de Moody » 25/07/2006 17:10
J'ai le dvd avec l'ost, un de mes longs métrage d'animation favori.
Je te conseille de lire cela:
SPOILER énormes sur JIN ROH
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->Connaissez-vous la différence entre le drame et la tragédie?
Le drame a pour lui, l´espoir de bien se finir. Quant à la tragédie, c´est un drame inéxorable qui ne peut faillir au destin mortel de ses héros. Entre les deux cependant, subsiste l´espoir. Jin-Roh est une quête d´espoir, l´espoir de vivre. Et c´est sans doute cela qui fait la différence dans ce film d´émotion pure.
Par cette première oeuvre, le jeune réaliateur Okiura Hiroyuki ( qui fut entre autre le directeur d´animation sur Ghost in the Shell) entre par la grande porte dans le panthéon très fermé des meilleurs réalisateurs de dessins animés nippons ! Car Jin-Roh est un réel chef d´oeuvre d´une grande beauté lyrique, doté d´un scénario de politique fiction digne de Ghost in the Shell tout en restant bien plus accessible au grand public. Un film d´une émotion qui vous retourne les entrailles, ponctué de scènes d´action anthologiques et d´une animation d´un réalisme inouï ( égalant parfois, voire dépassant en qualité celle du mythique Akira) un classique instantané!
->Il était une fois...
[spoiler]...un pays qui fut celui du soleil levant. Mais au lendemain de la victoire de l´Allemagne durant la seconde guerre mondiale, le crépuscule envahit le fragile archipel; l´enfonçant dans une ère de troubles politiques et sociaux décidant certains constestataires à lutter contre l´état en fondant un groupe terroriste nommé "La Secte".
Pour combattre ses opposants, le gouvernement japonnais met en place une " troisième force". Après l´Armée et la Police, vient la création de la police de Sécurité Métropolitaine, dont une grande partie est composée de soldats sur-armés appelés Unité Panzer! Ce sont des hommes entraînés à tirer sans sommation, ne connaissant pas le remord ni l´angoisse car ils ne sont plus humains. Ce sont des loups à qui les proies ne peuvent implorer nulle clémence...
Lors d´une manifestation sanglante, La Secte envoie des enfants"innocents" porter des bombes à ses troupes massées dans la foule. Passant par d´obscurs égoûts, l´une de ces enfants, habillé de rouge, tombe sur une patrouille de Panzer. Mais, l´un de ses membres, Fuse, hésite à abattre froidement l´enfant. Terrorisée, celle-ci préfère tirer sur la chevillette de la grenade qu´elle transporte pour s´expédier ad-patrès. Fuse réchappe miraculeusement à l´explosion grâce à son armure de combat.
Ainsi le loup ne dévore pas le Petit Chaperon Rouge, celui-ci a préféré le privé du festin de sa chair. Du moins le crut-il...
Plus tard, se rendant sur la tombe de l´enfant, l´esprit embrumé par ce qu´il pense être de la culpabilité, notre loup rencontre la soeur aînée de la victime. La Bête s´éprend alors de la Belle, luttant contre sa propre nature sauvage et son endoctrinement militaire, se demandant s´il reste en lui des bribes d´humanités.
En attendant, la "bavure" de Fuse fait enrager la Police Nationnale, qui, excédée des méthodes expéditives des Panzers, qu´elle considère d´un autre âge, décide de fomenter un complot visant à les anéantir pour de bon, reconquérant ainsi leur véritable place dans la meute politique. Ils iront jusqu´à opprimer nos deux futurs amants si proches dans leurs différences...
Ironie de l´histoire, peu après leur rencontre, Fuse reçoit des mains de la Belle un livre contant la célèbre mésaventure du Petit Chaperon Rouge. A partir de là, les deux récits vont évoluer en parrallèle, renforçant magistralement les symboliques du film.
