Ma participation à ce forum est actuellement infiniment proche du zéro absolu, mais j'avais pris pour habitude de "chroniquer" chaque nouvel album de Spirou et Fantasio, donc voilà, je sors de ma "retraite" pour donner mon avis (dont tout le monde se fout, mais je me lance quand même).
Au passage, je n'ai pas pu lire les 26 autres page du sujet, si ce n'est quelques unes en diagonale, désolé s'il y a des redites).
Ayant détesté Machine qui rêve, et paris-sous-Seine mettant un coup d'arrêt à cette évolution catastrophique selon moi, je l'avais lu avec un a priori positif et (peut-être un peu trop d'indulgence). Le même effet de balancier joue sans doute encore ici et le dégoût que j'éprouve envers "Aux sources du Z" ne peux que me faire apprécier cet album qui le snobe magnifiquement.
Une reprise de série est, je pense, un exercice délicat, sans doute plus que de créer sa propre série : il faut se glisser dans les pantoufles du/des prédécesseur(s), tout en mettant de soi dans l'oeuvre ; il faut faire évoluer la série vers quelque chose de nouveau, petit à petit, tout en restant dans le cadre (riche) de ce qui fait l'âme de la série ; ce cadre doit être vécu comme un support plus qu'une contrainte.
Ici, Yoann et Velhmann commencent doucement, ils tâtent le terrain prudemment et produisent un album qui, tout en n'étant pas un bête remake des albums précédents (bien qu'il y ait ça et là un sentiment de déjà-vu), se mêle de la manière la plus harmonieuse possible à l'héritage des auteurs d'avant (principalement Franquin, dont c'est clairement l'univers qui est décrit là, mais c'est le choix le plus évident ; de plus, le ton et le style d'humour me rappellent assez la période Tome et Janry). Pour moi, cet album est une sorte de retour aux sources ; ils quittent la pente douteuse dans laquelle leurs prédécesseurs (ceux-là et ceux d'avant) ont laissé la série et retournent sur un terrain solide à partir duquel ils pourront ensuite, avec les albums suivants, apporter leurs pierres à l'édifice sur de bonnes bases.
Pour ma part, c'est une vraie bonne nouvelle, c'était la bonne décision à prendre pour un premier album de reprise, même si d'aucuns diront que ce n'est pas assez osé (je pense qu'ils ont tout le temps d'oser par la suite, tant qu'ils osent intelligemment).
Je passe au détail avec ce que je pense être les points forts et les points faibles de l'album :
* les points forts :
* les multiples références à l'univers de Spirou, sans que ce soit un musée non plus ; en particulier j'aime bien la présence du dinosaure, parce qu'elle ne se contente pas de faire plaisir, elle a une réelle utilité dans l'histoire ; j'aime aussi le jeu avec les codes, en particulier avec le costume de groom
* l'ambiance plutôt détendue et humoristique : enfin un album de Spirou où les auteurs et les lecteurs ne se prennent pas la tête !
* Côté humour, justement : j'ai beaucoup aimé la scène avec les soldats ne pouvant pas parler correctement (Gnoufou !), et celle où Spirou engueule le comte et Zorglub
* Le rythme soutenu
* Les dialogues sont bien écrits. Ils ne sont pas transcendants (ce n'est pas du Greg), mais au moins ils tournent bien dans la bouche des personnages qui les disent (contrairement aux quelques albums précédents...), et il y a quelques phrases assez chouettes ("Puisque je vous dis qu'ils n'ont pas de cerveau ! Juste un ganglion cérébroïde, comme les limaces !")
* Zorglub ! Il est enfin traité respectueusement et logiquement par rapport aux albums précédents, sans hostilité surjouée des autres personnages, mégalomane mais pas méchant pour un sou
* la manière splendide, en une case, dont l'album se débarrasse de la situation intenable dans laquelle l'album précédent avait laissé la série
* l'idée de base, bien que pas très originale, est quand même mieux traitée que dans le film "Evolution" (en même temps, c'est pas difficile)
* les points faibles :
* l'histoire est un poil linéaire
* j'ai du mal avec le style de dessin de Yoann, désolé...
* Le titre est une arnaque : les Zorkons ne constituent pas du tout le fond de l'histoire, ils sont à peine l'une des péripéties rencontrées par les héros... A propos, et bien que je ne m'en offusque pas, je m'étonne quand même que Dupuis ait accepté de donner à l'un de ses albums jeunesse un titre avec un jeu de mots aussi limite
* la présence des deux suédoises, qui n'apporte pas grand chose... (mais peut-être comprendrons-nous le pourquoi scénaristique de leur présence à la lecture de l'album suivant)
* pourquoi les humains présents sur place (Spirou compris) ne mutent-ils pas ?
* les habitants de Champignac sont vraiment sous-exploités
* là, c'est du pinaillage, mais il y a au moins une faute d'orthographe : "désormait", p.40. Je la cite ici parce qu'elle m'a gênée quand je l'ai lue
Pour l'instant, c'est tout ce qui me vient.
En conclusion, je dirais que c'est un album dans la lignée "classique" de la série, et que ça fait du bien. Ce n'ai pas un grand album, c'est loin d'être le meilleur de la série, mais ça reste un album très divertissant, un bon premier album de reprise. Une reprise doit être respectueuse et originale ; j'espère que ce sera le cas, et je trouve que cet album va plutôt dans le bon sens.
Wait and see !
"Vous ne vous êtes pas demandé si le Temps n'était pas tout bonnement l'Espace qui aurait pivoté de quatre-vingt-dix degrés ?" (L'Econome de l'Université de l'Invisible d'Ankh-Morpork)