JYB a écrit:Question bête et naïve (on va bien y arriver, à la 100e page de ce topic...).
Dans un premier temps, tout le monde ou presque a apprécié le récit de Yann, en disant que c'était formidable d'en apprendre sur ce voyage épique aux Etats-Unis, sur la personnalité des uns et des autres (Joseph Gillain, Franquin, Morris...).
Dans un deuxième temps, au cours d'interviewes de Yann, grâce aussi à des réflexions de certaines personnes, et surtout suite au "réveil" de la famille Gillain en particulier, il s'est avéré qu'il y avait des approximations et même des inventions pures et simples dans ce récit. La plupart des intervenants ont répondu ici (et ailleurs, sur d'autres forums) que les ayants-droit font "chier" (je reprends le terme exact que j'ai vu une ou deux fois sur les forums), qu'ils tuent la liberté de création, qu'ils ne s'intéressent qu'à l'argent, etc.
Dans un troisième temps, plusieurs personnes ici ont fini par reconnaître que l'éditeur a été léger dans l'affaire, et aurait dû soumettre le manuscrit de Yann aux familles concernées, pour avis. Et d'ailleurs, tout le monde, me semble-t-il, est tombé d'accord pour dire que l'ajout, in extremis, d'un cahier dans l'album, pour remettre les choses en place, a été une bonne initiative.
Si la lecture, par les familles, des épreuves avant parution avait été faite, je comprends que Yann aurait donc dû revoir sa copie et recommencer ou supprimer un certain nombre de scènes.
Ma question bête et naïve : Yann aurait-il eu raison de modifier ou supprimer des scènes, en fonction des remarques des ayants-droit ?
Ah, tiens, voilà une question bien ardue et qui appuie là où ça fait mal.
Personnellement, je tends à penser que ç'aurait été au minimum faire preuve d'une courtoisie bienvenue de la part des éditions Dupuis que de tenir un peu plus étroitement informés les héritiers, et que d'une manière ou d'une autre cela aurait sans doute conduit à atténuer la polémique.
Ce qui a fait monter la mayonnaise de tous les côtés, c'est la façon dont la menace de censure est brusquement intervenue, le report in extremis de la publication qui était prête pour la mise en place, et ensuite la longue attente de la sortie des albums avec toutes les incertitudes l'accompagnant.
Que ce serait-il passé si les héritiers avaient été mieux associés au projet ?
D'une part, côté auteurs, on aurait peut-être dit à Yann de corriger sa copie sur certains points en amont de la "réalisation" par Schwartz. Je pense en particulier à la représentation de Jijé qui est, de mon point de vue (que j'avais assez longuement exposé à l'époque...), très nettement celui qui prend le plus cher dans l'histoire, décrit comme un gros réactionnaire mesquin et plus ou moins sans talent comparé à saint Franquin.
Yann aurait-il obtempéré ou pas ? Aurait-ce était un bien ou non ? Là mon attachement à une certaine liberté de la création entre en conflit avec ma liberté de lecteur qui n'a guère goûté cet aspect de l'album... Mais tout ça est de la spéculation reposant sur une hypothèse fictionnelle. Dans les faits (cette version des faits), je n'aurais, de toute façon, probablement pas eu à me poser la question...
Car, d'autre part, côté ayants-droits, il aurait été plus difficile de jouer les vierges effarouchées dans le cadre d'une configuration qui les auraient impliqués d'un peu plus près. Peut-être aurait-on eu droit aussi à un texte en préface ou en postface pour donner un point de vue plus historique, mais quand bien même : cela aurait été d'un moins mauvais effet que ce "droit de réponse" collé rajouté sous la pression. Le ton en aurait forcément été moins polémique. Et réalisé en collaboration avec les archivistes de chez Dupuis, il aurait peut-être gagné en crédibilité et donc en intérêt, en évitant, sous prétexte de rétablir la "réalité historique", d'accumuler les erreurs et les impossibilités historiques, justement (Jacques Dutrey notamment en avait relevées pas mal, à l'époque, dans un
article de BDZoom...).