Issue de la tradition orale des contes, transmis de génération en génération, cette version est celle de Jean Baptiste Victor Smith retranscrite en 1870, et témoigne d´un esprit gothique et poétique d´un roman de Mary Shelley ( Le monstre de Frankenstein). Okiura Hiroyuki et Oshii Mamoru, par ce biais, nous relatent d´une manière simple mais allégorique les liaisons dangereuses entre un animal et une humaine.
D'une part, Fuse est en proie au doute, remettant sa vie an question par le truchement d´un amour naissant pour une inconnue, lui posant de vraies questions sur la vie. D´autre part, cette même inconnue recherche juste un peu de reconnaissance auprès des siens, mais son âme restera longtemps inaccessible à notre jeune loup.
En trame de fond, des hommes d´état s´entre-dévorent pour des lambeaux de pouvoir sur la cadavre fumant d´un pays en décomposition.
Aprés la terrible défaite du Japon lors de la seconde guerre mondiale les redoutables Unités Panzers sont créés par un gouvernement en proie à une nouvelle violence urbaine.
Fuse est un homme-animal que anihile d´autres hommes. En bon soldat, il n´a pas le droit à sa part légitime d´humanité. Mais au delà du cliché enfantin du super-soldat méchant qui tombe amoureux de la gentille fille, le faisant basculer des " gentils", Fuse ne se pose pas la question du bien et du mal. Il recherche simplement sa place au sein d´une meute qui l´accepte, quelle qu´elle soit, même humaine. C´est en croisant le chemin d´un Chaperon Rouge ( nom de code des porteuses de bombe de la Secte), que celui-ci voudra goûter la vie des hommes en revêtant, du moins émotionnellement, leurs attributs.
La Belle, sortie de nulle part, rêve, non pas d´apprivoiser le Bête, mais d´enlever la carapace d´acier qui empêche le loup de s´ouvrir à la vie. Mais, elle joue avec le danger, car même un animal sauvage apprivoisé reste sauvage, puisque c´est sa nature.
Pressés par le temps, cernés de toutes part, nos fugitifs ne vont pas se déclarer tout de suite car ils sont indifférents aux manigances qui les entourent. Ils vont se chercher, s´éprouver, pour finalement trouver, non pas la faille de chacun, mais le courage de se crier leur amour; tout simplement.
Jin-Roh se situe dans un "monde parallèle" où le Japon d´après-guerre s´enlise dans un totalitarisme discret mais bel et bien présent, hélas. La violence explosant, à l´image du manga Dominion de Shirô Masamune, seule la manière forte prédomine. En ce sens, l´unité d´élite Panzer fait le ménage parmi les dissidents, notamment ceux de la Secte. D´ailleurs, on peut constater le parallèle entre celle-ci et la secte Aoum qui fit tant parler d´elle au Japon. Seulement, dans le film, La Secte, à l´inverse de celle d´Aoum, pour aussi spectaculaire que soient ses actions, est finalement impuissante et est mise rapidement de côté dans un scénario qui la dépasse. Alors, qui sont vraiment les méchants dans Jin-Roh? La question ne se pose pas, après tout, car si l´animal ne connaît pas la notion du Bien et du Mal; mais seulement celle de l´interdit et du permis, l´homme n´a hélas pas cette excuse.
En attendant, les Panzers sont peut-être des loups, mais ils ne sont pas bêtes, car en leur sein circule une légende: celle de la brigade secrète Jin-Roh ("hommes loups"), ses membres sont là pour protéger les Panzers et n´interviennent hors de l´ombre que pour sauver leurs congénères, ainsi l´esprit de meute perdure... Il est curieux de constater que les personnages qui font le plus de preuve de solidarité dans ce film soient justement ses "hommes loups", soit-disants non civilisés...
