JYB a écrit:Le témoignage de tzynn est intéressant car je comprends qu'il connaît Blain et l'a fréquenté pendant la préparation du volet 1 de cette reprise de Blueberry, ce qui permet d'avoir un point de vue a priori intéressant - bien que biaisé (c'est tzynn lui-même qui le reconnaît, et Erik a appuyé en lui répondant : "
Evidemment".) ; la proximité de tzynn avec l'un des auteurs le range par la force des choses dans son camp, et comme on dit, on ne peut pas être juge et partie. Il faudrait donc prendre du recul et regarder froidement les choses.
tzynn a écrit:Perso (...) j’ai trouvé le scénario d’amertume Apache en effet améliorable.
Ah, tiens...? Un aveu et une critique... Tout de même... Et donc, personne, avant que l'album ne soit imprimé, n'a remarqué que le scénario était améliorable ? Sfar et Blain ne se sont pas parlé pendant des mois pour se juger l'un l'autre et avoir un oeil critique sur le travail du partenaire ? D'autant que ce n'est pas anodin, une reprise de la grande série Blueberry. Il n'y a pas non plus un éditeur qui surveille tout ça comme le lait sur le feu ? Il n'y a pas aussi des ayants droit qui apportent la contradiction pour que les repreneurs restent "sur les rails" et soient respectueux de ce qui a fait le succès de la série, et respectueux des créateurs d'origine ? (même si, plus haut, quelqu'un a dit pis que pendre des ayants droit, ces derniers sont incontournables et a priori présents. Car si des repreneurs, de nos jours, peuvent, et même souhaitent, écrire et dessiner une histoire de Blueberry, c'est parce qu'autrefois, des auteurs de grand talent qui sont Jean-Michel Charlier et Jean Giraud ont hissé la série au niveau où elle est parvenue ; comme ces auteurs sont décédés, ce sont les ayants droit qui les représentent ; c'est comme ça...).
Je vais essayer de répondre sans dire trop de conneries, et sans trahir non plus les auteurs et sans paraitre trop obtus. Il y a eu plusieurs versions du scénario, qui a été retravaillé complètement par Christophe Blain, mais sans pouvoir trop dénaturer non plus tout ce que Sfar avait écrit. Il y a quand même eu 4 versions (de mémoire). Je pense que quand on a le nez dedans encore et encore, on peut laisser passer l'une ou l'autre chose.
Pour les scénars de Blueberry, tout le monde revient à la mine (qui reste quand même inspiré d'un roman) et du cycle Chihuhua, mais tout n'a pas été extraordinaire non plus, en tout cas avec le recul actuel. Les premiers étaient quand même longs et sont assez compliqués à relire. Si on veut ancrer un scénario de Blueberry, j'ai quand même l'impression que si on ne le fait pas dans la période du milieu de la série, tout le monde ne le trouvera pas 'au niveau'. A la sortie des albums de Gir, il s'est fait descendre pour dire qu'il faisait du sous-Blueberry, alors que c'est tout à fait bon. Or ici les auteurs ne l'ont pas placé dans la "bonne période" mais au début dans le cycle Fort Navajo. Je pense que d'emblée ça ne serait pas ce qu'attendaient les lecteurs.
Pour les ayants-droits, même si je respecte le fait qu'ils protègent une oeuvre, ils peuvent aussi la figer à vouloir rester dans le cadre de ce qui a déjà été fait. On va bouffer durant des années du Astérix bridé par les héritiers, comme c'est le cas pour les Blake et Mortimer et la majorité des reprises. Laisser les ayants droits dicter ce qui est bon ou pas a donc ses propres limites, même si Philippe Charlier a l'air assez ouvert dans le cas de Blueb mais il n'est pas seul décideur je pense. Faire qlq chose de neuf sans trahir un esprit et en respectant l'avis de différentes parties prenantes peut être compliqué.
