OK, je vais la lire.
Pour l'heure, je suis partagé entre plusieurs sentiments. Je suis comme beaucoup curieux de voir comment le petit monde et l'univers géographique et historique de
la Ballade sont utilisés.
Mais je ne peux m'empêcher de penser qu'il sera ici porté atteinte au mythe fondateur de la série et à l'intense mystère qui caractérise
La Ballade et qui doit être inhérent à sa lecture.
Pour les lecteurs familiarisés avec la série, pas de souci.
Mais pour celui qui entrera dans le monde de Corto par cette porte (et il y en aura, fatalement),
la Ballade perdra de son aura, de son pouvoir de fascination, de sa magie. Un peu de mystère et peut-être même de romantisme se seront envolés. Le lecteur connaîtra déjà le Moine, Crânio, l'île d'Escondida, etc... Sans parler de Corto et de Raspoutine.
Pour ma part, je suis entré dans Corto en lisant vers 1970-72, pas forcément dans l'ordre ni de façon exhaustive et sans doute sans y comprendre grand chose, plusieurs récits de vingt planches composant les premiers albums. Certaines de ces histoires font allusion à
La Ballade, mais sans risque de spoil.
Aussi lorsque, en 1975, j'ai découvert le pavé qu'était
La Ballade (j'étais un gamin, à peine ado, je n'avais jamais vu une BD présentant cet aspect), il s'agissait pour moi d'un véritable reboot. Tout ce que j'avais lu de Corto dans Pif n'interagissait en aucune manière avec ce roman en BD. J'étais comme vierge devant cette œuvre totalement atypique, à la fois dure et romantique, propice au rêve. Même si j'avais acheté cet album sur la base de mes souvenirs de lecture. Parce que les récits parus dans Pif et lus pour certains dans les dortoirs de (jolies) colonies de vacances avaient dû suffisamment marquer le gosse que j'étais. Les albums d'Astérix ou de Tintin, je pouvais les relire, puisqu'on les avait à la maison. Mais pas ces récits envoûtants de 20 pages, publiés dans des journaux qu'on s'échangeait, qu'on devait rendre à leurs détenteurs respectifs. Fascicules parfois voués à la poubelle dans les semaines ou les jours qui suivaient l'achat. La magie de l'éphémère.
Il n'y aura plus aucune virginité pour celui qui lira cette préquelle qui s'empare d'un personnage emblématique autour duquel s'articule tout le mystère de
La Ballade.
La Jeunesse de Corto, si elle est chronologiquement antérieure à tous les récits, ne fait pas véritablement office de préquelle, même si je déconseille de découvrir Corto par cet album.
La Jeunesse n'est au fond qu'une sorte de bonus, une cerise sur le gâteau, mais demeure transparente, neutre.
Mais ce
Jour de Tarowean, lui, pourra difficilement faire preuve de neutralité. Il atténuera la force du premier Corto pour celui qui se trouverait lire
la Ballade après
Le jour de Tarowean.