palmarès me ravit !
Bon, j’entends bien l’argument du camarade Pouffy sur la nomination sur le tard de Art Spiegelman (les autres arguments ici développés me semblent d’une pertinence plus relative). En parallèle, on peut aussi admettre que le rythme de nomination n’a rien d’excessif, et que cela n’est pas sans impact (il faut du temps pour faire un nom, et les noms ne sont peut-être pas légions, mais ne sont pas uniques pour autant). Il n’en demeure pas moins que ce dernier est l’un des personnages important de la bande dessinée. Son œuvre, et effectivement Maus, a clairement contribué à l’évolution de la bande dessinée, à son ouverture, à la parution, aujourd’hui, d’ouvrages comme Gaza 1956. A ce titre, sa nomination n’a rien d’incongru, loin s’en faut. Enfin, il ne faut pas oublier que dans FIBD, il y a le « I » d’international. Et de la bande dessinée, Dieu sait qu’il y en a ailleurs que dans l’espace franco-belge de nos jours.
Ensuite, le Grand prix du jury et les Cinq milles kilomètres par seconde, et bien je considère que c’est un excellent choix. En effet, certains albums ont sans doute davantage marqué l’année, je pense là à Quai d’Orsay, à Château de sable, à Toxic parmi les grands absents (et j’en oublie sans doute). Mais qu’est-ce-qui différencie ces bandes dessinées par rapport à celle de Manuele Fior, si ce n’est la visibilité due au nom de l’auteur, à la puissance de l’éditeur, c’est selon. Je ne veux pas faire la guerre des grands contre les petits, mais juste souligner que le livre de l’Italien est peut-être aussi fort que ces autres titres que je viens de citer, mais a été lu par moins de monde à cause d’une absence de visibilité. A la différence de bon nombre d’intervenant ici, le jury est composé de « gros » lecteurs qui ont une bonne vision d’ensemble de la bande dessinée. Ils avaient le choix de porter leur coup de projecteur sur un titre déjà sous les feux de la rampe, ou, au contraire, d’en éclairer un qui, d’une qualité sans doute proche (pour les questions de détail, ça reste très subjectif), ne bénéficiait pas de cet éclairage. Ils ont fait ce choix, c’en était un possible parmi d’autres, mais ça n’en reste pas moins un bon choix, avec une vision qui me semble en adéquation avec l’esprit de Baru (mais là, je m’avance peut-être un peu !).
Ensuite, Gaza 1956 avec un prix sur mesure fait évidement parti des ouvrages important de l’année, non seulement pour le sujet abordé, mais surtout pour cette ouverture vers la bande dessinée d’investigation qu’il ouvre (enfin qu’il a ouvert depuis un petit bout de temps le sieur Saccco). Si nous avons aujourd’hui des Squarzoni, des Maximilien Leroy, mais aussi des Grégory Jarry et Otto T. (ces derniers avaient une exposition consacrée à leur travail dans le cadre du festival, elle restera visible jusqu’au 30 avril 2011 au Garage hermétique, Bâtiment Castro du CIBDI), c’est que des défricheurs comme Joe Sacco ont ouvert la voie. Il n’est pas le seul, mais il fait parti des importants.
Le prix de l’audace à Les noceurs n’a rien d’immérité, il y a vraiment de ça dans cette bande dessinée : une explosion de couleurs, un graphisme peu commun et une construction qui suit les méandres éthyliques de la Noce ! Bon, j’admets que j’aurais bien aimé voir là Body world. Mais encore une fois, un jury doit faire des choix, et la crédibilité va à ce qui est tranché.
Cela m’amène vers les prix de la révélation, et là, autant la nomination du livre d’Ulli Lust me parait pertinent, autant je suis plus réservé sur son jumeau, La parenthèse, qui ne m’avait guère transporté (mais j’ai discuté avec d’autres personnes qui ont bien accroché, alors... Mais là, je verse dans le subjectif et la digression). Mais ne soyons pas chien, c’est sans doute là ma plus grande réserve sur ce palmarès.
Vient ensuite le prix du public, Le bleu est une couleur chaude. Après avoir franchi le premier barrage de la sélection, puis le vote du public, il a été désigné par un jury composé de lecteurs amateurs. Ce choix me semble correspondre à l’idée que l’on peut se faire d’un prix du public (et donc avec une vision qui diffère de celle du professionnel). Alors certes, cet album n’a sans doute pas les qualités de congénères cités plus haut (construction, graphisme, utilisation des codes), il a sans doute de petits défauts, une certaine naïveté dans le contenu, un certain trop plein dans ce qu’il exprime, mais il n’en demeure pas moins un album qui touche son lecteur. CQFD.
En passant, une petite question qui ne doit rien enlever aux qualités des 3 albums cités juste au-dessus. Ces 3 bandes dessinées ont pour point commun le caractère impliqué de leur auteure dans le sujet (soit pour la thématique, soit pour le caractère autobiographique du propos). Mon interrogation porte sur leur faculté à rebondir sur un autre sujet. Quand je parle rebondir, j’entends « aussi bien ». A suivre... !
Pour Pluto, j’ai une mauvaise connaissance de la bande dessinée asiatique en générale, mais, motivé par certains camarades, il se trouve que j’ai lu cet album et qu’il m’a scotché ! D’une part pour la qualité du travail effectué sur le personnage de flic/robot, d’autre part, et surtout, pour la seconde partie qui voit la confrontation d’un pianiste irascible et d’un robot touché par la grâce de la musique. Une longue séquence d’une intense poésie.
Pour Il était une fois en France, autre réserve pour ma part, autant le premier cycle m’a laissé un excellent souvenir (travail sur les protagonistes, construction du récit, fluidité de lecture, ...), autant ce 4ème tome m’a laissé une impression plus mitigée (un rien fouilli...). Mais un prix qui distingue une série ne doit sans doute pas s’arrêter à un seul tome de ladite série... Bon, je n’ai pas nécessairement le bon/juste regard sur cette question, je ne lis que peu de séries.
Enfin, le meilleur pour la fin, le prix spécial du jury (il porte bien son nom celui là !), pour Asterios Polyp. Formidable album de pure bande dessinée, ce que j’entends par là, c’est que c’est un livre qui utilise à fond les possibilités de la bande dessinée (graphisme, jeu des couleurs, construction du récit, calligraphie...). L’Art de la bande dessinée poussé très haut ! Indéniablement l’une des œuvres majeures de l’année.
Bla, bla, bla... et oui, Quai d’Orsay. Le jury se devait de choisir !