Ayant décrit auparavant tout l'intérêt que je porte à Olivier Norek, j'ai tenté ce Jonquet, clairement de la même école, mais prédécesseur du premier dans ce style de polar ultra-réaliste à la française.
Là ou Norek s'attache avant tout au quotidien de flic, Jonquet lie les membres de la société dans son ensemble, avec un engagement de gauche très marqué sur le fond.
Nous sommes en banlieue, dans une ville "imaginaire" du 9-3. Marchands de drogue/dealers, de femmes/proxénètes, de soupe/politiques, de savoir/profs, de règles/flics, de doctrine/salafistes, c'est avec cette france que vit Lakdar, jeune homme doué rêvant dessin, entre un père alcoolique non violent très permissif, et un quartier ou l'intégrisme s'invite à tous les étages.
Victime d'une erreur médicale lui empêchant tout l'avenir dont il rêve, entre bd, peinture, arts graphiques, il bascule...
Lakdar peut être considéré comme le personnage principal, sauf que l'auteur canarde dans tous les sens, dénonçant toute la lie de l'échec de trajectoire en décrivant chapitre par chapitre les destins de ses personnages, pour mieux montrer ce que ses élans politiques personnels ne supportent pas.
C'est peut-être là qu'il est un poil en dessous de Norek, ne cherchant pas à créer un "pilier" de roman, mais un arbre à plusieurs troncs. Il y a du coup un tout petit manque de chaleur conduisant à l'emphase.
C'est un petit bémol qui n'a pas empêché globalement mon grand intérêt. Les sujets évoqués sur le fond pourront sembler éculés, mais ce bonhomme avait quand même "une manière de ..." plutôt très addictive.
Et le talent de savoir, en cours d'écriture, se servir de l'actualité immédiate ( publication en 2006 ), pour mieux l'insérer dans le contexte de sa narration, je dis chapeau bas.
Norek/Jonquet méritent une transposition HBO/CANAL. Mais aujourd'hui, on aurait plus droit à Bussi/TF1, c'est ainsi...
Cela aura été le dernier roman de Jonquet, décédé en 2009. Je pense que ce monsieur valait un peu plus de reconnaissance et le sentiment qu'il méritait humainement d'être connu.
La LICRA avait clairement fait le bon choix.