Depuis quelques années désormais, l'édition française s'interroge sur son impact environnemental, et, si toutes les questions ne trouvent pas une réponse, elles sont au moins posées. La crise sanitaire, ses conséquences matérielles et logistiques, mais aussi le conflit russo-ukrainien au cœur de l'Europe ont rebattu les cartes, et fait apparaitre le versant moins profitable de la délocalisation.
À la crise environnementale globale s'ajoutent des facteurs conjoncturels, comme
une longue grève dans les moulins à papier finlandais, ou encore la fermeture de quatre des cinq usines
du géant du papier finno-suédois Stora Enso, qui viennent compliquer le circuit de production de l'édition française. Dans ces conditions, l'idée d'une relocalisation de la production au plus près de la France ne semble plus utopique, mais plutôt souhaitable.
En 2018, Casterman faisait partie des éditeurs d'ouvrages jeunesse qui imprimaient le plus en Asie, selon les données combinées des impressions entre 2006 et 2016, collectées par le WWF. Sur la période, 693 titres sur 3197 avaient été imprimés en Asie, dont 625 en Chine.

Quatre ans plus tard, l'éditeur Casterman nous indique imprimer en Asie une trentaine de titres sur les 300, environ, publiés par an. « Il s'agit principalement de titres avec une peluche intégrée, que peu d'acteurs en Europe sont capables de produire », nous indique France Moline, directrice de la production pour Casterman, Futuropolis et Denoël Graphic.
(...)
La relocalisation de la production s'est donc effectuée, « auprès de fournisseurs français et en Europe, notamment en Europe de l'Est », détaille France Moline. « Le développement des robots en bout de chaine, pour la mise sous carton et sur palettes, a permis de réduire l'impact de ces étapes, qui étaient très lourdes en termes de main d’œuvre. »
Le groupe Casterman travaillait déjà avec des partenaires européens en Espagne et en Italie, des liens qui ont été conservés, d'autant plus que, « sans l'Italie et l'Espagne, la capacité de production de la France ne suffirait pas à la production éditoriale », tout comme en Belgique d'ailleurs, où travaille aussi le groupe. Bien que situés en Europe, ces fournisseurs rendent aussi des comptes en matière de certifications et d'obligations RSE.
Les difficultés d'approvisionnement en matière première, notamment en carton et papier, ainsi que la guerre en Ukraine auront amené de nouvelles difficultés : « Pour les ouvrages tout-carton, qui sont compliqués à imprimer en France, nous avions l'habitude de travailler avec Unisoft, en Ukraine, pour lequel la situation est bien sûr devenue très compliquée. » Six ouvrages qui devaient être imprimés par Unisoft pour Casterman ont été reportés et mis en attente par l'éditeur, « pour éviter de les imprimer en Asie, mais aussi par respect pour tous les maillons de la chaine graphique ».