Les Lamentations de l'Agneau # 5.
Isolés dans la maison familiale, les Takashiro se sentent de plus en plus proches et apprennent, peu à peu, à se connaître. Kazuna, touché par la sincérité de sa sœur Chizuna, décide de la protéger et de l’aider, mais c’est à ce moment-là que, pris d’une pulsion inexplicable et incontrôlable, il la mord au cou…
Tôme Kei est une artiste complète qui sait parfaitement gérer son histoire et son graphisme grâce à une narration subtile et toute en finesse. Jamais elle ne perd de vue son objectif principal et parvient toujours à nous captiver.
En nous emmenant dans le milieu des vampires, elle modernise leur mythe tout en en conservant la sensualité naturelle, la complexité de leurs sentiments et leur rapport au monde difficile. Ses personnages souffrent de leur maladie qui les « vampirise » mais tentent tant bien que mal de survivre, isolés afin que ce fléau qui les ravage disparaisse avec eux…
Il y a dans Les Lamentations de l’Agneau un côté sombre et désenchanté d’une extrême maturité qui place définitivement Tôme parmi les auteurs les plus réfléchis et intéressants de sa génération. Telle un grand écrivain, elle dépeint merveilleusement ce monde en proie à la tristesse. Les différents protagonistes se sont résignés à leur sort et essaient de tout faire pour ne pas faire souffrir ceux qui les entourent et qu’ils aiment. Seulement, Yaegashi Yô, l’amie de Kazuna, n’arrive pas à se faire à l’idée et tente de comprendre, de trouver des solutions afin de simplement pouvoir être aux côtés de celui qu’elle aime. C’est de ce protagoniste que provient la seule lueur d’espoir qui nous fait espérer le rétablissement des Takashiro…
La patte de la dessinatrice est reconnaissable dès le premier coup d’œil : des dessins doux, parfois à peine esquissés, mais toujours très expressifs et vivants. Il lui suffit de quelques coups de crayons pour planter cette atmosphère qu’elle seule sait créer, poétique et quelque peu gothique. Le tracé, bien que tremblant de temps à autres, est d’une incroyable justesse et réussi à brillamment capter les sentiments des personnages. Etrangement, le style est détaillé et d’une grande richesse mais sait également se faire simple, avec par exemple les décors qui, une fois plantés, savent s’effacer pour faire place aux divers protagonistes et ainsi accentuer leurs expressions. L’auteur sait donc aller à l’essentiel sans ommettre les détails qui font notre bonheur.
Nous parlions plus haut de la sensualité des vampires, toujours mise en avant dans les différents romans et films qui leurs sont consacrés, mais il n’est pas pour autant évident de mettre en avant cette sensualité sans tomber dans le ridicule. Si elle est trop accentuer, elle peut être risible ou vite devenir de l’érotisme, mais si elle ne l’est pas assez, les vampires perdent une partie importante de leur charme et de leur charisme habituel. Certains films, tel Interview with the Vampire – The Vampire Chronicles (tiré du roman d’Anne Rice) de Neil Jordan, parviennent admirablement à faire passer ce point quasi essentiel du caractère des vampires, mais d’autres frisent le comique… Pourtant, Tôme, en s’y essayant, réussi un coup de maître en insufflant à ses « vampires » tout ce qui leur faut sans jamais tomber dans la caricature, et sans même la frôler d’ailleurs. Impeccable.
Ce chef-d’œuvre d’une complexité rare et maîtrisée, d’une intelligence peu commune et d’une subtilité exquise se doit de trôner fièrement dans votre bibliothèque. Créée par l’une des plus illustres mangaka de sa génération, il s’agit de l’une des œuvres majeures de ces quelques dernières années, dotée d’un scénario d’une profondeur incroyable et d’un graphisme d’une beauté indiscutable.
A découvrir et à savourer. Génial.