Je ne découvre que maintenant ce sujet, je viens jamais dans le bistro...
Très intéressantes ces vidéos de Jancovici (surtout la première, celle de la conférence à Genève).
Très instructives et fortes : elles mettent au pied du mur et face à l'urgence de la situation et aident à mesurer l'impact mondial à venir.
Cependant, j'ai du mal à partager ses convictions sur la solution du nucléaire massif pour remplacer les centrales à charbon indiennes et chinoises. La Chine soit dit en passant est le 1er pays au monde au niveau du développement des énergies renouvelables en termes de moyens et de réalisations mis en place.
Pour construire une centrale de A à Z, de l'achat du terrain à ce qu'elle soit opérationnelle, j'imagine que cela doit prendre 10 à 15 ans. S'il fallait développer massivement le nucléaire dans l'urgence, ça prendrait certainement encore plus de temps parce que les entreprises spécialisées dans ce domaine se retrouveraient sans doute en difficulté voire dans l'incapacité d'en produire 50 ou 100 dans un délai très court. Combien en faudrait-il d'ailleurs ? Dommage qu'il n'ait pas évoqué le nombre nécessaire. Mais si ça se trouve c'est plusieurs centaines.
Allez je tente un calcul. Sachant qu'on a 56 réacteurs nucléaires en France, qu'on ne couvre que 74 % de nos besoins et que nous ne sommes que presque 68 millions... Sachant que les chinois et les indiens cumulés c'est 2,7 milliards de personnes (!) en 2018, sans doute 3 milliards en 2020. Et que 60 % de la production électrique en Chine est issue du charbon. 73,5 % pour l'Inde. Ça fait une moyenne à 66,5 %. Si je ramène ça en rapport au nombre d'habitant actuel ça reviendrait à dire que grosso modo 2 milliards d'Indiens et Chinois s'éclairent au charbon. Si on revient au ratio français, il faudrait 76 réacteurs en France pour être 100 % nucléaire en électricité, ceci toujours pour 68 millions d'habitants. Soit 1,12 réacteur / million d'habitants. 2 milliards c'est 2000 millions. On pourrait donc extrapoler qu'il faudrait 1786 réacteurs nucléaires pour remplacer la production électrique issu du charbon en inde et en Chine...
Au coût de 1786 x 6 milliards = 10716 milliards..... ça dépasse l'entendement.
Par ailleurs il minimise à mon avis complètement les faits sur les risques du nucléaire. Un accident de barrage vous je sais pas mais moi j'en ai pas un en mémoire. Ni une éolienne qui tombe sur un village, ni des panneaux photovoltaïques qui tombent des toitures sans arrêt et qui décapitent des habitants...
Certes il n'y a eu que 2 accidents nucléaires mais majeurs et le nombre de décès qui leur sont dus est certainement très élevé et s'étendent sur des générations (données sans doute confidentielles et a fortiori minimisées par les sources officielles). Un cancer ça se développe pas en 15 jours mais en plusieurs décennies. Un reportage assez émouvant sur Fukushima :
Invisibles retombées qui rappelle bien la tragédie à ceux qui pourraient l'oublier un peu vite parce qu'elle se trouve peut-être un peu loin de notre quotidien. Je comprends bien que le gouvernement japonais soit dans l'incapacité de traiter le problème car concrètement il aurait certainement fallu évacuer le Japon pour 30, 40 ou 50 ans, et certainement plus longtemps encore plus on se rapproche de l'épicentre. Les malheureux sont condamnés sur plusieurs générations à vivre avec ...et mourir avec.
Il minimise aussi la quantité de déchets radioactifs en prenant sans doute seulement en compte les plus émissifs qui tiendraient dans la salle de conférence où il intervenait. Il parle peut-être juste des barres de combustible. Les quantités enfouies ou stockées de déchets moyennement ou faiblement radioactifs sont beaucoup plus importants et ne sont pas inoffensifs pour autant. Sans oublier tous ceux qu'on a joyeusement déversé dans la mer en toute discrétion (merci à Greenpeace), et dont on ne connaîtra jamais la quantité exacte.
Il omet aussi de parler de la durée de vie d'une centrale. Ce n'est pas éternel. Même si on les prolonge au-delà du raisonnable (prévu pour 40 à 50 ans selon les modèles si j'ai bonne mémoire) et qu'on pousse de 10, voire 20 ans leur utilisation, il faudra bien les démanteler un jour et là, la quantité de déchets croit très vite, sans parler du fait que ON NE SAIT PAS DÉMANTELER UNE CENTRALE. Faut quand même pas ignorer ce problème. Or on arrive en bout de cycle de la majeure partie de nos centrales...