JYB a écrit:[
tzynn a écrit:Ce que j’ai néanmoins bien aimé ce sont toutes les références cinématographiques
Formidable en effet. Mais ce n'est pas ça qui fait un bon scénario. Que les lecteurs de l'album repèrent telle scène qui rappelle tel film, tel personnage qui rappelle tel acteur ou telle actrice, c'est un clin d'oeil amusant, mais aligner des références les unes après les autres comme on aligne des dominos ne suffit pas pour faire automatiquement une bonne histoire. Je dirais même que ce genre de références est peut-être là pour masquer les éventuelles carences ou faiblesses du scénario voire du dessin (le scénario n'étant pas de Charlier, et le dessin pas de Giraud, mettre en avant, dans la BD, Claudia Cardinale telle qu'on l'a vue dans le film Il était une fois dans l'ouest, ça fait causer dans les chaumières et sur les forums, ça fait "écran de fumée", et pendant ce temps-là, le lecteur ne fait pas trop attention au reste).
Alors la tentation de rajouter des références quitte à en mettre trop et ne pas avoir le bon niveau est quand même humain et arrive souvent. Pour être honnête, c'est exactement ce que je reproche à Allan Mc Bride, à ajouter et à pousser au forceps des références pour dire que, qui alourdissent le scénario et qui le rendent complètement indigeste alors que sans ça ce serait passé nickel (et je l'écris sans vouloir vous blesser). Vous direz probablement le contraire. Il y a donc un avis personnel. Mais c'est humain et personne n'est parfait. Faut juste faire attention à ne pas le faire tout le temps
Dans le cas du Blueb, je trouve que ça passe sans trop de souci de ce côté là. Il y a des tas de références qui ne nécessitent pas d'avoir vu le film pour apprécier. La forme d'un rocher ou la manière dont un indien se tient ne va pas changer l'histoire, et si vous ne connaissez pas la référence ça ne changera rien à la compréhension. Après qu'il y en ait l'une ou l'autre de trop...
JYB a écrit:tzynn a écrit:et le fait qu’ils fassent qlq chose de personnel et pas juste un sous Gir et Charlier
Ah, le but était donc de ne pas faire du sous-Gir ou du sous-Charlier. Giraud étant l'un des plus grands artistes mondiaux de la fin du XXe siècle et du début du XXIe, je crains que n'importe quel repreneur au dessin ne pourra faire que du sous-Gir. Pareil côté scénario avec Charlier... En fait, le mieux serait de ne jamais reprendre Blueberry, sinon il y aura globalement des déceptions plus ou moins importantes.
Je pense que vous mettez trop Charlier sur un piedestal. Vous en parlez en permanence comme un dieu mais c'est plus pour ma part un très bon scénariste feuilletoniste à la Dumas qu'un prix Nobel de litterature. Oui d'autres scénaristes peuvent certainement faire des choses aussi bien, voire mieux. Par contre c'est indéniable, le coup de Génie de Charlier sur Blueb, c'est quand même Chihuhua jusqu'à Angel Face. Là il s'est clairement surpassé. Ce qui est avant cette période de grâce était bon pour l"époque mais a été surpassé par un Greg sur Comanche et par d'autres. Il faut laisser un peu de temps je pense lors d'une réappropriation pour se mettre au point.
Pour Gir, bein c'est Gir, mais à ce jeu là autant arrêter toute production de bande dessinée, Gir aurait fait mieux
On le voit bien avec la jeunesse où les repreneurs essaient de se caler dans les pas de Gir, ça ne marche pas. Ca devient statique. Autant partir sur une autre voie.
JYB a écrit:tzynn a écrit: ils sont partis sur une autre direction (qu’on peut ne pas aimer )
Ah bon ? On leur demande (ou ils se proposent eux-mêmes ?) de faire un Blueberry, mais ils partent sur autre chose... Y'a un truc qui m'échappe. Les principes de base de la série Blueberry ne leur conviennent pas ? Eh bien, il ne fallait pas réaliser un album de Blueberry (encore moins deux). Ils n'avaient qu'à créer leur propre série et faire ce qu'ils voulaient dans la direction qu'ils ont choisie. Ou alors, ils ont voulu montrer à la face du monde ce qu'aurait dû être, ce que doit être, un vrai et excellent album de Blueberry ?
Il suffit de lire les Blake et Mortimer qu'on nous sert chaque année pour savoir qu'imiter n'est que rarement un gage de qualité
Riad Sattouf ferait un Blueb que je l'achèterais les yeux fermés et que de votre côté vous crieriez au viol artistique.
