
par curiosité, je lis "la végétarienne" de Han Kang, prix Nobel de littérature en 2024 et lauréat du Booker Prize International en 2016 pour ce roman, justement.
Une nuit, Yeong-hye devient végétarienne. Plus question pour elle d'ingurgiter quoi que ce soit de nature animale. Jusqu'alors, elle se caractérisait par une personnalité banale et effacée, presque fantômatique. Sa décision rencontre d'abord une surptise un peu curieuse. Ses proches y voient une lubie dictée par la mode, mais qui ne peut que passer. Pourtant, Yeong-hye persiste, provoquant la colère de sa famille. En parallèle, elle s'efface de plus en plus, réagissant plus qu'agissant, face à l'hostilité croissante de son père et son mari.
Ce roman est particulièrement étrange et, arrivé quasi à la fin, je n'arrive pas encore à définir si je l'aime ou pas. Je suis conscient des ses qualités littéraires, mais il s'en dégage un je-ne-sais-quoi qui m'empêche d'y accéder entièrement.
Yeong-hye y apparaît en creux, le récit s'articulant en 3 parties correspondant à 3 narrateurs: son mari, son beau-frère et finalement sa soeur.
Très vite, la condition féminine y est malmenée. Le refus de manger de la viande est un symbole de revolte face à un ordre établi. Il fait enrager les hommes dans une société fortement marquée par le patriarcat et le respect dû aux aînés, pour ce que je perçois. L'acte fondateur du roman représente un rejet implicite de la place qui lui assignée dans la société et une prise de contrôle en creux pour le personnage principal.
Tout le roman me paraît d'ailleurs être en creux. Les motivations de Yeong-hye ne sont jamais exprimée que par l'entremise des narrateurs successifs. Son personnage hante les pages sans jamais vraiment exister. Il est difficile de parler de "substance" pour la définir, tant elle apparaît éthérée. Son mari la rejette parce qu'elle n'est plus banale, alors qu'elle s'efface inexorablement. Son beau-frère la désire parce qu'il y projette ses fantasmes, mais n'y voit qu'un "sujet". Sa belle-soeur, seule, lui accorde de l'importance, mais est-elle prête à entendre ce qu'elle a à dire ?
La fable est étrange, d'un pessimisme radical. Toute tentative de s'émanciper du rôle assigné aux femmes semble voué à l'échec. Même la soeur de l'héroïne apparaît finalement comme en perdition, elle-même victime collatérale de la situation, et dernier lien avec la réalité.
oui, ça se lit bien, il y a des images intenses, mais j'ai surtout l'impression de manquer de clés pour pleinement comprendre la pression imposée aux femmes dans la société coréenne. Certaines scènes me semblent marquées par des marqueurs culturels coréens, comme l'importance de la hiérarchie familiale, la difficulté de l'émancipation ou certaines étrangetés comme le délit d'adultère (abrogé depuis que ce roman est paru). Intéressant, mais je me suis senti un peu exclu.