de flocon » 23/11/2005 18:56
Xuunam, un brouillon d'avis qui répond en partie à ta question :
Qui peut résister à un sourire de clown ? En toute logique, personne. Comme une réponse d’adulte à la candeur et à l’innocence des enfants, un sourire de clown on se l’imagine toujours charmant et désarmant. Là, loin d’avoir la tête dans les nuages et le faciès béat, les clowns installés dans la Cité des Hauts vents ont les deux pieds dans la réalité. Celle des banlieues qui concentrent ce qu’on appelait des ilots, sorte d’ « agglomérations d’habitations et de population », à la fois si près et si loin du cœur de la ville où il fait bon vivre. Ils ont tenté, à leur niveau, d'insuffler un peu d’air frais à une population qui se replie sur elle-même au point d’asphyxier. Peine perdue ?
Le sujet est grave, d’actualité et interpelle. L’album est beau, presque luxueux. Et c’est un plaisir de retrouver le duo responsable du Pouvoir des innocents, souvent citée en référence dès lors qu’il s’agit de séries coup de poing s’inscrivant dans un contexte réaliste, qui a tenu en haleine les amateurs pendant cinq albums et près de dix ans. En découvrant Le sourire du clown, il est d’ailleurs impossible de ne pas avoir en tête cette histoire qui prend place elle aussi dans un quartier et dans laquelle des anonymes prennent, d’une certaine manière, le « pouvoir ». Parallèlement, on peut aussi se rappeler que depuis le début de cette première saga, il y a eu la réalisation pour les deux auteurs d’un autre ouvrage, Sixty bloc, édité par les organisateurs de la Fête de la BD d’Audincourt. L’occasion pour eux de s’immerger dans le quotidien d’une cité, de recueillir des témoignages et réaliser avec Edmond Baudouin et Michel Crespin un livre que la lecture de ce nouvel album donnera envie de se procurer.
Doit-on en déduire, avec une facilité qui confine à la paresse, que Le sourire du clown est une déclinaison, une transposition dans le contexte français et actualisée du Pouvoir des innocents ? Il est de notoriété publique qu’un certain nombre d’auteurs, au fil de leur carrière, remettent sur le métier l’ouvrage pour mieux tirer la quintessence d’un thème en l’enrichissant de leur vécu et d’un savoir-faire qui s’affirme au fil des ans (il est question dans les documents promotionnels d’ "œuvre de maturité pour les deux créateurs"). De toute évidence, cet argument serait aussi facile que réducteur. Ce premier tome mérite pleinement qu’on s’y attarde en s’affranchissant de toute référence. La construction du récit est parfaitement maîtrisée et les pièces du puzzle s’assemblent méthodiquement en se jouant des bonds chronologiques imposés par le scénariste. L’album demande un effort d’attention ? Tant mieux, on se plaint trop souvent du « vite lu, vite oublié ». Reste que l’exercice est délicat et que la barre est placée haut pour les deux prochaines parties. Parce qu’ils relèvent probablement d’une réalité, on évacuera assez vite les réserves éventuelles suscitées par le portrait dressé des forces de l’ordre qui confine au parti-pris, le symbole de l’église dévoyée par le squat de trafiquants de tout poil ou encore l’image frôlant la caricature de la roulotte colorée posée au milieu du dédale des barres d’immeubles austères.
Ces couleurs sont également à ranger dans la liste des atouts de l’album. Complément idéal du dessin pour en renforcer l’impact, elles sont tout simplement splendides et participent au plaisir de lire cet album à la finition soignée qui offre un papier agréable au toucher. Bien sûr, l’essentiel n’est pas dans l’objet mais une cerise sur le gâteau, ça ne se refuse pas.
Souriez qu’ils disaient…