Christin + Juillard, voilà une combinaison qui attire l'œil du bédéphile en maraude...
Christin nous offre une histoire politiquo-morale alambiquée limite surnoise. Pour résumer : Léna, une jeune femme dont on ne sait rien, se "transporte" d'un coin à l'autre de l'Europe et du Proche-Orient livrant à des quidams plus ou moins louche les morceaux d'un plan dont tout le monde ignore le but, et ça jusqu'à la page 41 (l'album en compte 56); 41 pages plutôt bavardes (je me suis crû par instant dans un vieille histoire de Charlier), vaguement remplies d'images plus ou moins touristiques pour se situer. Les 15 dernières pages nous offres un semblant d'explication (sur le passé de Léna, le tenants et les aboutissants du "plan") et laissent un nombre de questions non répondues; tout ça sur un fond bien pensant mais limite nauséabond. (Je ne développe pas pour éviter de dévoiler le nœud de l'histoire). Christin, qui a construit une partie de sa gloire (méritée) avec des récits politiques durs sur les mouvements extrêmes (cf. les histoires avec Bilal), semble avoir un peu de peine avec la réalité d'aujourd'hui ou alors il s'est aigri méchamment. Il avait déjà réalisé une histoire un peu semblable, quoique moins ambigüe, avec Ceppi (
La nuit des clandestins) et ce n'était déjà pas ça.
L'autre partie de l'équation : Juillard. Juillard fait du Juillard, mais sans grande passion. Peut-être paralysé par la quantité de texte, il reste très plan-plan. Le côté voyage de l'album en souffre beaucoup, on reste figé sur Léna sans voir grand chose des régions qu'elle traverse. Juillard s'en sort grâce à son immense talent mais ça reste quand même pas très excitant au niveau graphique.
Donc, un résultat final qui n'égale la somme de ces deux talents. A l'instar d'autres associations "forcées" (je pense à
Lune de guerre du duo Hermann/Van Hamme), l'association de deux univers forts et bien en place est très difficile à réaliser.