Moi j'ai lu ça :
Comme quoi tout ne tient qu'à un équilibre précaire. Même le talent, même la meilleure des histoires avec les meilleurs personnages.
Pat Conroy est un ultra-talentueux. Il y a dans ce roman des phrases dont l'amplitude et la beauté saluent d'une même note le meilleur de l'histoire de la littérature, d’Homère à Victor Hugo. L'homme est intelligent et sait parfaitement alterner les fulgurances de sa prose avec la pugnacité tout à fait dingue de ses dialogues, toujours savoureux.
Pour autant l'histoire n'est pas bonne. Oh, si, elle démarre comme la meilleure des histoires en évoquant et empruntant à un autre magnifique le fameux Blumsday d'Ulysse de James Joyce. Ce jour, le 16 juin, la vie de Leo King va changer pour le restant de ses jours.
C'est génial, super bien construit et l'on tourne et tourne les pages jusqu'au rire quand les reparties jaillissent, aux pleurs lorsque l'action devient dure, on s'émeut devant la tendresse de ces adolescents entre eux, ces exclus d'un coup réunis.
Voilà pour ce qui marche dans cette superbe première partie.
Et puis plus rien. Leo devient cet horrible père la vertu et tout le roman sombre dans le rocambolesque. La palme à l'apparition de Dexter, complètement hors de propos.
La construction elle aussi devient moins précise, les scènes ne sont que des scènes posées les unes à coté des autres, il manque le liant. Le talent disparaît au profit du savoir-faire.
Et quand enfin un certain personnage féminin meurt, cela ne semble réveiller aucun de personnages. L'événement passe...
Il y a pourtant des moments d’exception dans ce livre et l'on y découvre une ville un peu oubliée, l'instantanée jauni d'un Sud oublié, celui qui mordait la société avec classe. Le roman vaut pour Charleston. Qui s'y rendrait devrait lire ce roman. Pour les autres, priorité au Prince des Marées, vrai chef-d'oeuvre.