J'arrive à la fin du run de Gerber mais je ne peux pas m'empêcher de donner un avis après 3 épisodes que je viens de lire: Man-Thing (1974) 15-16 et GS 4. Ce sont le type d'épisodes que je préfère dans cette série et je voulais en parler plus longuement (il y en a plein avant comme ceux-ci mais le giant-size m'a bien ému).
Dans le premier, Man-thing n'intervient pas directement. Une jeune a qui on a recommandé une boutique de bougie en achète une à l'effigie du monstre. Elle ne sait pas que c'est un plan pour la récupérer, la bougie dégageant des effets hallucinogènes dont son ex pourrait la sauver.
Elle se retrouve à revenir à un temps où elle a rencontré Ted Sallis (notre héros quand il était humain et pensant), ce qui permet d'en savoir plus sur lui.
L'épisode se finit comme souvent un peu comme les EC Comics avec une chute où le "crime ne paie pas" tout en mettant l'accent sur des personnes qui ne rentrent pas dans le moule, ce qui est la marque de fabrique de Steve Gerber, le scénariste.
Dans l'épisode suivant, un vieil homme costaud ayant bossé sur les chantiers mais viré à cause de son âge. Il devient fou et s'en prend à ce monde de non-hommes qui ne méritent pas de vivre. Il finira par croiser une rock star qui cherche la décadence absolue. Les générations s'entrechoquent mais sont aussi renvoyés dos à dos.. ou presque.
Enfin, notre monstre interviendra pour tenter de sauver (involontairement, il ne pense pas mais est empathe) une jeune fille. Cette dernière va publier le journal de son ami, mort dans des circonstances suspectes mais que personne n'ose remettre en question. La question de la différence et de l'intolérance, de la haine ordinaire revient. Gerber publie même des pages de proses (le journal), ce qu'il fit et fera encore sur certains épisodes (permettant de supporter les deadlines qu'il ne respectait jamais). Un épisode assez bouleversant devant la calvaire que vécu cet ado avant une mort abjecte.
J'écoutais un podcast qui ramenait le prévertigo à EC Comics. Mais pour moi, le vrai pré-vertigo c'est Steve Gerber. Omega The unknown et Man-Thing ou Howard The Duck en particulier seront le chainon manquant entre EC et les récits d'Alan Moore.
Là sur 3 episodes, le patriarcat, les reacs mais aussi l'ecologie, le conflit de génération et la fin des ideaux sont au centre des débats avec surtout la manque d'empathie, de tolérance d'une société qui condamne parfois même à mort les personnes différentes.
Certes, le style de Gerber est très verbeux et ampoulé comme à l'époque mais il est aussi trés poétique ou dur.
Il nous raconte la fin des rêves hippies et commence déjà avec le cynisme et la provoc punk ou post punk.
Sur l'intolérance, certains vont le comparer à Chris Claremont mais ce dernier sera à la barre de la seconde série Man-Thing à la fin de l'omnibus et la comparaison ne lui sera pas flatteuse.
Le souci de Steve Gerber est souvent d'être accompagné de bons dessinateurs (parfois plus comme Buscema ou Morrow et Ploog dans cet omnibus ou Colan ailleurs) mais qui sont dans le graphisme des années 70 ou (sur Omega The Unknown surtout avec Mooney) seront de bons faiseurs maison.
Quand on me parle de Wein pour l'avant Moore, j'ai un peu de mal.. Wein c'est quand même souvent un faiseur. Ses Swamp-thing, c'est le cinéma des années 50, sans Wrightson d'ailleurs ca ne tient pas. Steve Gerber est déjà dans l'horreur moderne des King ou Barker que Moore et autres reprendront. L'horreur de la réalité!
Avec Gerber, on est déjà dans une forme de cynisme, de provoc punk que les anglais importeront en masse dans les comics.
Certes c'est encore de la narration 70's mais les graines sont là et sont déjà superbes!