JYB a écrit:Sauf que l'éditeur qui voudra faire ça aura beaucoup de fil à retordre :Cabarezalonzo a écrit:Ça fait du grain à moudre pour Fordis ou d'autres éditeurs, s'ils veulent s'en donner la peine.
- ...
- les récits risquent d'être dépassés d'un point de vue documentaire ; de nos jours, on a accès à tant de sources qu'ils paraîtront pauvres ou éventuellement mal documentés.
JYB a écrit:Au sujet de l'éventualité de la publication en albums, de nos jours, des histoires documentaires écrites par JM Charlier autrefois (dans Spirou - Oncle Paul -, dans Bonnes Soirées - Histoire Vivante - et enfin dans Pistolin - Les grands noms de l'histoire de France), voici un cas de figure intéressant qui illustre les quelques réticences que j'ai listées plus haut.
Octave Joly a écrit le scénario d'un Oncle Paul intitulé Saïd, ami fidèle, publié dans Spirou n°711 du 29 novembre 1951. Cela raconte l'amitié entre Saïd, vice-roi d'Egypte, et Ferdinand de Lesseps (consul de France en Egypte, futur constructeur du canal de Suez). Cette histoire, dessinée par MiTacq, figure dans l'album n°3 des Oncle Paul que s'est procuré récemment marone222 et dont il nous a montré ici la page des titres (c'est la seule histoire de l'album écrite par Joly, les autres histoires le sont par Charlier).
Or, l'histoire de l'amitié entre Saïd et de Lesseps a été racontée plus tard par Charlier, dans Pistolin (n°6 d'avril 1955). Les dessins sont cette fois d'Uderzo. C'est la même histoire, et grosso modo le même découpage, à quelques variantes près car Charlier a par exemple donné des détails dans certaines séquences. C'est même étrange car dans les dialogues et dans les récitatifs, il y a parfois les mêmes expressions, les mêmes mots... Charlier aurait-il copié sur Joly...?
Problème : certains faits sont racontés différemment, dans la version Charlier et dans la version Joly. Lequel des deux a raison ? Qui dit vrai ? Je ne suis pas allé jusqu'à lire en détail dans ma documentation la vie réelle de Lesseps pour le savoir ; mais ces différences posent question : un des deux scénaristes s'est trompé...
A la fin des deux histoires, on voit les mêmes scènes lors de l'inauguration du canal de Suez en 1869, et la même scène finale montrant la statue de Ferdinand de Lesseps à l'entrée du canal de Suez, à Port-Saïd (port ainsi nommé par de Lesseps en hommage à son ami Saïd qui venait de mourir, nous ont appris les deux récits). Si on regarde bien les deux morceaux de planches (celui de MiTacq et celui d'Uderzo) c'est assez semblable. Ce sont toutes les deux les parties inférieures de chaque planche 4, puisque chaque histoire fait 4 planches. Ci-dessous, Mitacq dans Spirou en 1951 :
Et ci-dessous, Uderzo dans Pistolin en 1955 :
On dirait même que dans l'image de la statue, Uderzo s'est largement inspiré de MiTacq... Mais il a recopié les mêmes erreurs documentaires. En effet, les deux dessinateurs se sont trompés. On comprend que la statue est située sur la rive droite du canal de Suez (qui est la rive "Asie" ; le canal coupe une partie de l'Egypte dans le sens nord-sud, et la partie droite est dite "rive Asie", et la rive gauche est dite "rive Afrique") car, quand on connaît les lieux, on comprend que l'image est tournée vers le nord, vers la mer Méditerranée, d'où viendrait le paquebot qui arrive ; or, depuis la statue telle qu'elle est là, on devrait voir au second plan de l'image :
- une partie de la ville de Port-Saïd - qui est beaucoup plus étendue, en longueur et en largeur, que les deux ou trois bâtiments qu'on aperçoit à droite -,
- une large courbe du canal au fond,
- et le désert au loin, à l'horizon.
Pas de chance, dans la réalité, par rapport à la statue qu'elle est là je répète, c'est l'inverse : la ville de Port-Saïd et la statue sont situées, à l'entrée nord du canal, sur la rive "Afrique", et on a un aperçu vers le sud. Il faudrait en quelque sorte inverser l'image (mais il ne faut pas inverser la statue !).
A noter qu'en bas de chaque planche 4, une carte de la région a été prévue : on lit bien les mentions "Asie" et "Afrique" avec le canal qui sépare ces deux parties (sur le dessin d'Uderzo, on ne voit que le "UE" de la fin du mot "Afrique"). Comme quoi il y a une communion d'idées : les deux scénaristes ont prévu, à la fin de chacun de leur récit, une carte succincte du canal...
On comprend aussi qu'Uderzo s'est contenté de recopier l'image de MiTacq, dans la scène avec la statue : même position et même attitude de la statue, à peu près même décor, même quai incurvé vers la gauche, au-delà de la statue, même paquebot à deux cheminées qui approche vers nous en second plan, même tour métallique un peu plus loin sur le quai...
La véritable statue, quant à elle, n'est pas tout à fait comme ça. Elle est posée sur un socle (qui ressemble assez à celui qu'a dessiné Mitacq) mais la tête de Lesseps devrait être tournée vers sa gauche, regardant vers l'entrée nord du canal et vers le large, vers la mer Méditerranée, comme je le décrivais plus haut (je rappelle que les deux dessinateurs se sont trompés et ont inversé l'image). Uderzo, lui, a bien dessiné la main et le bras droits de Lesseps qui sont tendus vers le sud, vers le canal longeant la ville puis s'enfonçant à travers le désert (normal, sauf qu'en fond d'image, Uderzo et MiTacq ont dessiné la mer Méditerranée). Je joins des photos montrant les lieux, et en particulier le quai strictement rectiligne, et non pas incurvé, sur lequel a été établie la statue et le long duquel a été construite la ville de Port-Saïd.
