Eric Branca introduit son livre par la dénomination " onze salopards et demi", car on ne peut taxer la douzième d'absolument "pourrie".
J'ai 2/3 ouvrages d'Eric Branca et c'est un très bon "vulgarisateur" de la chose historique ( grand spécialiste de De Gaulle et de la droite, par ailleurs ), ce livre ne fait pas exception avec l'histoire de ces nazis passés au travers des comptes à rendre après-guerre.
On en connait pas mal, c'était plus obscur pour d'autres.
Je ne résiste pas à l'envie d'égrener les noms, avec bio en quelques phrases, pour un peu de lecture à qui en aura envie
- ERNST ACHENBACH : ce chef politique de l'ambassade d'allemagne à Paris avait la main sur la capitale pendant l'occupation. Toutes les directives passaient par lui, quand il n'en n'était pas l'inspirateur. Jamais inquiété, et à fortiori condamné.
Le scandale resurgit dans les années 70 quand le gouvernement allemand veut l'envoyer siéger à la commission européenne ( ce qui ne se fera pas devant le tollé général ). Loin de mettre la pédale douce pour faire oublier son ancien rôle, il n'aura de cesse en tant qu'avocat de défendre les anciens criminels nazis et même d'actionner un lobbying intensif pour une loi d'amnistie générale.
- ALBERT SPEER : un des plus célèbres ! Bien sûr, lui fut condamné à 20 ans de prison. Mais Branca l'a inséré dans ses 12 pour la bonne raison qu'à la fin de sa peine, il s'est mué avec une énorme facilité en "grand témoin", courant les plateaux télé jusqu'à la fin de sa vie. On parle pourtant d'un grand favori d'hitler, ministre de la production, "s'amusant" avec la main-d'oeuvre des camps de concentration.
- OTTO SKORZENY : parfois nommé le "james bond nazi", il était chef de commando d'élite de la SS. Celui dont on sut qu'il, par exemple, expérimentait des balles toxiques sur les détenus des camps, réussit à tout faire oublier en quelques mois après la guerre. Il écrivit plusieurs best-sellers (
). Considéré également comme "l'homme le plus dangereux d'europe", il fut aussi formateur pour la CIA, trafiquant d'armes, tueur..........d'anciens nazis pour le compte des services secrets israëliens (
). Des archives exhumées en 2018 par un historien militaire américain lui prêtent même un grand rôle dans la préparation de l'assassinat de Kennedy (
)
- WALTER SCHELLENBERG : emprisonné quelques mois, mort en 1952 d'un cancer, chef direct de Skorzeny, il dirigeait l'espionnage et contre-espionnage de la SS, créa les einsatzgruppen avec heydrich ( qui firent des millions de mort en URSS ). Jusqu'à sa mort prématurée à 42 ans, il s'en sortit grâce à ses dossiers : des documents prouvant des négociations secrètes avec l'OSS pour une paix séparée de l'allemagne avec les Etat-Unis au dépens des soviétiques ; d'autres fournis aux anglais prouvant la grande "amitié" de l'ex-roi Edouard VIII avec le régime hitlérien.
- REINHARD GEHLEN : il devint rien moins après-guerre que le chef des services d'espionnage de la RFA, et ce pendant 20 ans ! De 1941 à 1945, il a noyauté le système structurel soviétique, en pleine ligne afin de déclencher la guerre d'extermination des slaves ( ceci pour faciliter la colonisation voulue par Hitler ).
Adoubé par la CIA pour empêcher le communisme de s'insinuer, il monta une organisation infiltrant les pays de l'OTAN.
- RUDOLPH DIELS : le premier chef de la gestapo, en 33/34 ! Il fut donc des premières "joutes" conduisant à la dictature. Extraordinairement, il n'apparaitra qu'une fois au procès de Nuremberg, cité............comme témoin de la défense par göring. Pour le reste, il s'y fit représenté par un avocat, qui déposa en son nom un témoignage certifiant de son innocence.
La cour n'y trouva rien à redire, sous les yeux médusés des accusés au procès.
Il devint après-guerre gouverneur régional, fonctionnaire du ministère de l'intérieur, et mourut en 1957............d'un accident de chasse.
Nos cinq et demi qui restent, dans ce tour d'horizon, n'auront pas été considéré comme "criminels de guerre", au contraire des six premiers cités. Il y a les "stars" du conflit...
Ceux dont l'action leur conféra un pur prestige dans un temps de guerre "normal" sans exaction.
Ainsi du général PAULUS ( à qui on n'offrira d'autre choix côté russe que de se ranger et vanter le communisme ), le général HEUSINGER qui planifia la stratégie de la Wehrmacht ( recruté par les américains pour le bombarder président du comité militaire de l'OTAN ), ou bien le maréchal VON MANSTEIN ( imposé aux allemands après guerre par les américains (
) comme conseiller militaire du gouvernement allemand. )
Sacré jeu de dominos entre américains et russes dans le pouvoir de récupération. Guerre froide en approche, plus que jamais...
- HJALMAR SCHACHT : le 10eme du livre, donc. LE ministre des finances, acquitté à nuremberg. Tellement doué dans son domaine qu'il est à l'origine, sans doute, des succès économiques renforçant Hitler au long de la guerre. Une pièce rapportée mais essentielle dans l'échiquier. Ensuite, après-guerre, il créa sa propre banque, et fut consultant pour moults pays.
- KURT KIESINGER : on se souvient de ce maître de la radio hitlerienne à l'attention de l'étranger pour la baffe qu'il prit en temps que chancelier, et en public, de Beate Klarsfeld, qui rappela à tous son rôle pendant la guerre. ça contribua à le faire descendre d'échelle.
- WERNHER VON BRAUN : voilà le fameux héros de beaucoup. La lune, tout ça...
Mais bon, les missiles, c'est lui aussi ( et dans quelles conditions humaines ) !
- HANNA REITSCH : voilà notre " et demi" ! Pilote d'avion émérite, ce petit bout de femme aura tenté d'extraire Hitler de son bunker fatal, se posant dans Berlin au détriment des russes omniprésents, 2 jours avant le suicide du dictateur. Elle prenait cela avec naturel, comme un devoir à son pays, et non une allégeance aux exactions ( elle le montrera publiquement à maints reprises ). Comme le décrit très bien Branca, elle a été assimilé à des êtres qu'elle détestait, pour rester poli.
Donc voilà, tout cela pour dire que ce livre d'histoire se lit comme un roman, c'est passionnant ( et quelque part désespérant ).