enfin vu hier "ni juge, ni soumise, le film de Jean Libon et Yves Hinant sur la juge d'instruction Anne Gruwez.
La filiation à Striptease est trasnparente, le générique de fin reprenant d'ailleurs le cultissime thème de Combo Belge.
que dire, le personnage est haut-en-couleur, entouré de seconds couteaux pas piqués des hannetons. Rompus à l'exercice, les réalisateurs se font parfaitement oublier la caméra, créant une intimité étrange, sans voyeurisme. Du Striptease à son meilleur niveau. C'est plus sur le contenu que le malaise s'installe parfois.
On assiste à quelques entrevue avec des prévenus, collection de crétins assez fabuleuse, avec par exemple Kamal, qui comparaît par avoir braqué le vieux Gustave. La scène est burlesque à souhait, le type se justifiant maladroitement, la juge et son avocate lui intimant de se taire, encore et encore.
Autre moment surréaliste, lorsqu'Anne Gruwez prédit l'avenir d'un prévenu, arrivant à la conclusion que le mieux serait peut-être qu'il crève tout de suite. La démonstration est cynique à souhait.
Puis il y a les moments d'enquête, la juge tentant de résoudre une vieille affaire de meurtres de prostituées. On découvre les rouages de la justice, grosse machine dépassée et brinquebalante, qui paraît terriblement inhumaine.
Malaise quand la juge parle de ses clients, quand l'avocate de Kamal, une fois son cas évacué, se plaindre qu'elle "se le coltine depuis 10 ans", oubliant que, tout connard qu'il soit, il reste un être humain.
Malaise lorsqu'un corps est exhumé pour une prélèvement d'ADN. Le film ne dissimule rien, le corps retiré de la fosse comme un sac de linge sale, le cadavre encore frais, exposé et malmené pour scier un bout de fémur. Le nom de la personne est donné, on voit sa photo.
Déjà le fait que rien n'est flouté, voyant le suspect d'un ancien crime réinterrogé, avant de voir les policiers échanger leurs doutes. Son nom est donné, on discute ses condamnations passées. Le mec n'est pas un ange, mais c'est quand même limite
Malaise aussi lorsque Anne Gruwez interroge une famille maghrébine sur le fils de la famille, visiblement dérangé, qui, après une dispute, a pris sa voiture pour foncer sur des policiers. Et voilà la juge qui se lance dans toute une diatribe sur la consanguinité découvrant que les parents sont cousins. C'est juste déplacé et hors de propos. On en oublie les faits.
Malaise lorsque ce prévenu envoyé à Forest, en, quittant le bureau entre 2 policiers se retourne et hurle que lorsqu'il sortira de prison, il ira en Syrie.
Puis il y a ce passage insoutenable: l'interrogatoire d'une femme qui a tué son bébé. Elle est en plein délire, persuadée qu'elle a tué satan. Elle s'exprime avec une cohérence parfaite, d'une folie froide et terrifiante, face à une Anne Gruwez totalement détachée.
Comme souvent, avec Striptease, c'est extrêmement bien fait. La réalité est captée sur le vif, sans fard, sans jugement. Et cette réalité n'est pas belle. On sent la misère de la justice, le manque de moyen, la misère en face, le petit esprit des fonctionnaires...
Par contre, absence totale des victimes. Choix assumé, refus des personnes d'être filmées ?
et il est difficile de ne pas voir toutes ces histoires de violence conjugales traitées un peu légèrement, laissant des mecs accusés de violence sur leurs épouses, s'en sortir avec un sermon, un peu de baratin et une vague promesse...
Le documentaire est excellent, mais ce qu'il montre est franchement rude et ne rend pas confiance en la justice.