JYB a écrit:tzynn a écrit:De plus j’ai suivi un peu la création, ce qui fait que j’ai probablement le regard un peu biaisé mais il y a une quantité de travail derrière qui est énorme.
C'est bien connu depuis la nuit des temps : un artiste peut passer 20 ans à créer une oeuvre, ce n'est pas le temps passé ou la quantité de travail qui comptent. Ce qui compte, c'est le résultat. Si c'est bon, tant mieux, si c'est raté, eh bien c'est raté.
C'est humain, vous jugez que c'est raté, d'autres jugent que c'est réussi. Comme je juge qu'Allan Mc Bride a raté sa cible pour la raison expliquée alors que d'autres jugent que c'est très réussi et que je le respecte. Il y a aussi une part non négligeable d'avis personnel
JYB a écrit:tzynn a écrit:Christophe Blain a vraiment bcp travaillé dessus et a intellectualisé énormément. C’est ce qui m’a le plus étonné quand on discute, c’est que tout est réfléchi et référencé
Un peu trop, non ? Trop travaillé, trop intellectualisé, trop réfléchi, trop référencé...
En tout cas ce n'est pas ce que vous vous auriez envie de lire, ça je l'ai compris
Mais est-ce mauvais pour autant?
JYB a écrit:tzynn a écrit:Pour les chiffres il me semble qu’ils sont bons.
Une nouveauté Blueberry, avec le nom "Blueberry" sur la couverture, et des noms connus comme Sfar et Blain, ça se vendra toujours. C'est en fait l'emballage qui fait vendre. Vendre est d'ailleurs le principal but de l'éditeur, ce qui est son métier et ce que tout le monde comprend. Mais...
Sfar et Blain ne sont pas nés avec un nom, une cuillère en argent dans la bouche ou juste en étant les "fils de". Ils ont gagnés leurs galons de grands auteurs eux-mêmes, par leur travail, la nouveauté qu'ils ont apporté dans la bd franco-belge sans faire juste de la resucée à la manière de, et par la qualité de ce qu'ils ont fait. Ca semble logique de leur faire confiance pour essayer quelque chose. Et si le public suit sur leur nom, c'est qu'il y a aussi des raisons. Quand au nom de Blueberry, il suffit de comparer à la jeunesse pour voir s'il y a une grosse différence de ventes ou pas. Si c'était juste basé sur le nom de la série, ça ferait juste les mêmes chiffres (que je ne connais pas).
JYB a écrit:tzynn a écrit:Pour le scénar laissons leur peut-être un peu de temps pour trouver leur voie

C'est le monde à l'envers ! Un album (de la grande série Blueberry, je le rappelle) sert donc de banc d'essai, de brouillon, pour que Sfar et Blain trouvent leur voie...? Et si on les laissait chercher leur voie, le temps qu'il faut, tout seuls dans leur coin ? Après, quand ils seront au point, on verra s'il y a moyen de faire un album (avec le personnage de Blueberry).
Les auteurs pleurent pour que les éditeurs leur laisse trouver leur voie sur plus d'un album - ce que bcp d'éditeurs acceptent - , mais entre eux les auteurs semblent moins conciliants
JYB a écrit:tzynn a écrit:En tout cas ils ne peuvent pas faire pire que la jeunesse, ce qui ne semble néanmoins émouvoir personne

Je comprends que tu considères La Jeunesse de Blueberry comme pire que tout. Je ne donne pas mon avis là-dessus ; je constate seulement, en fonction de ton critère, que la marge de manoeuvre de n'importe quel repreneur de Blueberry est très large, entre La Jeunesse qui est (d'après toi) pire que tout, et les meilleurs albums de la série Blueberry que sont Le spectre aux balles d'or, Ballade pour un cercueil, Nez Cassé et d'autres, qui paraissent difficiles à battre.
