JYB a écrit:- quand il pleut, l'eau dégouline dans la voiture ? Ca, c'est très malin !
On pourrait te rétorquer que la voiture a une galerie avec des tas d'affaires dessus qui protègent de la pluie et du soleil (les trous ne récupèrent que l'air qui file dans l'épaisseur de la galerie)...
Mais à mon avis, c'est un cas typique de "téléphone arabe" : l'idée a peut-être fusé, mais rien ne dit qu'elle a été appliquée... ou pas forcément comme dessiné (imaginons un toit-ouvrant cassé, bricolé hâtivement, puis troué pour faire passer de l'air, avant d'être re-réparé). Alors entre ce qui a été raconté par Franquin et ce qu'en a compris Yann...
Tous ceux qui ont eu l'occasion de côtoyer de près un événement médiatique savent combien les journaux déforment ainsi la vérité historique.
Je rappelle que j'ai bien aimé cet album : les dessins surtout, mais aussi la joyeuse fantaisie qui s'en dégage, même si je me sens obligé "d'en prendre et d'en laisser". Seuls les rêves délirants (qui auraient pourtant bien collés à un Giraud américain fumant des champignons) et les anticipations sur le futur m'ont agacés.
Mais de toute votre discussion, il y a pour moi deux trucs qui dominent :
1) toute relation d'événements historiques doit être complétée par des scènes intermédiaires imaginaires permettant de faire un lien entre les fait historiques avérés et documentés et de construire un plan de travail équilibré (accélérer ou ralentir le rythme, insister sur un caractère ou sur un détail primordial, etc...). Tout cela est normal.
Ce qui est reproché à Yann, c'est de s'être trop écarté des personnages et des faits qui étaient à sa disposition : non seulement il a insisté très lourdement sur les défauts de chacun (défauts charmants ou grinçants), mais il est souvent parti en vrille à partir de ces "pseudo-personnages" qu'il s'est créés. Ce qui fait qu'on n'arrive plus à le croire, et que ce qui aurait pu être une gentille triple biographie humoristique est devenu un fantasme trop personnel difficile à transmettre (même sous les couleurs de la licence poétique que s'accorde tout artiste).
Il faut aimer Yann pour aimer totalement cet album, sinon on passe à côté. Quelque part, Yann est le quatrième larron de cette histoire et de loin le plus envahissant.
2) Je n'aime pas le terme de "fiction" qui a été évoqué pour se dégager de toute responsabilité légale (voire morale). S'il y a quelques éléments réels dans une histoire, ce n'est plus une fiction. C'est un arrangement, une aventure intégrée dans un événement historique, un mélange de réalité et de fiction... tout ce que vous voudrez, mais ce n'est pas une fiction pure.
C'est donc se foutre du monde, ou employer cette "hypocrisie légaliste" typique des avocats, de certains médias ou politiques, et unanimement respectée pour que notre monde continue à tourner à peu près bancalement...
Mais honnêtement, on ne peut pas dire que ce soit une fiction.
Alors le coup de
la légende qui serait plus belle que la réalité, c'est du même acabit. C'est se défausser hypocritement pour tenter d'imposer une révision personnelle de l'histoire (qu'elle soit artistique ou volontaire). Toutes les propagandes de l'histoire racontent des légendes. Et l'un des intérêts de la redécouverte réaliste de plein de faits historiques que l'on voit publiées de nos jour, c'est justement de constater à quel point l'histoire ou les biographies ont été détournées, édulcorées ou arrangées.
Sauf qu'il est plus facile de jouer à ce jeu bien connu que d'essayer de répondre à ce qui est réellement : Yann a simplement voulu jouer avec ses marionnettes en oubliant que, derrière, il y avait des personnes réelles. La réalité n'était pas assez amusante, il fallait rajouter de l'humour, et à force de s'y amuser, il a passé la frontière de son délire personnel. Alors lorsqu'il a fallu défendre ses personnages de BD doublement revisités devant leurs véritables avatars (l'éditeur, lui, n'est capable que d'évaluer la valeur d'une signature et d'un thème porteur), il a botté en touche en évoquant la "fiction" (ce qui, pour lui, l'est peut-être réellement, tellement il a fantasmé son petit monde franquinesque depuis tant de temps).
Reste donc que cette "fiction", cette "légende", n'est pas traditionnelle : d'habitude, on magnifie les héros, on dévalorise les méchants, on écrit l'histoire que les gens on envie d'entendre, mais on ne ridiculise pas les personnes qu'on dit admirer et qui ont tant de fans, en s'emparant d'une histoire que beaucoup ont eu envie de voir publiée. C'est ce challenge que Yann a voulu relever, inconscient du fait que c'est sa façon à lui de montrer qu'il aime des dessinateurs de BD : en en faisant des personnages truculents et un peu irréalistes, à mi-chemin entre la réalité et les mondes imaginaires qu'ils connaissaient si bien.
Sauf que c'est une pratique qui va à l'encontre de trop de choses, dans l'esprit des lecteurs populaires (que sont les ayant-droits).
Cela aurait passé comme une lettre à la poste chez un éditeur alternatif, mais pas chez un éditeur grand-public.
Problème de cible...