Mieux gérer les flux de marchandises et optimiser la mise en marché et la consommation. Ce n'est pas de la décroissance ou ne le retour au Moyen-âge :
Mouvement anti-gaspillage de poisson
Après la lutte contre le gaspillage des fruits et légumes, un Breton brasse les habitudes des géants de l’alimentation en sauvant les poissons des poubelles. Son concept anti-gaspillage, appelé « Finistérestes », remporte un succès fou auprès des consommateurs de la France, mais également chez les pêcheurs qui en tirent des profits.
Carottes tordues, concombres courbés, poireaux un peu moches ; les paniers de légumes de Karim Vincent-Viry partent comme de petits pains chauds dans une soixantaine de points de vente de la Bretagne, en France. Et voilà que l’homme se lance dans une quête pour sauver de la poubelle les petits morceaux de poisson.
Ancien directeur d’approvisionnement en fruits et légumes, M. Vincent-Viry raconte qu’un jour, il était dans le port de pêche de Lorient, le deuxième en importance en France, quand un mareyeur lui a expliqué qu’un filet de poisson doit peser entre 125 et 150 grammes pour être au menu d’un restaurant ou vendu chez l’épicier. Pas plus ni moins. À l’état frais, à peine 50 % du poisson est consommé, dit-il. Le reste est jeté ou transformé en farine pour nourrir les animaux.
« On ne le réalise pas, mais le gaspillage des poissons est pire que celui des légumes. Chaque jour, 10 tonnes de poissons sont jetées en Bretagne. Avec ma fille, on a eu l’idée de récupérer les petits filets dans des sacs sous vide. Pour le moment, on arrive à récupérer 2 tonnes par semaine. Ils se vendent tous. Nous ne fournissons pas à la demande », dit-il lors d’un entretien en visioconférence avec La Presse.
Transformer la peau de turbot en os pour chiens
Au Québec, le ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, André Lamontagne, a dit à La Presse que « l’autonomie alimentaire durable est une priorité », particulièrement dans le secteur des poissons.
Olivier Dupuis est directeur général des Pêcheries Gaspésiennes, situées à Gaspé. Son entreprise assure le débarquement des poissons quand les pêcheurs arrivent à quai. Les poissons sont transformés sur place.
Les poissons de fond sont la spécialité de l’usine, précise M. Dupuis. Le turbot est très populaire pour l’exportation en Asie. Il se vend en entier. Là-bas, on fait du fumet avec la carcasse du poisson.
« Dans nos usines, on s’est cassé la tête pour récupérer la peau très coriace du turbot. Au début, nos tests n’étaient pas concluants. Finalement, nous avons eu l’idée de la rouler pour en faire des os pour les chiens. Le reste va au compostage dans les installations de Chandler, il sert d’engrais naturel. »
Selon M. Dupuis, le Québec limite ses pertes poissonnières en raison du marché international. Mais il reste beaucoup à faire pour promouvoir la consommation sur place. « On n’a pas le choix d’exporter, dit-il. Il y a quelques années, la promotion autour du homard a bien fonctionné. Ça va mieux pour le crabe des neiges, mais le plus gros du turbot est fumé. Et la morue salée va aux États-Unis. »
La Poissonnerie O est située rue Ontario, dans Hochelaga-Maisonneuve. Le propriétaire, Sean Warren, ne garde pas ses poissons dans les présentoirs réfrigérés plus de deux jours. Avec l’aide d’un chef cuisinier, ils sont ensuite transformés. Ça va de la lasagne au pâté chinois, en passant par des plats prêts à manger de style créole. Il propose aussi des plats en fin de vie sur l’application alimentaire « Sauvegarde ».
On récupère même la peau pour en faire des miettes servant à confectionner du chocolat salé. C’est excellent. Il n’y a aucun aliment plus périssable que le poisson. Selon moi, c’est clair qu’il y a énormément de gaspillage chez les grands épiciers. Ça va à la poubelle quand ce n’est pas mariné ou fumé.
M. Warren consacre une partie de son temps à promouvoir certaines espèces et parties du poisson, comme les bajoues de morue. Ça ressemble un peu à de gros pétoncles, précise-t-il. Au départ, il en commandait une dizaine de livres. Ses quantités ont doublé.
En France, le fondateur de la coopérative « Finistérestes », M. Vincent-Viry, rêve de voir apparaître un millier de petites épiceries vendant des produits déclassés.
« On a appris à consommer avec les yeux. On a le réflexe de choisir les plus beaux fruits ou légumes. Notre planète est en perdition, les prix ont explosé. Et la pêche en mer devient de plus en plus rare. Les produits anti-gaspillage vont prendre de plus en plus de place. »
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