toine74 a écrit:Pour revenir sur le sujet et par une pirouette audacieuse : on peut dire qu'Hergé (par l'intermédiaire de Casterman) a été le premier à jouer la carte de la surenchère éditorial en imposant aux lecteurs la couleur (avec une augmentation des prix des albums malgré une baisse de la pagination ) alors que celui-ci n'avait rien demandé.
La baisse de la pagination ne correspondait pas à une réduction de l'histoire mais à un nouveau découpage avec davantage de vignettes par pages. L'augmentation du prix était logique et sans doute calculée au mieux par l'éditeur.
Dans mon souvenir, Hergé n'avait rien demandé en effet. C'était au contraire son éditeur qui réclamait à Hergé de s'adapter à l'air du temps. Hergé, habitué à travailler en noir et blanc, résistait aux demandes de Charles Lesne, son interlocuteur chez Casterman.
Ce passage à la couleur conduira Hergé à s'entourer de ses premiers collaborateurs et notamment d'Edgar Jacobs, pendant la période d'Occupation allemande, donc avant que ne soit créé le journal de Tintin avec ses pages en couleurs et le restant en n&b ou bichromie. Hergé ne produisait alors que des strips en n&b publiés dans le quotidien Le Soir.
Hergé, personnellement, s'il défendait ses droits et sa position d'auteur vis-à-vis de l'éditeur, dans une correspondance nourrie, n'a pas spécialement cherché à augmenter le prix de ses albums. Il a plutôt cherché à élargir son lectorat, à toucher davantage de lecteurs français (d'où ses concessions aux demandes de Cœurs Vaillants : bulles modifiées, création de Jo, Zette et Jocko, etc...).
Quand on examine les catalogues Casterman du début 1980 (mais c'est déjà vrai durant toute la décennie 1970), la locomotive Tintin est une des BD offrant le meilleur rapport qualité/prix : 62 planches dessinées, cartonnage de qualité, cahiers toujours cousus (alors que les albums Glénat, Dupuis, Dargaud, Kangourou (Pif-Vaillant) etc... avec leurs cahiers collés partent en brioche après seulement deux ou trois lectures.
Dans les années 70, les albums de Tintin coûtent moins chers que ceux d'Alix dont les albums sont pourtant passés depuis quelques années de 62 à 46 planches, ceux de Corto Maltese (je compare avec la première série cartonnée, n&b puis couleurs) ou encore ceux d'Adèle Blanc Sec.
Sans Tintin au catalogue, il n'est pas certain que Pratt (qu'Hergé appréciait et réciproquement) ou Tardi eussent rejoints l'écurie Casterman dans les années 70.
Le principal assistant d'Hergé, Bob de Moor, dira un jour, à propos de la refonte de l'Île Noire, régulièrement imputée uniquement à une demande de l'éditeur anglais de Tintin, qu'en fait c'était avant tout de la part d'Hergé le souci de donner du travail à l'équipe des studios Hergé (et les rémunérer correctement). Hergé était exigeant avec les autres, mais aussi et avant tout avec lui-même. Il avait un certain sens de ses responsabilités de chef d'entreprise.