Cette fourchette de trois à cinq mille exemplaires ne me paraît pas improbable pour une intégrale Dupuis patrimoine disposant d'une certaine visibilité. Il suffit de comparer avec les chiffres de l'intégrale Félix (éditions de l'Elan), majoritairement en noir et blanc et ne visant pas du tout le grand public.
Le premier tome édité par l'Elan fut le volume 5, prudemment sorti d'imprimerie à deux mille unités. Mais à la fin de l'année 2019, l'Elan a procédé à un retirage de mille albums supplémentaires pour faire face à des demandes insatisfaites depuis la première impression en octobre 2015.
Les tirages sont actuellement de deux mille cinq cents exemplaires, ce qui donne pour l'ensemble de la série une fourchette qui se situe entre 2.000 à 3.000 albums (le tome 6, tiré à 2.000 ex, n'a pas été réimprimé mais l'éditeur annonce qu'il va le faire). Les tomes 1 et 2, parus juste après les volumes 5 et 6, ont été tirés à deux mille cinq cents exemplaires et ont rapidement été annoncés comme étant épuisés.
Depuis son lancement, l'éditeur a sorti deux intégrales Félix par an avec une régularité de métronome et vient de boucler cette série avec son onzième et dernier opus.
Au cours de cette période, il a également publié
SOS Bagarreur (Follet/Tillieux) et le polar de Tillieux, illustré par Follet. Pourtant, avant de se lancer dans l'intégrale Félix, les bouquins estampillés aux éditions de l'Elan étaient d'une facture plus que moyenne. Un grand pas en avant fut accompli avec l'édition d'un recueil luxe grand format n&b non tronqué de l'histoire de remorqueurs
SOS Bagarreur (Follet sur scénario de Tillieux). Petit tirage, mais la qualité était au rendez-vous. C'était en décembre 2013.
Avant de se lancer dans l'intégrale Félix, l'éditeur a remis le couvert en proposant un album luxe grand format, couleur et n&b, proposant toutes les couvertures de Félix pour les fascicules Héroïc-Albums, avec en vis-à-vis, un original (ou un scan noir et blanc) et la version couleurs du magazine. Cet album onéreux ne s'adressait qu'aux mordus qui avaient en outre la possibilité financière de satisfaire leur passion. Les quatre cent cinquante exemplaires vendus chacun 145 euros se sont envolés.
Ce test probant, faisant suite à un précédent album très soigné mais à tirage confidentiel car coûtant un bras, a dû peser dans le niveau de qualité à offrir pour les albums qui paraîtraient désormais ultérieurement sous le label de l'Elan et notamment l'intégrale Félix.
Valhardi jouit de l'aura propre à Jijé (dont la bio de François Deneyer semble bien partie pour ne pas stagner dans des hangars). Quant à Marc Dacier, la série peut s'appuyer sur l'assise assez large que constituent l'ensemble des fidèles lecteurs de Charlier. Et s'agissant d'Eddy Paape, il a tout de même grapillé des lecteurs chez Spirou puis au journal Tintin, et malgré certaines maladresses y compris dans sa meilleure période, son style, particulièrement efficace car s'appuyant sur une bonne maîtrise de l'encrage et des contrastes et l'intelligence des compositions, en fait un auteur qui s'intègre aisément dans la production franco-belge des années 50 à 80.
Tous ces éléments sont de nature à rendre une intégrale attractive pour de nombreux lecteurs. On constate sur le forum
(infime échantillon de consommateurs, mais sans doute assez représentatif de la clientèle cible à qui s'adressent les éditions patrimoniales) que des quinquas, des quadras et même des trentenaires ne sont pas forcément rebutés par ce type de lecture puisque certains viennent ici pour le dire.
Je pense que le principal risque à la rentabilité d'une telle intégrale eût été de la sortir simultanément avec d'autres intégrales analogues
(avec Jerry Spring, Valhardi ou Les Castors par exemple). La période à venir me semblerait donc particulièrement propice, n'était le risque d'une immense paupérisation que la Covid19 pourrait bien entraîner.