...A y est, ai lu -- « careful: spoilers inside », mais difficile de faire autrement...
Graphiquement d'abord... Chose surprenante, certaines cases (voire plusieurs séquences) me semblent peu lisibles (les editors peuvent-ils encore parler taf avec Miller sans qu'il les envoie chier, ou bien ne voient-ils plus rien du tout ?). Heureusement d'autres sont superbes d'épure. Certains éléments répondent à des partis pris artistiques délibérés (on apprécie ou pas), mais je trouve que d'autres ont surtout l'air d'avoir été bien sacqués. Pourtant l'architecture sous-marine de la mosquée contient des éléments jouissifs qui montrent que Miller n'a pas perdu la main ; j'ne déduis que toutes les "grossièretés" graphiques qu'on voit çà et là sont voulues. Par ailleurs il me semble qu'il utilise (invente ?) certaines matières pour la première fois, donc j'en conclus que le dessinateur Miller est toujours vivant.
Dans l'ensemble, c'est quand même pas du meilleur Miller ; j'espère qu'il va revenir en arrière à l'avenir (
).
Quant au fond... Certes, le bouquin s'ouvre sur un appel à tuer les infidèles attribué à Mahomet. Certes les Bons n'hésitent pas à torturer et très froidement abattre ou laisser crever leurs adversaires sans dissimuler le pied que ça leur fait. Certes on doit bien penser le Fixer semble presque une création de David, l'activiste Juif.
Mais honnêtement
on a déjà vu un peu tout ça avant dans Miller (ses BD comme ses films), on ne peut pas considérer que c'est une nouveauté radicale. Objectivement, si on remplaçait les terroristes d'Al-Qaida nommément désignés comme tels (autrement dit des musulmans certes, mais des musulmans extrêmistes et violents) par l'une des habituelles sectes d'assassins exotiques extrême-orientaux façon Elektra,
on pourrait avoir presque le même bouquin ! On n'en serait pas si loin. Non ? Ça me fait ça, en tout cas, à moi.
Bien sûr ici on croise les tronches d'Obama, Kadhafi, Armadinhedjab et tous ceux que je n'ai pas réussi à identifier (Daniel Pearl ?
), ça ancre dans la réalité, ça abolit la distance qui rendait la lecture du Miller d'avant bien plus confortable. Mais dans le même temps il y a partout des éléments de parfaite
irréalisme, à commencer par la façon de la longue scène d'intro, où les personnages récitent leurs tirades tout en effectuant des figures dans l'air (séquence qui jusque dans sa chute rappelle curieusement -- désagréablement ? -- la séquence d'intro des
Indestructibles) et tout à fait aussi allégorique et antinaturelle que les combats dans
Tigre et dragon par exemple. C'est vrai aussi des pupilles félines de Natalie.
Le Miller qu'on a aimé transparaît encore et notamment dans le fait que la statue de la Justice représente très vraisemblablement une Noire ; dans des dialogues rigolos avec quelques vannes contre les superhéros ; et la chute de l'album qui met une nouvelle fois en scène un flic responsable de l'ordre face à ses inquiétudes, aux limites de ses moyens et à sa trouille.
...Bref : il me semble que c'est davantage la couleur de l'éclairage que
les déclarations de Miller ont portées sur le bouquin qui fait (et mérite ?) le buzz, bien moins que le bouquin par lui-même. En fait
Holy Terror me rappelle le
Sarajevo-Tango de Hermann, qui était aussi un cri du cœur et un coup de gueule, outrancier, presque surréaliste et aussi à la fois très cru.
Ah, et sinon pour un bouquin de ce prix le papier aurait pu être un peu plus épais et moins transparent, nan ?!
...À part ça j'ai tout reçu les McKeever que je ne connaissais encore soit pas soit pas intégralement ; le format est vraiment trop petit mais les bouquins sont éditorialement bien fichus.