azertyuiop1 a écrit:Question subsidiaire après le sondage crétin: pourquoi les beaufs détestent-ils Sfar au point d'en appeler à son boycott ? J'ai ma petite idée concernant cette haine viscérale qui a de drôles de relents. Est-ce que DHT ne veut pas plutôt faire un joli autodafé avec les livres de Sfar, d'Eisner et de Spiegelman ?
Faut arrêter là.
Si des gens détestent Sfar et surtout son dessin, c'est en tout premier à cause de Sfar lui-même et du système qu'il est devenu.
Pointer du doigt sa religion pour invoquer son désamour, c'est vraiment passer à côté du débat.
Le pb de Sfar, c'est déjà qu'il a choisi une voie élitiste, quoiqu'on en dise, et a voulu faire école.
Sfar a tout d'abord fait le choix d'un dessin spontané, naturel, et d'une écriture automatique comme il dit.
Pour lui, l'œil humain, lorsqu'il voit un crayonné, sélectionne de suite le bon trait pour appréhender le dessin. Et par ricochet, un œil exercé au dessin, à la peinture, sera plus à même d'accepter les "erreurs", comme il dit, liées à la spontanéité de son dessin.
Donc de base, pour une majorité du public qui n'a pas un œil exercé, son dessin ne passe pas, tout simplement.
Ensuite, pour ceux qui ont cet œil exercé, il faut en plus être d'accord avec sa théorie et l'accepter. Et on a le droit, c'est mon cas, de ne pas l'être et de ne pas aimer cette façon de faire de la bd.
Ensuite, il y a le thème de ses bds. Il ne choisit jamais des thèmes mainstream, et là aussi, d'une certaine façon, réduit son lectorat.
On a donc un auteur qui a choisi une voie "restreinte", qui a théorisé sa pratique, au point, à une certaine époque, non seulement de faire école, mais de vouloir en faire la norme en rejetant tout autre style.
Et un qui en plus un auteur porté aux nues par "l'establishment", les biens pensants et le microcosme parisien qui le considèrent comme l'auteur ultime.
Pour une majorité de gens qui soi ne comprennent pas son art, soi ne l'aiment pas, ça peut faire beaucoup et expliquer ce rejet.
Surtout que Sfar ne se résume pas à Sfar lui-même. Il représente toute une "école" d'auteurs apparus à sa suite, tenant d'une bd "naturelle, spontanée", qui malheureusement pour la plupart des auteurs qui la composent n'ont rien compris à son discours, (et n'ont surtout pas pris conscience que si son dessin peut paraître nul, il y a derrière une réelle maîtrise du dessin).
Donc, pour beaucoup de gens, je pense qu'il y a l'impression qu'on veut leur imposer un style de bd qu'ils n'aiment pas, ne comprennent pas, ne veulent pas aimer.
Quand pendant des années, on t'explique que la vérité ultime, elle est chez Sfar qui a tout compris, et que derrière, ça donne une tripotée d'auteurs, de bouquins où l'on croît qu'il suffit d'avoir une histoire en tête pour faire de la bd, au bout d'un moment il y a rejet.
On a un phénomène similaire avec ce qui s'est passé à une époque avec le style classique de l'âge d'or de la bd.
Le pb est que de nos jours, un seul auteur représente ce style qui porte à rejet, et donc cristallise le rejet.