jesappellecroute a écrit:J'ai 25 ans, ça vous donne une idée du Spirou avec lequel j'ai grandi. Et bien franchement les Spirou d'après Tome et Janry ne m'ont jamais passionnés. Jijé, Franquin, Fournier, Nic et Cauvin et Tome et Janry, mais après je n'aime pas trop. Rob-Vel, je trouev que c'est presque illisible tellement c'est différent. Toute époque confondu il y a des albums que je préfère à d'autres. Mais quand j'avais 10 ou 12 ans, les Spirou qui m'emballaient le plus étaient ceux de Tome et Janry et Franquin. Et mon neveu de 11 ans, quand il vient chez moi, lit les Spirou de Tome et Janry, pas ceux de Yoann et Vhelmann ni ceux de Morvan et Munuera.
J'ai le même âge. J'ai connu Spirou & Fantasio lorsque mon père m'a offert "
Z comme Zorglub" et "
L'Ombre du Z", des albums qu'il avait lui-même appréciés plus jeune, et comme j'étais fan de Gaston du même auteur, il me les avait achetés ( Gaston qui n'a pas eu de nouvel album depuis la mort de Franquin mais qui est plus connu que Spirou auprès des gens de ma génération! (en tout cas par chez moi)). Du coup, c'est le Spirou de Franquin qui m'a marqué et qui est devenu pour moi le "
vrai Spirou". Par conséquent, c'est ce Spirou-là qui a déterminé mes attentes pour les histoires des autres auteurs.
Lorsque je me suis tourné vers les albums qui sortaient en librairie à l'époque, c'est-à-dire ceux de Morvan et Munuera, j'ai été perturbé de voir des zombies et des batailles de méchas contrôlés par l'esprit dans un Spirou et Fantasio (respectivement "
L'homme qui ne voulait pas mourir" et "
Spirou et Fantasio à Tokyo"), car dans les albums de Franquin, il n'y a pas de fantastique, seulement du policier et de la SF. Plus tard, j'ai lu ceux de Tome & Janry et Fournier à la bibliothèque, et là aussi, je les ai lus en ayant en tête le Spirou de Franquin comme "le vrai": je jugeais sévèrement le dessin de Fournier dans "
le Faiseur d'Or" (le pauvre ne méritait pas un tel jugement de ma part, il était jeune et faisait ce qu'il pouvait dans un temps limité
) et je fronçais les sourcils lorsque Spirou et Fantasio allaient draguer de la donzelle en boîte de nuit dans "
Luna Fatale" (que faisaient mes héros purs dans ce lieu de perdition? (Oui, j'étais comme ça)). Les albums qui me plaisaient le plus parmi ceux des successeurs étaient ceux qui avaient non seulement un beau dessin et un bon scénario, mais qui parvenaient à exister sans tordre le caractère des personnages tel que je l'avais connu dans les histoires de Franquin (inutile de dire que
Machine qui Rêve m'avait déplu, j'étais un gardien du temple en herbe
).
Si on m'avait fait découvrir Spirou et Fantasio en m'offrant les albums de Morvan et Munuera, je n'aurais jamais été troublé par les méchas géant à Tokyo ou par Spirou tombant amoureux de l'amour de jeunesse de Champignac. Et, plus récemment, je n'aurais pas été choqué par le Spirou-garou. Cela dit, est-ce que je les aurais aimés en les lisant comme ça, sans attente ni connaissance préalable des personnages? Je l'ignore, je ne le saurai sans doute jamais. Mais je puis concevoir qu'un gamin d'aujourd'hui puisse apprécier "
La Face cachée du Z" s'il le lit sans avoir aucune idée préconçue sur ce que devrait être un "vrai Spirou".
En d'autres termes, avec un héros comme Spirou qui a plus de 50 albums à son actif, les premières impressions comptent dans notre perception de ce qui est "bon" ou "mauvais". Les premiers albums de la série qui nous auront plus deviendront le mètre-étalon pour ce qui est "le vrai Spirou", et ce fameux "
vrai Spirou" variera donc suivant les personnes. Pour certains, comme moi, le vrai Spirou est celui de Franquin, et plus on s'éloignera de lui, moins ils reconnaîtront le personnage qui ne sera pour eux qu'un usurpateur roux portant un costume de groom. Pour d'autres, le vrai Spirou sera celui de Tome & Janry. Mais il doit y avoir certaines personnes pour qui le "vrai" est celui de Fournier, et d'autres pour qui le "vrai" est celui de Joann & Vehlmann… C'est subjectif, au fond.
Ce qui est vrai, en revanche, c'est qu'il y aura plus de personnes considérant le Spirou d'un auteur comme le "vrai Spirou" si cet auteur parvient à faire des albums de qualité qui marqueront une large portion de lecteurs. C'est pour ça que Franquin et Tome & Janry sont souvent cités comme références. C'est pas parce qu'ils avaient de beaux yeux, mais parce qu'ils ont su faire des albums marquant suffisamment leurs lecteurs pour qu'ils deviennent aux yeux de ces mêmes lecteurs le mètre-étalon par lequel ils jugeront les albums suivants. Et ça, on ne parvient qu'en faisant un travail de qualité, ce qui, cette-fois, n'est pas subjectif, mais (au moins en partie) objectif. C'est pour cela que même si les avis négatifs sur les derniers albums tiennent en effet parfois de la plainte grincheuse d'un "gardien du temple" ne retrouvant pas le Spirou de sa jeunesse, je pense qu'il y a de la place pour des critiques légitimes. On peut, par exemple, trouver des critiques constructives à émettre sur "
La face cachée du Z" sans même aborder le Spirou-garou qui choque les vieux lecteurs mais pas les gosses.