Oncle Hermes a écrit:mallrat a écrit:Tu en penses quoi d annihilator?
Au temps pour la résurrection du blog, je vais rester (relativement) bref. (Et m'autociter sur ce que j'ai écrit ailleurs.)
Déjà, moi j'aime bien Frazer Irving, de façon générale. Sur Le retour de Bruce Wayne notamment, le plus beau chapitre est pour moi celui où il est aux pinceaux (numériques).
Maintenant, pour se concentrer sur la part de Morrison, je dirais qu'autant The Multiversity a des allures d'encyclopédie quasi-exhaustive de ses obsessions, autant Annihilator pourrait en offrir une sorte d'abrégé (rapports en miroir de la "fiction" et du "réel", rapport à l'occulte...). Mais il est surtout à mettre en parallèle avec Nameless, autre mini-série en 6 épisodes, chez Image celle-ci, autre récit de lutte contre la fin du monde, dont la publication en v.o. s'est faite en parallèle. De l'aveu du scénariste les deux titres ont été écrits en réaction commune à la mort de sa mère, d'où un ton très, très sombre qui s'il n'est pas sans antécédents chez l'Écossais fait quand même plus figure d'exception que de règle.
Pour autant, s'il y a parallélisme, il n'y a pas identité entre les deux. Nameless maintient tout du long une ambiance plombée et une tension de tous les instants, jonglant entre l'horreur "concrète" de visions dérangeantes et/ou extrêmement gores et l'angoisse plus "abstraite" qui sourd, en partie, de la difficulté pour le lecteur à se repérer au sein d'un récit dont les tenants et aboutissants demeurent en permanence obscurs, de même que le degré de "réalité" des différentes scènes qui nous est présenté. Le ton d'Annihilitor diffère sensiblement. Certes la mort hante chaque page ou presque, mais l'humour n'en est pas absent et une bonne part du récit est menée tambour battant : Annihilator, ça décoiffe sévère, et je ne parle pas que de la coupe de cheveux de Ray Spass.
Car tandis que le récit d'horreur vire au mythe de création tendance gnostique sous psychotropes, Max Nomax, sorte de descendant de Maldoror et de Fantômas, poète rebelle, criminel ultime, artiste de l'évasion (autant dire : le diable en personne), s'oppose à double titre aux plans divins d'un monde "parfait", mais dans lequel la mortalité fait partie de l'ordre des choses : s'il prétend, d'une part, chercher un "remède contre la mort", il se veut surtout, d'autre part, l'introducteur du chaos des sentiments (y compris les plus douloureux) dans un univers trop lisse sans cela. C'est lui qui tire Spass de sa spirale d'autodestruction qui est finalement une "zone de confort" comme une autre, le force à sortir de son apathie et à se confronter à ses conneries passées en la personne de son ex, Luna. Et ce faisant, c'est lui aussi qui imprime son rythme et sa dynamique au récit, transformant ce qui devait être "le croisement entre Shining et Alien" initialement annoncé en folle apocalypse rock'n'roll.
J'ai fini de le lire hier soir, et je ne saurais mieux dire que le Tonton.
C'est le meilleur album que j'ai lu cette année, et le meilleur album tout court en ce qui concerne le rapport à la création.
Là où le pitch de départ est ultra classique (un scénariste en situation de blocage se trouve assisté par son personnage pour écrire l'histoire), Morrison arrive à en tirer quelque chose de nouveau (pour moi en tout cas ? Je ne sais pas si cela a déjà été fait ailleurs, mais ça m'étonnerait) :
Par contre, la densité du récit oblige à une relecture (rhooooo, c'est pénible ça ! ), et même plusieurs, car je suis certain d'avoir loupé beaucoup de choses. Il doit y avoir 1000 allusions/références par case, et je manque de connaissances (notamment sur Morrison lui-même). Je pense qu'il y aurait de quoi faire plein d'articles sur cet Annihilator.