Pour conclure, si parmi vous, se trouvent des assidus de l´Histoire du Japon, certains remarqueront un parallèle entre la brigade Jin-Roh et les célèbres Shinsengumi. Cette milice composée de samouraï pro-shôgunat fut fondée en 1863 pour protéger leur seigneur lors de ses déplacements à Kyôto. Outre ses attributions policières, cette milice lutta aussi à sa manière contre l´influence grandissante de l´Occident et l´instauration d´un état impérialiste. Des nostalgiques en somme, mais qui se rapprochent effectivement de la meute de Jin-Roh, qui elle, lutte aussi pour sa survie, n´étant plus considérée comme utile par ses pères!!
La symbolique de cette extermination imminente se retrouve dans une série de scènes se déroulant dans un muséum d´Histoire Naturelle. Les protagonistes discutent devant une vitrine contenant des loups empaillés, placés au coeur d´un décor de forêt enneigée, aussi pathétique qu´exiguë, les regards fixant Fuse, leur frère dans le sang. [/spoiler]
->Crée par l´homme...
Pour les besoins du film, Okiura Hiroyuki fit appel à une partie de l´équipe de Patlabor 2 et de Ghost in the Shell. Le décorateur Watabe Takeshi, qui fit lui merveille sur le premier sketch de Memories : Magnetic Rose, nous prouve encore une fois que les japonnais sont des virtuoses en ce qui concerne les héros hyper-réalistes. Si ceux de Ghost in the Shell ( légèrement moins détaillés en somme, mais toujours aussi efficaces dans les ambiances), ils nous restituent néanmoins un Japon d´après-guerre plausible et surtout pourvu d´une grande puuissance dramatique...
Côté personnages, au contraire des cyborgs franchement inexpressifs de Ghost in the Shell, le réalisateur préfère conférer une attitude la plus naturelle possible à ses protagonistes, donnant à l´animation hyper-réaliste de Jin-Roh des allures de film live, dues en partie au talent de son directeur de l´animation, Kamiya Kenji. En ce sens, Okiura Hiroyuki affirme, non sans fierté, n´avoir pas recouru à la rotoscopie. Le résultat est d´autant plus hallucinant, car dan Jin-Roh, l´animation atteint un tel niveau de qualité que l´on se croirait parfois dans une suite d´Akira ( en plus réaliste) ! Rarement autant d´émotion fut lisible dans le regard d´un personnage de celluloïd. Rarement scènes d´actions furent aussi spectaculaires dans le souci du détail et de la mise en scène, parfois sous adrénaline!
Une telle fluidité dans l´action et l´émotion atteint son paroxysme dans le traitement des centaines de milliers de dessins composant cette fresque dramatique. Ici, pas de dégradés de couleurs tape-à-l´oeil, tout est résumé à des palettes de couleurs monochromes dont les milliers de nuances s´expriment selon les diverses ambiances du film. Les animateurs s´attachèrent surtout à rendre les expressions des visages, les gestuelles, les réactions les plus réalistes possibles en leur apportant une émotion que l´on avait pas vue depuis longtemps. A cet effet, Jin-Roh sera sans doute l´un des derniers dessins animés à avoir été réalisé 100% à la main, sans avoir eu recours au numérique, notamment au niveau de la colorisation et dans de nombreuses scènes de foule du film.
Le tout est magnifiquement porté aux nues par la musique de Mizoguchi Hajime, talentueux compositeur des BGM de Please Save my earth ou encore The Vision of Escaflowne, aidé en cela par sa célèbre partenaire Kannô Yokô ( Macross Plus, Memories,...) qui fait ici une brillante composition au piano aux côtés d´un orchestre symphonique du plus bel apparat.
Jin-Roh est le film qui achèvera donc d´un magnifique chant du cygne l´ère du celluloïd mais annoncera le printemps d´un réalisateur sur qui reposera les nombreux espoirs futurs du cinéma d´animation.
->...au service de l´homme.
