Alors, dans l'ordre, réponse aux questions :
- Pour ubr84 : Non, pas de reportage sur Pilote en entier, on ne fait pas de post-publication. Le principe, c'est bien que tout ce qui est publié chez nous est de l'inédit.
Pour ce qui est du prix de l'abonnement, vous avez tout à fait raison, nous économisons une forte marge libraire/diffusion/distribution en cas d'abonnement. Pour faire simple, d'un strict point de vue économique, un abonné nous rapporte l'équivalent de 2 ventes en librairie. C'est donc extrêmement avantageux.
Pour être tout aussi clair (car nous n'avons pas monté une société d'auteurs pour tout cacher mais bien pour se confronter nous-mêmes aux discours servis aux auteurs depuis des années sur le marché du livre) : vu ses frais (droits d'auteurs, coûts fixes de la société, frais d'impression, etc.), la revue est rentable à 17 000 exemplaires en gros (tout ceci à ramener à la moyenne des ventes d'une BD qui, ajd, tous titres confondus, ne doit pas beaucoup dépasser 4000 ex...). Nous vendons autour de 12 000 ex. en moyenne en librairie (avec une pointe lors du N°1 à 21 000). Ce qui montre quand même que nous sommes avant tout un succès de librairie... Néanmoins insuffisant à être économiquement viable.
Mais nous avons désormais 4000 abonnés et cela revient à 8000 ventes supplémentaires. la revue est donc bénéficiaire depuis le début. Tout en étant un pari sans cesse renouvelé à chaque numéro.
Notre seuil de rentabilité est même une quasi "hérésie" économique en comparaison des habitudes éditoriales. Il est clair que notre coût en droits d'auteurs est très élevé et que n'importe quel éditeur l'abaisserait d'un bon tiers, ce qui amènerait la revue à une rentabilité beaucoup plus accessible. Mais ce ne serait évidemment pas en accord avec le projet de départ, lancé par et pour des auteurs. Nous estimons donc au contraire que nous payons encore insuffisamment en regard du travail à fournir, notamment lorsqu'il y a deux auteurs (un journaliste + un dessinateur) sur un sujet (nous payons 150 euros/page). Mais là, on ne peut encore élever ce prix de page sans aller dans le mur.
Pour le moment, nous sommes donc arrivés à un certain équilibre vertueux à défaut d'un équilibre certain...
Mais venons-en, après tout ça, au cœur de la question : pourquoi, au vu de ces chiffres, ne pas faire un effort sur le prix de l'abonnement puisque ça nous est si avantageux ?
C'est un vrai choix philosophique de notre part :
- D'abord, il y a le prix unique du livre. Auquel, en tant qu'auteurs et lecteurs, et pour tout un tas de raisons valables, nous sommes attachés. Nous avons beau être une revue, nous sommes vendus en librairie. Faire un prix à l'abonnement serait donc une rupture de ce prix unique et une concurrence "déloyale" vis-à-vis des libraires.
- Ensuite, je l'ai montré par les ventes, la revue est avant tout un succès de librairie. Si nos abonnés montent (de 500 pour le N°1 à 4000 pour le futur N°7) et si les ventes ont tendance désormais à se stabiliser en librairie (avec néanmoins un joli regain pour le dernier numéro, le 6, à confirmer), nous vendons tout de même 3 fois plus en librairie. Il faudrait monter à 10 000 abonnés pour remplacer toutes ces ventes libraires. De plus, depuis le départ, ce sont les libraires, spés Bd mais aussi tout un tas de petits et grands généralistes (mais aussi certains rayons de GSS) qui nous ont mis en valeur et nous ont vendus, souvent de la main à la main. La vitrine qu'ils représentent pour la revue est non seulement extraordinaire mais, à notre sens, indispensable. Qu'ils arrêtent de nous faire découvrir à leurs lecteurs et nous sommes certains que nos abonnements finiront également par descendre. Bref, une décision de courte vue ou de court terme qui consisterait à vouloir augmenter nos abonnés en baissant le coût de l'abonnement risquerait fort, sur le long terme, de nous coûter bien plus cher que ça ne nous rapporterait...
- Enfin, il y a donc l'aspect des "valeurs", mot galvaudé s'il en est mais qui a tout de même du sens ici : c'est inscrit dans notre projet de départ. Outre nos désirs purement artistiques qu'une telle revue de BD documentaire/reportage existe, il y avait la volonté de redonner de la valeur à nos métiers. Et si par là nous entendions évidemment le métier d'auteur, nous pensions également aux métiers du livre en général : celui d'éditeur où il s'agit d'accompagner réellement les auteurs dans leurs créations, d'initier de nouveaux sujets/de nouvelles pratiques, etc. Mais aussi celui de libraire, jamais malheureux de pouvoir faire découvrir des travaux de qualité qui sortent de l'ordinaire et qui ne peuvent se trouver qu'en librairie.
Bref, pour toutes ces raisons, nous avons décidé depuis le départ de garder tout le monde sur un strict pied d'égalité commerciale et de laisser le lecteur libre de son choix : s'il veut nous soutenir à fond, s'il aime bien aêtre livré tout chaud dans sa boîte aux lettres ou s'il a dû mal à nous trouver à moins de X Kms de chez lui, il s'abonne (et nous avons un fort taux d'abonnés étrangers pour cette dernière raison). S'il veut soutenir son libraire qui le mérite bien, s'il a plaisir à aller s'acheter chaque trimestre sa revue chez son commerçant préféré, il l'achète en librairie.
Nous, au final, tant qu'on vend, hein...
Un dernier truc : nous pensons tout de même depuis le départ à mieux choyer nos abonnés, sous la forme de petits cadeaux supplémentaires ou surtout d'une sorte de club des amis de LRD qui bénéficierait d'avantages et autres privilèges (invitation à des rencontres, ex-libris, coffret par saison, etc.), sans pour autant toucher au prix de la revue. Mais, pour toutes les raisons évoquées plus haut, c'est à manier avec précaution et ça ne saurait se faire sans d'autres opérations tournées, elles, spécialement vers les libraires. Et tout ça demande du temps (que nous avons rarement) et de l'argent (dont nous manquons malgré tout toujours !
).
Voilà, j'ai fait très long mais ça vaudra pour tous les lecteurs du forum !