Il est des livres dont on connait toute l'histoire avant de l'avoir lue, telle celle de Notre Dame de Paris de Victor Hugo.
En général j'aime les livre anciens (surtout du XIX° siècle) et j'aime lire dans une édition d'époque. Cette fois, je profite d'une banale édition récente en livre de poche, Folio, bien défraichie, pour la lire dans les transports sans crainte de l'abimer plus.
Dans le style de la même époque, je garde sous le coude une édition des Mystères de Paris d'Eugène Sue en grand format que je viens de faire relier pour lire à la maison.
Bref, pour en revenir à Notre Dame, je souhaitais le lire depuis longtemps.
Le livre est assez long et le style ne m'a pas paru aussi recherché que je l'attendais, mais ceci étant dit, on plonge avec plaisir dans ce roman.
Hugo s'attarde avec délectation dans la description d'un Paris mi-historique mi-fantasmé, se posant en véritable historien de cette fin du moyen-âge qui le fascine totalement, car au delà du roman, Notre Dame est aussi un plaidoyer pour l'architecture gothique (terme barbare et tardif qui a rebaptisé avec mépris l'ars francorum) et la cathédrale y est décrite en détail.
Le personnage principal est la cathédrale elle-même au centre du livre, des personnes (unique patrie de Quasimodo qui en franchit peu les limites et jamais à son avantage) et de la ville, dont elle est le coeur palpitant qui irrigue les trois quartiers de la ville de Paris, la cité, l'université, la ville (le pouvoir royal et religieux, le savoir, l'économie et le peuple)
Hugo écrit des chapitres entiers sur la ville de Paris: "Dans la cité abondaient les les églises, dans la ville les palais, dans l'université les collèges."
La cathédrale Notre Dame sans laquelle le livre n'existerait pas est le théâtre, la scène centrale où vont s'animer les intrigues et les passions, et ces personnages si connus que sont Quasimodo, le sonneur de cloches, borgne, bossu, boiteux (et sourd!) fils spirituel de Dom Claude Frollo qui l'a recueilli enfant abandonnée, la Esmeralda bien sûr et Phoebus, le flamboyant militaire, et tous les autres personnages secondaires qui aniement cette scène grouillante: Clopin trouillefou, Gringoire, le poète, Jehan le jeune frère de Claude Frollo, les juges, bourgeois, peuple, voleurs et truands.
L'imagerie populaire et les adaptations au cinéma ou au théâtre ont transformé les caractères et à la source d'Hugo on retrouve leur profil originel, ainsi Phoebus est plus proche du rustre, du soudard prêt à trousser le premier jupon qui passe
que d'un flamboyant cavalier. Quasimodo reste un être sensible mais très frustre et la Esmeralda n'est qu'une jeune fille naïve et crédule.
Les personnages les plus attachants sont à mon avis, Gringoire, sorte de poète philosophe égaré, peut-être un alter égo de Hugo dans cette époque, le personnage le plus complexe et le plus intéressante restant sans conteste Claude Frollo, dénaturé par une interprétation mièvre à la Disney, Frollo, le prêtre pivot central des personnages qui entraine dans sa chute ses proches, au milieu de ses doutes et de tourments. Il n'est pas foncièrement méchant mais son attitude et ses convictions intimes à la limite de son sacerdoce (il est alchimiste) vont le pousser à la cruauté et au crime malgré lui.
C'est sans doute cette fragilité qui le rend tout de même si humain, par sa faillibilité et ses erreurs.
Dans la galerie des personnages, certains seconds rôles importants sont passés à la trappe de la célébrité, telle la recluse, figure pittoresque de cette époque , fascinant et effrayant à la fois.
Comme je le disais, le style D'Hugo est moins resplendissant que les cathédrales qu'il admire, et sans doute pas aussi travaillé qu'un Stendhal ou un Flaubert, mais revèle une érudition et une richesse inouie de vocabulaire.
Ca ne se lit pas en deux jours, mais ça en vaut la peine.