Connaissez-vous un metteur en scène qui soit aussi capable de vous faire perler les larmes aux yeux, vous faire frisonner par des scènes d´introspection cultes, et vous clouer à votre fauteuil avec des cènes d´action riches en émotions fortes à faire pâlir Ôtomo lui-même?
C´est ainsi qu´ Okiura Hiroyuki a choisi de nous raconter un conte pour adulte de la manière la plus simple mais aussi onirique qui soit. D´une part, une mise en scène fluide, jouant sur des temps morts, des temps de réflexion, puis s´accélérant dans des scènes de combats d´une rare énergie. D´autre part, on découvre une série d´hallucinations cinématographiques qui illustre d´une manière surréaliste les tourments existentiels de notre " héros". Car Fuse rêve, tout animal qu´il soit. Ses rêves sont autant d´execices de style auxquels se livre le réalisateur dans une mise en image au montage parfois ébouriffant, aux scènes chocs et à la symbolique qui fait froid dans le dos, le réservant à un public averti!
Mais ce film n´est pas spectaculaire dans le sens grand spectacle du terme. Il est spectaculaire dans le sens où le réalisateur trascende ses scènes par la narration, la juxtaposition des sentiments des héros, et les retournements de situation. Alors, le moindre décor de notre quotidien devient grandiose, la moindre brise de vent vous donne le frisson. Le réalisateur réussit, avec des personnages foncièrement humains, à nous faire trembler pour eux! Ainsi, le moindre recoin d´ombre devient un piège angoissant car la peur d´y voir le loup tapi nous revient du tréfond de notre enfance. La force de Jin-Roh n´est pas forcément de nous en mettre plein la vue, mais de parler à nos tripes, à notre coeur...
Il en est de même pour les scènes d´action parsemant le film. Ici, pas de fusillades à la John Woo, ni de courses-poursuites endiablés en voiture. Là encore, le réalisateur nous montre la mort de la façon la plus réaliste qui soit, terrorisante, affreuse, sale, et hélas, parfois fascinante dans sa virtuosité à enchaîner des images fortes ! Les Panzers n´ont pas besoin de courir comme des chiens enragés car dés leur première apparition, nous savons que toute résistante est futile... Comme un horloger, Okiura Hiroyuki mène son ballet mortel avec une précision diabolique. En ce sens; Jin-Roh se rapproche plus de films légendaires comme Apocalypse Now, pour la folie des hommes, ou encore, Il faut sauver le soldat Ryan, pour le réalisme parfois très cru des fusillades.
->La dernière carte
L´histoire de Jin-Roh pourrait s´arrêter ici, mais il semblerait que l´un des princiapux héros du film se soit décidé à jouer un rôle bien réel parmi nous : le destin!
En effet, la carrière naissante de Jin-Roh passa par de nombreux festivals européens où celui-ci reçut à chaque fois un chaleureux acceuil et remporta plusieurs prix. Il n´en fallut pas plus pour que ses créateurs décident de tenter l´expérience audacieuse de sortir ce film d´abord en Europe, pour ainsi juger des réactions du public occidental ! Pour la première fois dans tout l´histoire du dessin animé japonnais, un long métrage d´animation va sortir sur les écrans français, et ce, bien avant sa sortie au Japon ! Donc, nous n´exagérons pas en vous disant que vous aurez une influence majeure sur l´industrie cinématographique nippone actuellement en proie au doute. Autrement dit, continuer sur la voie d´oeuvres qui osent poser de vraies questions, nous offrant de réelles visions de pure folie créatrice, d´histoires qui peuvent enfin nous concerner, ou alors, céder à la facilité de blockbusters commerciaux sans réel contenu.
Le message est simple, Okiura Hiroyukin, Oshii Mamoru, la société productrice Bandaï, toute l´équipe des centaines d´animateurs et de créateurs qui ont su vous faire rêver avec Ghost in the Shell, ont les yeux braqués sur VOUS!!!
A. FOGLI, ancien critique de manga pour BDGest.com