Lu "Anéantir" de Michel Houellebecq, qui vient de paraître, toujours chez Flammarion ( livre relié avec tranche-file et signet, 700 pages à gros caractères et grand interligne, très léger et maniable malgré le fort volume in-8 de 45 mm d'épaisseur)
L'éditeur ne s'est pas foutu de la gueule du lecteur (prix correct par ailleurs, 26 euros)
L'intrigue s'inscrit dans la lignée des précédents romans (Soumission et Sérotonine) avec ce mélange constant de réflexions philosophiques et existentialistes, la vie quotidienne des personnages y est toujours décrite avec précision (grande documentation technique et médicale avec une floppée de remerciements à la fin du livre)
La "patte" Houellebecq est bien présente et comme d'habitude il n'oublie pas que c'est avant tout une histoire qu'il nous sert, un récit très bordé (date, lieu, météo, nourriture, vêtements, etc...), et sur cette trame narrative en béton armé il greffe d'innombrables déclinaisons, dans tous les domaines (il y a même le professeur Calys de l'Etoile mystérieuse, et les Dupondt !)
Bien sûr j'attendais l'auteur sur son registre humoristique, et je n'ai pas été déçu ! Un seul exemple, qui m'a plié en deux de rire, au sujet " d'une sorte de moment sartrien mais appliqué aux bites : Une bite faite de toutes les autres et qui les vaut toutes et que vaut n'importe quel autre "
Incidemment, Houellebecq porte un regard incisif sur le fait que depuis la dernière guerre et "pour la première fois dans l'histoire du monde la production culturelle populaire s'était montré esthétiquement supérieur à la production culturelle de l'élite. La bande dessinée surclassait de très loin les créations des représentants officiels des arts plastiques". Il en va de même pour le roman ou la musique.
J'ai apprécié (je pense comme lui)
Gros coup habituel de marketing avec la sortie du livre avant la présidentielle d'avril prochain, puisque le fil rouge est la présidentielle de...2027 ! , avec les mêmes acteurs .C'est un livre éminemment politique et très actuel, les patronymes utilisés sont transparents (par exemple un des personnages principaux est Bruno Le Maire, renommé Bruno Juge).
Il est dommage que l'intrigue de départ (une menace terroriste piratant le web et visant des intérêts mondiaux) soit oubliée en cours de route (à moins qu'il y ait une fausse fin et un retour des mêmes personnages...), je pense que les 150 dernières pages sont surnuméraires de ce point de vue.
Reste que Houellebecq prend à bras le corps les enjeux qui agitent et menacent la planète avec une lucidité confondante de réalisme (c'est un confrère de Onfray sur ce terrain, la catastrophe civilisationnelle est déjà à l'oeuvre).
Qu'il inscrive ses réflexions dans le cadre d'une histoire familiale somme toute banale ne fait que renforcer son propos, puisque il est loisible au lecteur de s'identifier à tel ou tel personnage (de l'aide-soignante au ministre il n'y a que l'embarras du choix !)
)![[:lega]](./images/smilies/lega.gif "Renverse")
