Philemon a écrit:Une BD plus "chorale" ??? Je ne connaissais pas la signification, je m'endormirai un peu moins bête ce soir !
Ouais, l'idée, c'est que l'action n'est pas tenue par un soliste, mais par un chœur de personnages. Et si on en enlève un, on a un son différent (voir des séries télé comme Urgences, Las Vegas ou d'autres…). C'est d'ailleurs un peu ce qui se passe dans le film, qui se réduit à un duel entre enquêteur et suspect. C'est bien fait, c'est pas un souci, mais ça élague beaucoup par rapport à la BD.
Philemon a écrit:Pour les jeux de symétrie dans la construction de V, j'ai du manquer quelque chose, à quoi fais-tu allusion ?
Je l'ai pas sous les yeux, et j'ai la flemme d'aller le chercher, mais y a plein de jeux d'échos entre les actions des différents personnages, qui sont des symétries symboliques les unes des autres. Y a la mise au point de la construction entre les textes et les images, les uns répondant aux autres, une technique qui explose dans
Watchmen mais qui était en chantier dans
V (et dans
Miracleman à la même période, aussi). Y a aussi des jeux formels, notamment autour de la partition de musique, par exemple, ou de la déclinaison des allitérations en "v". Bref, c'est une plongée dans les possibilités formelles de la narration BD, ce que, par définition, le cinéma ne peut pas reproduire.
Philemon a écrit:Autant c'est très fort dans Watchmen, autant dans V je suis passé au travers...
C'est parce que de
Watchmen, c'est affiché en grand. C'est posé en système. Dans
V, c'est encore un chantier, Moore en est encore à explorer, à tester les limites. D'une certaine manière,
V est encore une œuvre de jeunesse, malgré l'énorme maturité du truc.
Nikolavitch a écrit:ulys a écrit:Après des années d'attentes, j'ai enfin lu V pour Vendetta.
La version Delcourt était épuisée et très cher en seconde main. La version Panini ne m'interessait pas. Du coup j'ai sauté sur cette version Urban.
Pour moi ce fut une déception à vrai dire. Je m'attendais vraiment à une grosse tuerie (figurée car sinon, c'est bien le cas). Pourtant j'avais beaucoup aimé le film, qui reprend pourtant très bien la BD. Mais j'ai trouvé le film beaucoup plus cohérent, "lisible", clair...
Bref déçu je suis. Très.
Sauf que le film est complètement hors sujet.
La BD est un pamphlet anarchiste radical, le film un gentil truc centriste sur la liberté qui est tellement cohérent qu'il remplace un système normatif (le fascisme) par un autre (le culte de la personnalité de V, matérialisé par les gens masqués).
La BD est justement beaucoup plus cohérente, à mon sens.
C'est d'ailleurs marrant, parce que le choix de démasquer V en montrant tous les personnages de l'histoire, même les personnages morts, c'est une manière pour le réalisateur de retranscrire la scène de démasquage rêvée, qui dévoile différents visages dans la BD. Le réalisateur essaie de nous dire la même chose, que l'identité de V importe peu, et que V, c'est un idéal qui doit est pérennisé. Mais en choisissant de montrer ça sous la forme d'une foule, il change la portée du truc, et il en fait une sorte d'hymne à la démocratie et aux mouvements populaire. On est plus, là, dans la tradition des mouvements libertariens américains, des révoltes à la Tea Party (celui d'il y a deux siècles, pas celui d'aujourd'hui…), que dans celle des mouvements proprement libertaires et anarchistes.
De toute façon, Hollywood est vachement emmerdé par la pensée anarchiste de Moore. Et du coup, on voit bien les raisons purement mercantiles des adaptations dans cette industrie cinématographique qui n'est jamais qu'une usine à adapter les idées des autres : on choisit
Watchmen ou
V non pas pour le contenu et le message, mais pour la popularité et le pognon.
Néanmoins, je persiste à voir dans la fin de
V une trahison moins grave et moins profonde que celle de la fin de
Watchmen.
Jim