Xavier Guilbert a écrit:geep a écrit:Concernant la "récupération" par les "élites" de notre sphère intellectuelle, je reste persuadé pour ma part que l'accrochage dans les musées ne sert pas la cause de la BD. Le Giraud-Moebius accroché aux cimaises n'est pas le Giraud-Moebius que j'ai connu dans Pilote, puis dans Métal Hurlant. Les conneries qu'on débite devant ses planches m'attristent (peut-être tout simplement parce que le plaisir que j'y prend est un plaisir solitaire, -OK, je suis un branleur, je le dis moi-même, ça évitera que d'autres le disent- on va plutôt dire idiosynchrasique et qu'il ne ressort pas d'une éducation artistique mais de la découverte d'un langage, au fil du temps, un peu comme on apprend une langue "sur le tas").
Je ne suis pas tout à fait d'accord. Tu sembles dire que ces initiatives ne sont pas intéressantes, parce qu'elles ne correspondent pas à ton vécu de l'œuvre exposée (de même que le discours des spectateurs qui t'afflige ne correspond pas à ta propre découverte).
D'une part, je suis convaincu qu'il est important de sortir la bande dessinée du ghetto où elle se trouve (jusque dans les "antres" des boutiques spécialisées, avec leurs vitrines de figurines qui font magasin de jouets pour ados attardés), et donc de l'amener dans des lieux "visibles" et plus fréquentables pour les non-lecteurs, ou pour ces lecteurs moins impliqués.
D'autre part, à chacun sa lecture -- et s'ils disent des conneries, peu importe! au moins ils disent quelque chose. Tu ne peux pas leur refuser l'apprentissage que tu dis toi-même avoir fait, au contraire, ces gens-là ont la chance de pouvoir découvrir quelque chose de nouveau qui peut les enrichir, autant les accompagner au mieux. Et c'est là, finalement, que je trouve que ces expositions pèchent le plus: dans l'accompagnement vers d'autres choses. On est dans une approche muséale standard, dans laquelle on suppose qu'il existe, quelque part, une "histoire de l'art" plus ou moins acceptée et établie, avec un éventail de classiques et d'auteurs reconnus, qui permet au visiteur curieux de continuer son exploration. En bande dessinée, rien de tel. On découvre Moebius ou Crumb ou Spiegelman, et il existe bien peu de moyens de savoir où porter son regard ensuite. Ces expositions sont des têtes de ponts, mais sans relais par la suite, elles ne débouchent finalement sur rien.
Permets-moi à mon tour de n'être pas tout à fait d'accord avec toi.
Je ne dis pas que ce n'est pas intéressant, je dis que ça ne m'intéresse pas, ou plutôt, ça me déçoit (ce dont personne n'a d'ailleurs peut-être rien à foutre, mais c'est un forum, on cause...)
Tu parles de ghetto de la BD, mais qui l'a créé si ce n'est les aficionados, collectionneurs en tous genres, encyclopédistes, chasseurs de dédicaces, marchands du temple de toutes eaux (je sens que je vais me faire des amis)? Ne sont-ce pas les mêmes qui regrettent qu'on ne lui fasse pas une plus grande place? Je me suis déjà pris le chou avec quelques-uns à ce sujet et j'ai fini par écraser, parce que j'ai compris que je m'attaquais à un monde qui n'était pas le mien (et que je ne connaissais pas assez pour pouvoir en parler sans dire de conneries). Je préfère parler d'émotion concernant ce que j'aime en BD, c'est à dire pas tout, désolé.
Pour le reste, je continue de penser (comme certains dans ce débat) que la BD est un art de rencontre, que ce n'est pas la "culturisation" du medium BD qui va attirer le lecteur, mais que c'est parce qu'il y a des lecteurs et une reconnaissance d'iceux qu'on pourra, si la notoriété de l'auteur le permet, envisager de le hisser au pinacle de la figuration narrative et de l'accrocher dans un musée. Ceci étant dit, ce n'est pas ma came.
La plupart des expos que j'ai vues, car je vais en voir, m'ont déçues parce qu'elles sont "froides" (deux exceptions, l'expo Goossens à Angoulème, il y a...X années à cause de la magnificence des planches mal rendues en album et l'expo Pratt de la pinacothèque l'an dernier, mais à une ou deux exceptions près, il ne s'agissait déjà plus vraiment de BD, mais du travail d'un aquarelliste de génie). En ce sens, je te rejoins, il y aurait sans doute beaucoup à faire.
Ceci étant, je n'ai rien contre les musées, n'étant pas à un paradoxe près, je suis même adhérent aux Amis du Musée de la BD d'Angoulème.