Brian Addav a écrit:Et cela implique un corollaire. Tu ne dois rien faire qui te mettrait hors de la norme.
C'est la peur du quand dira-t-on. Rien à voir avec le collectif.
Mais le point important, c'est que c'est complètement hypocrite, tout n'est qu'apparence. Tant que tu ne fais pas prendre, c'est bon. Les gens ne pensent pas "collectif". Ils pensent surtout à leur gueule, et à leur face. Et à leur cercle familial.
Mais sur le fond, ce sont des sociétés très individuelles, ne vous en déplaise.
Je crois surtout que les notions de collectif et d'individualisme se posent au Japon selon d'autres termes que chez nous et que plaquer notre façon de concevoir le collectif et l'individu ne permet pas de comprendre complètement ce que ses concepts recouvrent là-bas.
Quand tu parles de la "peur du qu'en dira-t-on", tu mésestimes très largement l'intériorisation séculaire du devoir de respect à la norme et le poids de cette intériorisation dans la façon de penser japonaise.
Cette intériorisation du respect à la norme, c'est quelque chose qui conditionne profondément le comportement des Japonais et qui ne s'applique pas vraiment selon les critères que nous attribuons à ce qui relève de l'individuel et du collectif.
Et c'est là que, de notre point de vue, on peut souvent voir une hypocrisie. On peut même être complètement choqué par une indifférence totale des japonais par rapport à certaines situations dans lesquelles nous serions, nous, amenés à montrer de l'entraide, de la solidarité ou de la compassion. Mais le Japonais ne le percevra pas du tout comme quelque chose d'hypocrite ou de choquant parce que c'est intériorisé dans sa manière de penser et que ça ne sort par du respect à la norme.
Je me souviendrai toujours des paroles de mon beau-père quand sa fille lui a annoncé qu'elle allait quitter le Japon pour vivre en Belgique.
Il lui a simplement dit : "N'oublie pas que tu es Japonaise."
Ca voulait dire que, même à l'étranger, elle était tenue de se comporter comme une Japonaise. Ca voulait dire qu'elle allait représenter à l'étranger la manière dont un Japonais est censé se comporter.
Ce n'est pas du qu'en dira-t-on, ce n'est pas de l'hypocrisie d'apparence, c'est une obligation de respect. Parce que c'est comme ça et pas autrement.
"Ca ne résout pas vraiment l'énigme, ça y rajoute simplement un élément délirant qui ne colle pas avec le reste. On commence dans la confusion pour finir dans le mystère."
Denis Johnson - "Arbre de fumée"