Vue générale de l'entrée nord du canal, avec Port-Saïd au fond, rive gauche (rive "Afrique") ; la photo est prise en direction du nord :
Vue générale rapprochée sur Port-Saïd et la rive "Afrique", avec un quai rectiligne, au bout duquel se situe la statue de Lesseps (indiquée par une flèche rouge), lequel quai se prolonge par une digue rectiligne également :
L'entrée nord du canal est vers le bas à droite.
Ci-dessous, plan rapproché sur la statue, montrant bien sa disposition par rapport au canal (l'eau du canal est en avant-plan ; en second plan, c'est un bassin, qu'on voit sur la précédente photo). On remarque aussi la gestuelle caractéristique de Lesseps :
Cette gestuelle faisait dire aux mauvaises langues, à l'époque où le canal était géré par les Franco-Anglais, que la tête de Lesseps accueillait les navires arrivant de Méditerranée, mais que la main tendue en arrière semblait vouloir dire à ces navires : "Mais n'oubliez pas de payer au passage..." (car le franchissement du canal est bien sûr payant, et même très cher...).
La statue, vu d'un bateau qui passe près d'elle, par son travers :
On remarque un grand rond vertical, dans la bas de la colonne qui supporte la statue. Ce rond, hélas oublié par Mitacq, est une sorte d'armoirie au milieu de laquelle a été gravée une citation en latin de de Lesseps lui-même : "Aperire Terram Gentibus" (ce qui veut dire, selon mes souvenirs d'école : "Ouvrir la terre aux peuples") ; en effet, le canal a ouvert en deux l'isthme du Suez, pour le bien (selon ce que voulait de Lesseps) du trafic maritime international.
Ces photos sont extraites de mes archives perso. Scènes anciennes et oubliées : la statue a été abattue par les Egyptiens fin 1956 (donc peu après la publication des deux BD), suite à la nationalisation du canal de Suez par Nasser et suite aussi à l'intervention militaire franco-anglaise pour tenter de le récupérer (mais les Alliés ont perdu la guerre ; par vengeance et pour faire table rase du passé, les Egyptiens ont démonté et cassé la statue ; elle a été retrouvée en morceaux dans les années 1980 et réinstallée ailleurs par une association de Français nostalgiques du canal de l'ancien temps).
Il faut enfin préciser que l'histoire de Lesseps par Charlier et Uderzo a été reprise dans Clairon et dans La Libre Junior en 1956 et dans le Tintin belge en 1967.
JYB a écrit:Euh... La discussion sur la maquette de la Renault Sinpar de Laverdure, c'est sur le topic "Tanguy"... Ceux qui ne liraient que le présent topic "Jean-Michel Charlier" ne vont pas comprendre ton intervention...Johnny Fletcher a écrit:Dinky Toys a Sorti ce modèle en 1967 je crois (ou 1968?). On le trouve en vente entre 250 et 500 euros en TBE. Je suis parvenu à mettre la main sur un exemplaire complet, avec sa notice et sa boîte avec peu de pliures il y a 10/12 ans dans cette fourchette de prix.
JYB a écrit:C'est donc qu'elle a un potentiel quand même et que des lecteurs la recherchent...han_solo a écrit:L intégrale deles histoires de l'oncle Paul par Jean Graton sont sorties très discrètement il y a quelques années.
Épuisée rapidement et aujourd'hui a prix d'or.
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han_solo a écrit:JYB a écrit:C'est donc qu'elle a un potentiel quand même et que des lecteurs la recherchent...han_solo a écrit:L intégrale deles histoires de l'oncle Paul par Jean Graton sont sorties très discrètement il y a quelques années.
Épuisée rapidement et aujourd'hui a prix d'or.
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Pas forcément.
L album des vendu a prix d'or parce qu'il est épuisé et qu'il y a peut être quelques amateurs ...
Mais pas de quoi proposer une réédition a mon avis.
Malheureusement
JYB a écrit:Je suis persuadé qu'il y a comme ça tout un tas d'imprécisions voire d'erreurs, qui passaient dans les années 1950, mais qui ne passeraient plus aujourd'hui auprès des historiens - ou même auprès des simples curieux qui chercheraient à en savoir plus. Dans les domaines de l'aviation et de la marine, que je prétends connaître assez bien, et qui ont été largement traités via ces BD, j'ai repéré tout un tas d'imprécisions. Il y aurait intérêt à tout éplucher (textes et photos) pour corriger ce qu'il est possible de corriger et pour présenter quelque chose de correct historiquement, dans un album aujourd'hui - à moins de mettre en introduction un texte prévenant que les dessins sont susceptibles d'être approximatifs voire faux... Ce serait difficile de faire passer ce genre d'album de BD - si un éditeur en tirait un ou plusieurs albums - pour une documentation historique sérieuse, même si ça a été fait sérieusement au départ. Mais à l'époque, il faut se rappeler que les dessinateurs dessinaient très vite, pour gagner leur vie, et qu'il n'y avait pas Internet... Rien qu'au niveau de la marine à voiles, des auteurs comme François Bourgeon, Patrice Pellerin et Jean-Yves Delitte sont arrivés entre-temps sur le marché.
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