cedd79 a écrit:La BD est chère ? Qu'est ce que cela veut dire ? Est-ce que le problème ne serait pas inverse ? Est-ce que ce ne serait pas plutôt le pouvoir d'achat qui a baissé ? Comme tu le dis, finalement le prix de la BD classique est plutôt stable depuis plusieurs décennies. Mais c'est le ratio que ce poste occupe sur notre budget qui a augmenté, car celui-ci n'augmente pas à la même vitesse.
Ca se discute. Il faudrait voir dans quelle mesure les salaires ont augmenté sur la même période, information disponible
du côté de l'INSEE (j'en profite pour souligner combien il est facile d'avoir accès à beaucoup de données, pour peu que l'on se donne la peine de chercher. Le site de l'INSEE est une vraie mine).
Ce qu'il en ressort: entre 1996 et 2013, les prix à la consommation ont augmenté de 32.6%; sur la même période, le salaire minimum (pour 35h hebdomadaires) a progressé de 27.5%, tandis que le salaire moyen n'a progressé que de 11.3%. Donc effectivement, il y a eu une perte de pouvoir d'achat global en 20 ans, face à des prix qui n'ont pas baissé.
J'y rajouterais également d'autres facteurs, qui viennent un peu plus noircir le tableau: l'arrivée de nouveaux postes de dépense pour les foyers, comme les abonnements Internet ou mobile. Il y a donc, de manière générale, une nette dépréciation du pouvoir d'achat des foyers.
cedd79 a écrit:quelles sont les marges finales ? Combien se mettent dans les poches les éditeurs, tous les intermédiaires et les vendeurs, une fois que tous les coûts ont été absorbés ?
Il y a des éléments dans la Numérologie, empruntés au mémoire de Max Carakehian (cf. la partie "éditeurs" sur
cette page), qui rejoint les conclusions d'une étude KPMG sur l'édition. Je cite ici la conclusion que je donne à ces deux documents:
Si une analyse semblable n’a pu être réalisée pour les années postérieures à 2010, l’institut KPMG publie chaque année depuis 2005 une étude qui «présente les chiffres clés du secteur de l’édition, pour permettre aux éditeurs de comparer leurs tendances à celles du marché.» Couvrant 194 maisons d’édition, cette étude y distingue une catégorie «BD» constituée a priori des éditeurs suivants : 12bis, Bamboo, Dargaud, Éditions Clair de Lune, Fluide Glacial, Gallisol, Glénat, Guy Delcourt, Hoebeke, Ki-oon, Les Humanoïdes Associés, Pika, Soleil, et Tonkam Scheffer.
Les calculs relatifs à la marge EBITDA de ces éditeurs rejoignent ceux de Max Carakehian, en cela qu’ils établissent une marge moyenne de 4,7 % en 2009, et de 4,6 % pour 2010. Cette marge connaît après cela une progression sur les années suivantes, à 6,3 % en 2011 et à 7,9 % en 2012. L’étude souligne par conséquent «une évolution de la rentabilité moyenne irrégulière».
Je me permets de rajouter quelques considérations complémentaires: à nouveau, il faut se garder ici de faire une analyse titre par titre, mais bien de considérer l'ensemble de l'activité de chacun des acteurs. En cela, un éditeur mutualise les risques en publiant plusieurs livres, alors qu'un auteur est dépendant d'un seul titre. Sachant qu'en plus, l'évolution de la structure de rémunération (cf. la section "rémunération" dans la partie "auteurs" de
cette page) s'est faite au détriment des auteurs.
Deux situations évoquées par Kris dans son texte permettent d’illustrer cet état de fait : en 2001, un album de 46 pages rémunéré 400€ la page (dont 50 % en «faux fixe») atteignait pour l’éditeur son «point mort» à 8 113 exemplaires vendus ; en 2011, un ouvrage rémunéré par un forfait de 15 000€ en avances sur droits atteignait pour l’éditeur son «point mort» à 3 649 exemplaires vendus.
Sans même prendre en compte les différents gains de productivité liés (entre autres) à l’introduction de l’informatique dans la chaîne de production des livres, il ressort que la rentabilité de ces ouvrages a donc été fortement accrue pour l’éditeur, et ce, même dans un contexte de ventes à la baisse. Il n’en est bien sûr pas de même pour les auteurs, dont les perspectives de revenus se retrouvent de plus en plus limitées aux avances perçues.