cedd79 a écrit:Pour ce qui est de la préservation des oeuvres numériques, je ne suis pas vraiment d'accord. Pour travailler moi aussi dans l'audiovisuel, la conservation de nos productions est très chère et hyper problématique. Le Dépôt Légal du CNC s'arrache les cheveux dans le stockage de nos fichiers numériques n'ayant pas encore réussi, avec la CST, à se mettre d'accord sur une norme et sur un support meilleur que le 35mm (durée d'environ 100 ans au bas mot dans de bonnes conditions de conservations). Le LTO n'ayant qu'une durée de 30 ans, bien raccourcis car nous avons eu la mauvaise nouvelle de ne plus pouvoir extrait des données de ces bandes de moins de 5 ans car les codecs n'étaient plus lus. Je ne parle même pas du disque dur (même SSD) dont la durée de vie est bien maigre. Notre entreprise renouvelle tous les trois à quatre ans l'entièreté de ses archives sur disques durs. C'est dire la pérennité ! Sans parlé des fois où des TV nous ont contacté pour récupérer des productions qu'on leur avaient vendues car leurs disques durs ont crashé !!! (effarant mais vrai !) Et tous ces "vieux" fichiers vidéos (environ 10 ans) qu'on ne plus plus lire dans nos application professionnelles, qu'il faut donc perpétuellement ré-encoder (et re-sauvegarder !). Je vais faire l'impasse sur les enjeux environnementaux quant à la prolifération des supports numériques que l'on fabrique et que l'on jette.
La préservation, c'est un vaste débat et il n'y a pas de solution miracle idéale.
Ceci dit, le problème des normes, il était déjà présent avec les supports physiques.
Quand on a commencé à numériser le fonds, selon les périodes, on avait une multitude de types de supports physiques, dont certains qui s'étaient très rapidement détériorés et qui nécessitaient des lecteurs issus de technologies qui ont complètement disparu.
Je pense vraiment qu'aujourd'hui, la pérennité est mieux assurée sous format numérique, avec toutes les précautions que cela nécessite.
Là où tu marques un point, et pas des moindres, c'est sur l'impact environnemental du stockage sur de gros serveurs.
Enfin, pour est de donner des accès variées dans la BD, via des plateformes, je pense qu'il ne faut pas trop se leurrer. Celles-ci mettront toujours en avant les gros titres commerciaux (entourés de publicité ciblée en revendant nos habitudes de consommations à d'autres entreprises de publicité), et les gros éditeurs auront toujours plus de moyens pour renforcer cette mise en avant. L'offre variée n'existe que si l'accessibilité à tout est équitable ; ce qui n'est déjà pas possible avec 5000 titres par an, et ce qui l'est encore moins sur un serveur (qui peu être débranché à tout moment en plus).
Oui mais l'offre et l'accessibilité sur la durée en support physique est aussi limitée dans le temps.
Ce qui fonctionne moins disparait des rayons et n'est pas réédité une fois le stock épuisé.
Je ne présente pas l'accessibilité sous forme de fichiers comme une panacée mais ça peut être utilisé pour faire vivre son fond alors que des réimpressions ne seraient pas commercialement viables.
Aujourd'hui, l'immense majorité de tout ce qu'a pu publier Marvel depuis sa création au début des années 60 est disponible sous forme numérique. Il y a un accès au patrimoine totalement inédit par rapport à la période précédant la numérisation massive du fonds.
Et ce qui est amusant, c'est que la politique de numérisation massive a aussi amené à une multiplication tout aussi massive de l'offre patrimoniale sous forme de recueils papier (à partir des fichiers numérisés).
Ainsi, l’enjeu de l'achat d'une oeuvre BD ne résiderait plus dans l'acquisition d'un objet et d'une histoire à relire et à transmettre, mais s’apparentait plus à une consommation streaming : on consomme titre par titre, dans le cadre d'une play liste, sans retour en arrière ni mémoire culturelle. Du flux quoi. Why not.
C'est un écueil en effet.
Et c'est la raison pour laquelle je suis toujours personnellement réticent aux abonnements de type Spotify ou Deezer.
Ca a d'énormes avantages mais j'aurais trop l'impression de me noyer dans une offre labyrinthique d'où je peinerais à faire émerger un socle sur lequel je pourrais vraiment mettre ma curiosité à l'épreuve sans me perdre dans un papillonnage stérile.
Mais force est de constater que ce type d'offres plait au plus grand nombre et que les habitudes de consommations des jeunes génération sont assez éloignées de celles qui m'ont permis de forger mon goût.
Mais bon à chacun d'utiliser les outils dont il dispose pour se forger un parcours personnel.
"Ca ne résout pas vraiment l'énigme, ça y rajoute simplement un élément délirant qui ne colle pas avec le reste. On commence dans la confusion pour finir dans le mystère."
Denis Johnson - "Arbre de fumée"