Il y a bcp de marge, mais comme je le disais, déjà si un repreneur ne tape pas dans la période spectre à nez cassé, ce ne sera déjà pas bon. Parce que ce n'est pas ce que bcp de gens veulent revivre comme sensations. Et donc ils seront évidemment déçus. Une fois qu'on a fait ce deuil là, je pense que l'histoire de Sfar et Blain tient la route. Après il y a des trucs comme le joueur d'échecs qui n'apporte pas gd chose à l'histoire, mais soit.
JYB a écrit:tzynn a écrit:Christophe Blain a voulu faire absolument un livre militant avec Jancovici parce que dans 3 ou 4 ans il n’aurait plus eu de sens. Ce livre devait être rapidement bouclé et il a pris bcp plus de temps que prévu. L’objectif était de faire le tome 2 de Blueb juste après.
Ah d'accord. Donc, si demain Blain trouve un autre sujet pour un livre militant, qui n'attend pas parce que dans trois ou quatre ans ça n'aura plus de sens, il va encore repousser le tome 2 de Blueberry, et ce tome 2 ne sortira jamais... Voir l'exemple que je donnais un post précédent où je disais que ça me rappelle le gamin qui veut un train électrique à Noël, et qui, trois jours après Noël, n'en veut plus (parce que son cousin, à Noël, a eu, lui, une panoplie de Zorro, et hop, va pour Zorro...).
Je pense que vous vous trompez. Juste qu'il y a des momentums pour tout et qu'il y avait une urgence vis à vis des aspects climatiques et énergétiques. Et que cet album militant devait être terminé il y a un an. Le second tome de Blueb (que vous n'attendez de toute façon pas si j'ai bien compris

) devait sortir en 2021. Après oui il arrive que des histoires ne soient pas finies, ça frustre les lecteurs mais bon on passera au dessus de cela, nous sommes adultes
Et puis les auteurs sont des artistes, pas des fonctionnaires... (même si parfois je râle aussi)
Mais de ce que j'ai entendu, Blueb est toujours dans le planning.
Et que Blain ne gagnera probablement pas gd chose sur cet album militant, mais qu'il voulait le faire.
JYB a écrit:tzynn a écrit:JYB a écrit:Ce n'est pas comme ça qu'on gère la grande série Blueberry (sans parler de tout ce que j'ai entendu dire sur les coulisses de la préparation du tome 1, et qui me paraît affolant).
Pour les rumeurs sur les coulisses qui sont affolantes, ça fait plus putaclic qu’autre chose dit comme ça et en plus sans rien dire

Puisque tu as connu un peu les coulisses en fréquentant Blain, raconte ce qui s'est passé.
Je ne citerai qu'un fait, bien connu car il a été révélé sur BD Gest par moi-même : lors d'un lointain festival d'Angoulême, Sfar et Blain ont organisé une sorte de conférence de presse, avec vidéo à l'appui, pour annoncer qu'ils préparaient un album de Blueberry. Coup de tonnerre dans le paysage : personne n'était au courant, et en tout cas pas les ayants droit. Il y a donc eu en interne "remontage de bretelles" car aucun contrat n'avait été signé (le fils Charlier en l'occurrence est même intervenu sur le présent forum). Cette façon de faire des auteurs sûrs de leur coup et s'appropriant d'office quelque chose qui ne leur appartient pas est plus que cavalière.
Je ne vois pas trop quoi raconter, si ce n'est la vie habituelle entre un dessinateur et son scénariste, avec des équilibres à trouver, des balances et des compromis à faire, à râler et à retravailler, en prenant en compte en plus les aspirations sur une série renommée, à jouer à l'équilibre entre faire quelque chose de personnel sans dérouter tout le monde non plus. Notez qu'on n'est pas au niveau du film de Jan Kounen pour le côté déroutant

Notez que pour la contractualisation avec les ayants-droits, l'éditeur devait être au courant du projet et c'est à lui je pense de gérer cela. Est-ce les auteurs qui vont signer un contrat en direct avec les ayants-droits ou est-ce l'éditeur qui traite de ce genre de choses ? Je n'en sais rien mais mon feeling professionnel me dit que c'est l'éditeur qui devrait gérer ça même si les ayants-droits souhaitent probablement rencontrer les auteurs avant de signer qlq chose.
Après on peut comprendre l'excitation de parler de qlq chose qu'on a adoré et sur lequel on va travailler.