Cet article est assez hallucinant. Et je ne dis pas ça seulement en tant que fan du principe de continuité dans les comics (et surtout chez DC, au moins jusqu'aux New 52) lisant le texte de quelqu'un qui ne se cache guère d'être hostile au principe. On peut discuter du pour et du contre. Mais pour ça, encore faut-il le faire sur des bases solides et faibles. Là, franchement, le texte est blindé de biais, d'inexactitudes voire d'erreurs factuelles. Et l'auteur est censé être un spécialiste qui, si j'en juge par sa présentation, écrit non seulement sur ce site mais fait aussi des chroniques sur les comics à la radio et à la télé ??
Florilège :
Les héros majeurs ont également droit à plusieurs titres mensuels comme Spider-Man mis en scène dans Spectacular Spider-Man (SSM), Amazing Spider-Man (ASM), Peter Parker : Spider-Man (PPSM) ou même Friendly Neighborhood Spider-Man (FNSM). Evidemment, dans un monde idéal, les événements de ASM devraient avoir des répercussions sur les événements de SSM ou de FNSM. Mais pour ça, il faudrait que les scénaristes se parlent…
Où l'auteur dénonce les effets du
manque de continuité et de l'indépendance des récits dans les publications Marvel pour nous suggérer que la
continuité, c'est mal, et que l'indépendance des récits est la solution. Ça commence bien.
Parfois, [la continuité] empêche les nouveaux lecteurs de commencer les comics :
en sortant d’une salle de cinéma, un spectateur de Avengers qui s’achète la BD Uncanny Avengers doit connaitre Onslaught pour comprendre ce qu’il lit alors qu’un spectateur de Amazing Spider-Man se retrouve avec un Spidey/Octavius en lieu et place d’un Spidey/Parker.
Argument fallacieux, cela a peu à voir avec le principe de continuité et surtout y renoncer ne changera rien au problème, s'il ne l'accentue pas. Les vieux personnages existeront toujours - leurs relations seront juste (encore ?) moins cohérentes - et le nouveau lecteur se retrouvera toujours à devoir savoir qui est Onslaught (j'avoue n'en avoir pas la moindre idée). Et si les auteurs sont plus libres de faire des histoires "indépendantes", alors on aura plus d'histoires dans le style de
Superior Spider-Man avec la possession de Peter Park par Octavius (ce qui ne sera pas forcément un mal, vu que c'est un très bon titre). On me dira que le lecteur aura peut-être le choix de lire une autre histoire dans laquelle la configuration est différente et plus "classique" (ou plus proche des films). Devinez quoi ? C'est déjà le cas. Le problème du "nouveau lecteur" présenté sortant de la salle de cinéma, c'est surtout que visiblement, il n'a pas demandé conseil à son libraire ou à des amateurs pour bien choisir sa première lecture.
Elle oblige aussi les auteurs à avoir parfois recours à des RetCon :
l’emploi d’une continuité rétroactive est une manœuvre destinée à ajouter des éléments au passé du personnage pour les utiliser dans le présent comme lorsqu’en 2014, on apprenait que Spider-Man avait une sœur dont personne n’avait entendu parlé depuis la création du personnage.
Assertion doublement risible. Sauf erreur de ma part, c'est
Spider-Man : Family Business qui est dans le collimateur. 1) Visiblement l'auteur s'est contenté du pitch et n'a pas lu l'histoire jusqu'au bout. 2) Il s'agit précisément d'une histoire hors continuité.
On a aussi simplement invalidé des années d’aventures d’un personnage qui ne correspondent plus au style de l’époque comme les aventures très psychédéliques du Batman des année 60/70 qui font tâche face à l’univers sombre et sérieuse du Batman actuel.
Ouais, c'est flagrant quand on lit le run de Grant Morrison, par exemple.
Aucune référence à des trucs chelous de cette époque-là, absolument aucune. Enfin sauf toutes celles sur lesquelles l'histoire est bâtie.
