Pas fan du tout de cet album, qui souffre de ce que j'appelle "le syndrome Jul". Le scénariste glisse beaucoup de références à des faits modernes, mais qui relèvent souvent de la petite historiette people et non pas de la grande Histoire.
Ce sont des ficelles qu'il utilise beaucoup dans ses propres séries (
Silex and the City,
Qui veut tuer José Bové...) et qui ne me dérangent pas puisque c'est un auteur de presse, qui aime donc parler de l'actualité à l'instant t.
Mais pour une série implantée dans le patrimoine culturel comme Lucky Luke, je trouve ça plus embêtant. Non seulement on sort très souvent de l'histoire pour noter toutes ces références, mais en plus ça pose la question de l'intérêt de l'album à moyen et long terme : ne sera-t-il pas vite démodé ?
Quid du gag sur les consignes de sécurité du pénitencier lorsque le plan Vigipirate sera désactivé (on peut rêver, mais imaginons
) ? Des grèves de cheminot lorsque la SNCF sera privatisée ? De la référence à
50 Nuances de Grey lorsque le bouquin sera relégué au rayon -80% du Noz local ?
Surtout que ce sont des passages qui ne servent que peu le récit, l'action s'arrête souvent pour faire ces gags. Ca casse le rythme à fond, là où un De Funès intégré à l'histoire du
Bandit Manchot ne changeait rien à l'intrigue pour ceux qui ne connaîtraient pas le personnage.
Vous allez sans doute me trouver des contre-exemples dans la période Goscinny, des gags qui ne parlent qu'à une certaine catégorie de personne qui a grandi avec certaines références, et vous aurez sans doute raison. Mais Jul aligne ce genre de gags comme des perles et je suis à peu près sûr qu'on en trouve autant dans ses 2 Lucky Luke que dans la cinquantaine d'histoires scénarisées par René.
Et ça, ce n'est que le gros point noir de l'histoire, mais j'en relève d'autres. Le rythme assez plat, le name-dropping de célébrités une fois Luke arrivé en France (ça me rappelle le récent
Dilili à Paris, tiens)... et pourquoi avoir fait rencontrer Lucky Luke et Emma Bovary ? Sauf erreur de ma part, c'est un personnage fictif, donc elle n'a rien à faire dans l'univers de Luke qui est définitivement ancré dans la réalité (il n'a à ma connaissance jamais rencontré des personnages de fiction américains comme Tom Sawyer ou Paul Bunyan dans ses aventures)
Bref, je n'aime pas la reprise de Lucky Luke par Jul, et je suis assez attristé de voir qu'il est en train de remplacer définitivement Gerra (qui a fait la sympathique
Corde au cou) et le tandem BenaPennac (auteurs de mon album préféré de la reprise,
Cavalier seul).
Heureusement qu'Achdé assure au dessin, mais ça ne suffit pas à faire de ce Lucky Luke un bon album pour moi.
Je me connecte entre deux coupures d'électricité. Take that Putin !