Au-delà du coût de démantèlement qu'il faudrait pourtant prendre en compte, quid du coût aussi de fabrication ? Il parle de 6 milliards pour un EPR chinois. A ces coûts il faudrait aussi inclure les couts environnementaux, les coûts de santé et de perte d'économie. A combien se chiffrent les accidents de Tchernobyl et de Fukushima ? Qui peut le dire ? Si on rajoutait 1786 centrales nucléaires, quelle serait la probabilité future d'accident de ce type ? On en a quand même eu 2 en 60 ans d’utilisation et pour un tout petit nombre de centrales. Quid avec 2000 centrales ? Sans parler des accidents qu'on a évité de justesse comme à Blaye à côté de Bordeaux en 1999 qui a failli être notre Fukushima à nous ! Et combien d'autres incidents ?
Bref, dans la réalité, c'est certainement à plusieurs fois 6 milliards que revient réellement un réacteur opérationnel si on englobe tout.
Combien de panneaux photovoltaïques cela représenterait en équivalence par exemple ? (avec système de stockage individuel, comme dans les maisons autonomes qui existent déjà un peu partout en France et sachant qu'un achat massif en réduirait aussi sensiblement les coûts encore) Les entreprises capables de faire du photovoltaïques sont certainement bien plus nombreuses et la fabrication et installation irait aussi beaucoup plus vite. Au passage je pense que cela serait générateur de bien plus de création d'emplois.
Ne pas oublier que la RT2020 prévoit normalement que tout nouvelle construction devra être
positive (on ne parle plus de passive) et que cette nouvelle règlementation doit normalement entrer en vigueur en 2021.
Je rappelle aussi, pour avoir un ordre de grandeur, qu'une surface comme l'Islande recouverte de photovoltaïque suffirait pour couvrir les besoins énergétiques mondiaux (soit 100.000 km2) soit 1/6ème de la France. C'est en fait très peu.
Il existe un rapport officiel commandé par le gouvernement qui montre que couvrir 100 % des besoins en électricité en France par les énergies renouvelables est possible, en fait même ....300 %, oui 3 fois notre consommation actuelle (!) :
https://www.nouvelobs.com/planete/20150 ... range.html C'est un résumé du rapport complet visible sur le site Mediapart mais réservés aux abonnés.
Autre thème. Autre solution.
70 % de la surface agricole est utilisée pour la production de viande. C'est aussi des intrants chimiques produits, du pétrole consommé, des machines fabriquées pour la production et des volumes d'exportations colossaux donc des transports conséquents générés. Les répercutions en tant que CO2 sont énormes et dans de multiples domaines.
Solution immédiate et radicale : on impose l'arrêt de la consommation de viande à un niveau mondial. Sur les 70 % de surfaces arables récupérées on replante massivement sur 50 % des forêts d'espèces à croissance rapide.
J'aimerais bien trouver un calcul montrant l'impact sur le CO2 en combinant l'arrêt de toute cette chaine alimentaire qui en produit massivement et le développement de forêt-piège à carbone. Ça serait certainement efficace et ce à très court terme.
Certes il faudrait imposer le végétalisme. Mais c'est à mon avis un moindre mal en comparaison de ce qui nous attend d'après ces prévisions. Mieux vaut un végétalisme forcé que la moitié de la planète en guerres civiles, ou en guerre tout court, des famines, le climat du Maroc en France et quantité de population obligées de quitter leur lieu de vie devenu invivable. Ça me semble un moindre mal donc.
Surtout que des solutions alternatives existent, les simili-carnés, la viande de culture, ou même en Asie où on trouve déjà des variétés de tofu que nous n'avons pas en France et dont la texture est très proche de la viande... les producteurs de viande pourraient se reconvertir dans cette filière. Ceux des fromages pourraient développer les faux-fromage à base notamment de noix de cajou, là aussi des substituts existent et se développent. Bref, il y aurait moyen de limiter la casse dans l'économie de ces filières en finançant des formations de conversion.
Si on agissait sur ces deux leviers mondialement, comme on le fait aujourd'hui pour contenir l'épidémie (preuve que tous les pays peuvent très bien se coordonner s'ils le veulent et s'ils s'en donnent les moyens), on pourrait peut-être réduire très sérieusement nos émissions en très peu de temps.
Cela se combinerait au basculement vers les véhicules électriques comme c'est actuellement le cas.
On pourrait rajouter par exemple une loi obligeant les industriels à fabriquer des appareils utilisables pour 10 ou 12 ans garantis afin de lutter contre l'obsolescence programmée.
Il y aurait très certainement quantité d'autres actions à entreprendre à effet immédiat ou à très court terme.
Je dis que quand on veut on peut. Rappelez-vous avec quelle énergie et à quelle vitesse on a viré les gaz détruisant l'ozone de tous les aérosols dans les années 90...
Bref, Jancovici est très bien mais il m'a laissé la désagréable impression en fin de conférence d'avoir été mandaté par le camp pro-nucléaire.