marinacamille a écrit:Défendre des BD qui cultivent une violence, sans aucun contre-point ou travail sur le sujet, sans aucune dénonciation, sans sonder le cerveau humain, sous pretexte de la liberté d'expression, c'est quand même fort.
Il n'est pas question de défendre ni même d'approuver, il est seulement question de savoir si des oeuvres (de Vivès ou d'autres) ont ou pas le droit d'être publiées, si elles tombent ou pas sous le coup de la loi. Et sans aller aussi loin que lobo il y a quelques jours, il me semble qu'il est de surcroit salutaire de rester vigilant et circonspect face à toute interdiction de nature judiciaire.
La question de la dénonciation, du contrepoint, de sondage du cerveau humain telle que tu la mets ici en avant, c'est une question morale qui n'est pas une question liée à la liberté d'expression.
L'art a a priori le droit d'être ce qu'il veut, y compris d'être irresponsable. Il n'a pour moi certainement pas à être assujetti à une quelconque injonction de nature sociétale.
Sur l'autre sujet, j'avais écrit que j'allais peut-être brûler la BD en question et faire une vidéo (sur un ton ironique, en vrai je ne sais que faire de cette BD). Je me suis fiat traiter de tous les noms, les bûchers etc...
Je suis danseuse, donc artiste: si je veux faire une vidéo dans laquelle je brûle La décharge mentale, c'est une expression artistique. Du coup ? quoi ? moi j'y ai pas droit à ma liberté artistique créative toute puissante sans limite ?
La décharge mentale n'est pas denuée de militantisme en plus, car c'est une réponse au concept de la charge mentale, faut arrêter de se voiler la face. Vivès a pris une posture viriliste dans cette BD, clairement.
Et?
Pourquoi un artiste n'aurait-il pas le droit de produire des oeuvres virilistes ?
Il n'est pas question de se voiler la face ou pas, il est question de dire qu'un artiste a le droit de produire une oeuvre à l''opposé de nos propres convictions, à l'opposé de nos propres combats, même s'il s'agit d'une oeuvre qui reproduit des schémas dominants que l'on voudrait voir disparaître.
Contrairement à toi, je pense que l'art n'a pas à être subordonné à quelque combat sociétal que ce soit. Il n'a pas à tenir compte d'injonctions qui le poussent de quelque manière que ce soit à "réfléchir dans le bon sens".
Je comprends la volonté et le désir de faire passer un combat militant au-dessus de la liberté d'expression artistique (et remettre en cause la liberté d'expression artistique, pour moi, c'est remettre en cause la liberté d'expression dans son entièreté) mais je pense que c'est trop vite oublier que la liberté d'expression est une des conditions qui permet au combat militant d'exister.
Je ne prétends détenir aucune vérité mais je pense que quand le combat militant que tu mènes (et que je trouve noble, légitime et salutaire) prétend se poser au-dessus de la liberté d'expression artistique, il se trompe de cible.
Après, je ne dis pas du tout que les idées véhiculées par un art considéré comme "réactionnaire" ne doivent pas être combattues. Ce n'est pas la même chose.
Sinon, si j'étais toi, plutôt que de brûler la bd et d'en faire une vidéo (brûler des livres, symboliquement, ça renvoie quand même à des trucs qui portent le flanc à des attaques), j'en ferais des confettis et je montrerais que je fais la fête avec.
Associer militantisme et fête, c'est tellement plus beau que de faire des happenings morbides.
L'émancipation, la libération des carcans, le combat contre les réactionnaires de tous poils, ça fait d'autant plus chier les connards quand ça passe par la fête.
"Ca ne résout pas vraiment l'énigme, ça y rajoute simplement un élément délirant qui ne colle pas avec le reste. On commence dans la confusion pour finir dans le mystère."
Denis Johnson - "Arbre de fumée"