Merci de ta très riche réponse. J'avoue que que j'ai bien galéré à donner une cohérence à mon message. Après plus de deux heures dessus, j'abandonne. Je n'ai même pas répondu sur tous les points qui m'intéressais. Bref, j'espère que ça ne part pas trop dans tous les sens.
corbulon a écrit:Ceci étant dit, moi je vais préciser ma pensée (même si avec l'exemple de cet humoriste je pensais avoir été clair), à imagination égale c'est le vécu qui fait la différence.
L’imagination est un concept et protéiforme et intangible, il ne peut donc être mesuré. Il est vain de vouloir mettre en équation les imaginaires. Si l’on considère cela, ton affirmation n’a aucun sens. L’analyse comparative est un travail académique exigeant, impliquant une méthodologie objective qui exclut d’emblée le vécu des auteurs comme facteur décisif pour en déterminer la qualité.
Cela constitue selon toi un marqueur important, qui impacte largement ton jugement. Très bien, mais c’est à toi d’admettre qu’il s’agit d’un biais personnel et en aucun cas d’un critère objectif de qualité. Avoir un vécu ne signifie pas qu’on a quelque chose à raconter. La création est un processus qui consiste notamment à raffiner l’expérience pour accoucher d’une œuvre qui fasse sens en elle-même. Si elle doit être adossée au vécu de son créateur pour être comprise, alors cette œuvre est ratée, au mieux.
Là où nous pourrons éventuellement nous rejoindre, c’est sur le fait que connaître le contexte de création d’une œuvre est toujours éclairant. Simplement, ça ne doit jamais être une nécessité pour pouvoir l’appréhender.
Rapidement, pour la comparaison entre Love and Rockets - que je ne connais pas mais que tu m’as rendu intéressant par la promotion intensive que tu en fais sur le forum - et Stranger In Paradise, la vocation au réalisme de ce dernier ne m’a pas exactement sauté aux yeux. Le titre flirte beaucoup avec le soap et le récit de genre et je ne pense pas que son auteur se sentirais offensé d’une comparaison en sa défaveur sur ce plan-là.
corbulon a écrit:Après je me suis mal exprimé sans doute avec ce terme de choqué, néanmoins ça t'a quand même dérangé, ou en tout cas ce qui est pour moi est une forme de bousculement.
Encore une fois c'est dérangeant de se savoir exclu(e) sans réel motif.
J’espère être clair cette fois. Je n’ai été ni bousculé, ni dérangé, ni choqué durant ma lecture. Ce livre ne m’a pas mis mal à l’aise, je n’ai pas ressenti d’inconfort en le lisant et ni mes convictions ni mes représentations symboliques n’ont été ne serait-ce que questionnées. C’est un récit de passage à l’âge adulte, simple et beau. J’admets tout à fait qu’un regard féminin et féministe le traverse, mais à aucun moment je ne me suis senti exclu. Et franchement, si cela avait été l’intention de Walden, alors ç’aurait été condamnable.
corbulon a écrit:Toi tu vois dans le fait qu'on ne donne aucune raison sur l'absence des hommes un refus de traiter le genre, moi j'y vois tout le contraire.
Tu emploies à tort la notion de traitement d’un sujet. Traiter un sujet implique d’engager un processus de réflexion qui permet in fine de produire du discours, des arguments, d’aboutir à des conclusions. Or, le thème du genre est seulement contenu dans le regard dont je parlais précédemment. Il flotte dans l’air, mais jamais l’auteure ne décide d’en faire la matière de son récit.
Et j’ai une toute autre interprétation du rôle d’Elliot ainsi que du monologue de Julie (la traduction française n’a pas conservé l’abréviation du nom).
Elliot est l’archétype du personnage mutique et mystérieux, dont les secrets sont liés à la trame principale de l’intrigue. C’est là que se situe son importance dans le récit. L’enjeu majeur autour d’"iel" n’a rien à voir avec son genre, mais avec un rebondissement beaucoup plus commun dans la fiction. Au final, envisager le personnage sous l’angle de son genre indécidable ne permet jamais de le comprendre. C’est la révélation de son passé traumatique qui nous en donne les clés.
D’ailleurs, le genre d’Elliot n’est pas non plus le sujet du laïus de Julie que tu cites. Il ne lui sert que d’exemple pour étayer son propos. Ce dont elle parle, c’est d’empathie. Le discours est rodé et on sent bien que se sont les mots de l'auteure qui sortent de la bouche du personnage. La raison pour laquelle ce speech te satisfait tant, ce n’est pas parce qu’il traite en profondeur du thème du genre. Ce n’est pas le cas. Je pense plutôt que c’est parce qu’il correspond quasiment comme un calque à ton système de pensée.
Pour parler pour moi, me retrouver complètement dans le discours tenu par quelqu’un d’autre, ça rassure mon ego. Et j’aurais tendance à penser que c’est la même chose pour tout le monde.
corbulon a écrit:Enfin tout ça pour dire que c'est bien beau d'être ouvert aux différents points de vue.
Quand Julie vante les mérites de l’empathie, tu trouves ça très satisfaisant. Quand c’est moi, c’est bien beau mais ça ne suffit pas.
Je te taquine, mais au final, si tu es d’accord avec ce que défend Julie, alors nous sommes d’accord sur le sujet.
corbulon a écrit:Mais pour cela il faudrait quand même que ce ne soit pas comme ici une discussion entre hommes sur un ouvrage féministe, on sait très bien que depuis certains événements par-exemple Rebecca ne débat plus. Et c'est aussi pour ça que je suis fâché avec les propos irresponsables d'Artemus qui continue de penser que tant qu'on a le talent et l'imagination on peut très bien se contenter de n'avoir que des vieux hommes blancs pour paraphraser Plenel, pour écrire des histoires avec des protagonistes issus de minorités
Artemus ne dit nulle part que la pluralité des points de vue n’est pas un enjeu culturel crucial. Il explique juste que chacun a le droit et la légitimité de s’emparer de n’importe quel sujet. Formulé comme ça, je crois que tu seras d’accord.
Quant au fait que cette discussion reste entre hommes, ce n’est pas entre nos mains. Mais je pense que tu auras compris que je serais ravi que d’autres points de vue se joignent à nous.
Enfin, même si je suis inscrit depuis cinq ans, je ne suis le forum de manière continue que depuis quelques mois. Je ne sais pas qui est Rebecca et je n’ai pas eu vent des événements que tu évoques. Si ces derniers ont eu pour effet de modifier ton comportement ici et explique ta défiance vis-à-vis des membres, alors je suis curieux d’en savoir plus.
Sinon, je connais déjà le blog de ton lien. J’aime bien ce qu’écrit cette participante de longue date sur mangaverse, une des rares qui reste. D’ailleurs, toi qui as l’air très au fait de l’actu, si tu as d’autres suggestions de sites intéressants traitant de manga notamment, pourrais-tu les faire passer, s’il te plaît ? Ceux que je suivais depuis longtemps ont tous fini par fermer ou sont au ralenti, et je galère à en trouver de nouveaux. Je sais que tout se passe sur les réseaux sociaux maintenant, mais j’ai une position arrêtée. C’est niet.