yannzeman a écrit:C'est amusant, ce parallèle (volontaire ?) avec Jean-Michel Charlier.
Lui aussi écrivait ses scenarii un peu au jour le jour, non ?
Il me semble qu'il ne savait jamais comment il allait terminer son histoire.
Oui... et non...
Oui, JMC écrivait au jour le jour, et : non, le parallèle n'est pas volontaire ! Si je pouvais écrire un scénario, ou au moins une grande partie, d'un coup, ça m'arrangerait car la situation est tout de même inconfortable, pour moi comme pour le dessinateur qui ne sait jamais ce qu'il y aura à la page suivante. Mais mes activités sont trop diverses et nombreuses, et la recherche documentaire d'une part, et la réflexion, souvent longue, pour écrire des scénarios et des scènes qui tiennent la route (j'espère qu'ils et elles tiennent la route...), m'amènent à travailler "à la petite semaine". Combien de fois m'arrive-t-il de tourner en rond pendant des jours ou même des semaines, sans savoir comment agencer le scénario de telle ou telle planche, en cherchant le meilleur angle ou la meilleure solution...? Ceci pour résoudre des questionnements ponctuels qu'il est quasiment impossible d'envisager avant l'écriture du scénario.
Sans compter que, dans le domaine aéronautique, mes conseillers, la plupart pilotes en activité, ne sont pas forcément disponibles le jour où j'ai besoin d'un renseignement pointu... Idem pour les histoires de Mac Bride, qui demandent de grosses recherches historiques (même de nos jours, il n'y a pas tout sur Internet ni dans les livres, je peux en témoigner !). Il est donc impossible, à mon sens, d'accumuler TOUTE la documentation indispensable à une histoire, avant de l'écrire. C'est d'ailleurs en écrivant les dialogues les uns après les autres, planche après planche, que je découvre qu'il me manque telle information, telle photo, etc. Cela me rappelle l'anecdote, je crois connue, d'Edgar P. Jacobs qui avait à dessiner une poubelle dans une rue au Japon, pour un album de Blake & Mortimer, et qui a attendu des mois avant d'en recevoir une photo. Eh bien, le problème reste le même pour moi, au niveau du scénario (du moins de la recherche d'un scénario plausible ; car je pourrais faire dans le farfelu, mais ce serait tomber dans la facilité...).
J'ajoute qu'André-Paul Duchâteau travaillait aussi comme ça : une planche par-ci, une planche par-là. Au point que, pour résoudre des problèmes d'identification des personnages, et empêcher que Tibet, son dessinateur de la série Ric Hochet, représente un monsieur ayant un certain physique alors que le scénario dévoilera par la suite que ce monsieur a en réalité un tout autre physique, Duchâteau précisait, dans ses premiers descriptifs, que tel personnage ressemble par exemple à Serge Reggiani (
cf. l'histoire Le monstre de Noireville), et tel autre personnage à tel acteur ou homme connu.
Dans une interview, un dessinateur racontait que son scénariste Marijac improvisait à tel point que lorsque ce dessinateur apportait à la rédaction la planche de la semaine pour publication dans tel journal dont Marijac était le rédacteur en chef, c'est alors que Marijac écrivait sur un coin de table, à toute vitesse, le scénario de la planche suivante. Et là, on comprend : sans grandes réflexions, sans recherche documentaire, au débotté. Et le dessinateur repartait chez lui avec une page de scénario, de quoi tenir jusqu'à la semaine suivante...
Je suppose que d'autres scénaristes travaillent aussi comme ça, dans l'improvisation et en envoyant seulement des bouts de scénarios à leurs dessinateurs, bien que j'aie entendu dire que des gens comme Greg et Van Hamme fournissaient ou fournissent en une fois des scénarios entiers, "clé en main" si j'ose dire.