On a aussi connu des retours à la vie justifiés (ou pas) par des prétextes plus ou moins fumant, passant du « c’est pas moi, c’était mon clone » à « non, c’est un extra-terrestre qui avait pris ma place« . On a pu enfin assister à la valse des « nouveaux univers » destinés à devenir des version modernes des univers actuels. On se souvient par exemple de Heroes Reborn, de Ultimates, de Terre 2 ou de la ligne Season One.
Ou l'auteur mêle allègrement un peu tout et n'importe quoi, y compris des titres qu'il utilisera quelques lignes plus loin pour démontrer le contraire de ce qu'il leur fait dire ici...
Énumérons quelques exemple des comics reconnus comme de véritables succès.
Evidemment, on se doit commencer par Watchmen d’Alan Moore et Dark Knight Returns de Frank Miller. Le point commun de ces deux œuvres ? Elles se situent en dehors de toute continuité. Ce sont des histoires indépendantes qu’on peut même découvrir sans avoir jamais lu de comics.
C'est loin d'être leur seul point commun, tout de même...
Ajoutons à notre liste des comics vraiment réussis, publié par Marvel ou DC et récemment (res)sortis en France.
On trouve Killing Joke, Batman : Année Un, Old Man Logan, Kingdom Come, Injustice, Earth X, Daredevil end of Days et dans une moindre mesure Deadpool : il faut soigner le soldat Wilson, Batman : Un Long Halloween, Thor : The Mighty Avengers, Superman : Kryptonite, Batman : Sombre Reflet, Punisher : la fin, Hulk : le dernier des titans.
Toutes ces sagas ont un point commun : elles se situent en dehors de toutes continuité.
Non seulement le gars essaie de nous faire passer pour les Tables de la Lois de ce qui est "vraiment réussi" en matière de comics, sa liste de préférences perso assez subjective pour ne pas dire plutôt critiquable (
Injustice sur le même plan qu'un
Année Un, vraiment ??), mais il n'est visiblement même pas fichu d'être cohérent avec son propos.
En dehors de toute continuité,
Killing Joke qui a fait basculer la vie de Barbara Gordon, et l'a fait, à terme, passer de Batgirl à Oracle ? Et
Batman : Sombre Reflet qui se passe pendant la période où Dick Grayson a succédé à Bruce Wayne comme nouveau Batman ? Je n'ai pas lu
tous les autres titres mais je ne mettrai pas ma main à couper qu'une ou deux fantaisies ne s'y cachent pas encore.
On notera au passage que, comme plus haut, le même auteur qui critique le principe de continuité sous prétexte qu'il force à créer des univers parallèles n'a plus de problème avec le principe dès lors qu'il considère que l'histoire située dans cet univers parallèle peut se lire "hors continuité" (
Earth X par exemple).
En grossissant le trait, on pourrait se laisser aller à imaginer que les meilleurs comics publiés récemment par Marvel et DC sont publiés hors continuité
Affirmation suivie d'une présentation d'un "top 5" sorti d'on ne sait trop où, qui comprend notamment...
The Ultimates, datant de 2002, bonjour le "récemment", et passons sur le fait que le même titre avait été présenté quelques paragraphes plus haut comme l'un des exemples des conséquences néfastes du trop de continuité... et
Saga, qui n'a rien à voir avec DC, Marvel, ni les super-héros !
De façon générale, outre les requalifications à l'arrache de certains titres qui servent à démontrer une chose et son contraire d'un paragraphe à l'autre, le nombre de titres existant "hors continuité" que cite l'auteur (pour ceux qui le sont vraiment, hors continuité, je veux dire) mine encore un peu plus son propos, montrant bien que DC n'a pas attendu de proclamer l'abolition de toute continuité pour nous offrir des œuvres comme
Un long Halloween ou
Kingdom Come, EN PLUS des séries officiellement prises (de façon plus ou moins marquée) dans la "continuité". Sans même parler du fait que les auteurs ont toujours su jouer avec le poids de ladite continuité, lui accordant une place plus ou moins marquée (voire pas du tout) au sein même des séries régulières, selon leur envie et leur visée. En d'autres termes, il me semble que le renoncement au principe de continuité n'ouvre pas tant la porte à plus de possibilités qu'elle ne la ferme en restreignant les choix.