Chino a écrit:
Par contre, si tu veux te révolter, révolte toi contre le gouvernement qui réduit les budgets du secteur social car ils trouvent qu'ils n'y a pas assez de résultat!! A croire qu'on chiffre l'humain en réussite, surtout dans l'handicap.
ça fait bien sur parti du coup de gueule. C'est ce que je dis: aujourd'hui, l'humain est chiffré selon son rendement, et il est clair que les vies handicapées valent moins sous ce regard. Si encore on le chiffrait en réussite! (la plupart des handicapés fournissent des efforts que nous ne pourrions supporter, même si leurs résultats ne sont pas dans la même gamme que ceux du personne non handicapée, ils ont une résistance et une envie qui fait d'eux, par certains côtés, des surhommes et des miracles de l'évolution. Mais ici, dans ce monde, on ne calcule qu'en rentabilité, qu'en argent rapporté.
La politique du gouvernement est l'expression de la volonté populaire et d'une politique de société: il est clair qu'actuellement, le handicapé n'est pas la priorité de notre société. On le sacrifie lui (puisque considéré comme inférieur, et moins capable de se défendre) pour des intérêts dits supérieurs (ceux de personnes non handicapées, si ce n'est du cœur). C'est étrange, mais j'étais récemment (par erreur) à une conférence sur l'autisme en milieu scolaire, et pour parler de la baisse constante des Assistantes de Vie Scolaire, il y avait très peu de monde, seulement les gens concernés. Il faut dire que l'avenir des autistes, c'est beaucoup moins important que de bosser 6 mois ou 2 ans de plus dans sa vie d'adulte "normal" qui dure 70 ans (je ne dis pas que le combat est inutile, mais il me semble que les priorités sont inversées).
Corail a écrit:Le choix des parents qui ne souhaitent pas faire aboutir leur projet parental, si un handicap de type trisomie est détecté... ca leur appartient, c'est leur choix.
Il n'y aura qu'eux pour élever cet enfant.
Et quel serait son avenir, lorsque ses parents ne seront plus là pour s'en occuper ?
Faut-il compter sur la société et (le peu de) structures adaptées pour les accueillir, et leur permettre de vivre et de vieillir dans des conditions dignes ?
Oh, il y a bien tout un tas de bénévoles qui s'y donnent corps et âme, des associations voient le jour et perdurent, mais elles sont ultra-minoritaires. Tu pointes du doigt le problème: les parents sont la plupart du temps tous seuls. Pourquoi? Et bien arce que la société rejette les handicapés de son monde de "bien portants". Aujourd'hui, le handicapé n'a pas le droit de cité chez nous. Et ce n'est pas les superbes espaces privés qu'on lui donne (passerelle pour l'accès au cinéma, squattée par les skaters, toilettes aménagées, ...) qui lui offriront la possibilité de se sentir intégré et aimé en tant que personne. Vous avez déjà essayé d'emmener un handicapé moteur au cinéma? déjà lorsqu'on achète sa place, il est considéré comme une source de problèmes (il va falloir lui ouvrir et dégager l'accès, il va falloir le mettre au 1er rang pour éviter les escaliers, qui sait s'il ne va pas faire des saletés, etc.), alors évidemment, à sa place, j'aurais vraiment l'impression d'être accueilli et estimé!
Corail a écrit:Je trouve que c'est difficile de porter un jugement, de se mettre "à la place de", parce que justement, on ne sera pas à leur place.
Pour témoignage, j'avais une collègue qui a choisi de mettre au monde un enfant, qu'elle savait être trisomique.
Ce n'était pas une trisomie 21 (celle qui présente le moins de handicap)
mais une trisomie 18, ou 13... (je ne sais plus) entrainant de graves malformations, et une mortalité in-utéro (pour la 13) ou dans l'année qui suit la naissance (pour la 18)
Ce bébé est décédé à la naissance...
Et la perte d'un enfant, c'est terrible, pour les parents, la fratrie... même si l'enfant est porteur d'un lourd handicap.
Je ne me mets pas à la place des parents. Chaque père, chaque mère, fait face avec ses moyens à ses propres responsabilités. J'approuve ou non le choix fait mais chacun à sa liberté de conscience et donc sa liberté d'agir. Il n'est pas question de remettre en cause la liberté de chacun. Ma question, c'est: quel est le regard que nous portons actuellement sur la personne handicapée? En tant qu'individu, en tant que société? Et il me semble que tel un noir du XVIème siècle ou un juif de 1940, ou un rom de maintenant, la réponse est: "untermenschen". Ils valent moins que des hommes (et pour machin-truc, je prends ton point Godwin avec plaisir si tu arrives à me montrer en quoi les situations sont différentes. Sinon, tu peux envoyer ta belles illustration à l'ONU, ça leur fera plaisir de retravailler leurs définitions).
Quant à ta collègue, je ne connais pas l'histoire, mais je suppose que si elle avait arrêté sa grossesse plus tôt, le traumatisme psychologique et la culpabilité n'auraient pas été moins grands. Même en cas de perte in utero, vu ce que tu en dis, je pense qu'elle aurait été frappée de perdre "son" enfant.
Par contre, ta dernière phrase me remonte le moral: même handicapé (le même est assez réducteur, mais on s'en contente) lourdement, pour ses parents, un enfant reste un enfant. Et quelle soit sa tête ou la taille de son cerveau, il reste la conséquence d'un moment d'amour (dans la majorité des cas, j'espère) et de plaisir (idem) entre les 2! Imagine donc quand, ces parents qui aiment ce petit handicapé et n'y voient rien d'autre que "leur" enfant, voient le regard des autres se poser sur lui, entendent les paroles qui se disent, comprennent qu'ils sont seuls à croire en ce petit bout de chaire qui crie. Certains sont même insultés pour avoir laisser vivre "ça".
Quel regard avons nous chacun sur ces êtres plus faibles, plus limités? Celui d'un conquérant, d'un être "supérieur", ou d'un égal?
Merci en tout cas à ceux qui ont donné leur avis, même différent du mien. Il est toujours courageux d'exprimer et d'assumer ses idées, sans se cacher et sans se mentir. C'est une lucidité que j'aimerai avoir en permanence.